« Nous fonctionnons souvent en mode pilotage automatique »
Laurence Roux-Fouillet, sophrologue, conférencière, formatrice et auteure du livre Intelligence émotionnelle, comprendre ses émotions et améliorer sa relation aux autres (Vuibert).
« L’intelligence émotionnelle, c’est la capacité à apprendre à piloter ses émotions. Ces dernières sont inévitables, elles font partie de nous. Le problème, c’est que nous fonctionnons souvent en mode pilotage automatique. Développer son intelligence émotionnelle permet ainsi de ne pas se laisser déborder par ses émotions, mais aussi de ne pas les nier. Il est alors clé de comprendre le message qu’elles nous délivrent afin qu’elles nous guident dans nos choix et nos décisions. Le premier pas ? Ne jamais réagir à chaud, sous le coup justement d’une émotion, notamment de la colère. Face à un événement, prenez toujours le temps de la réflexion. La raison, c’est un peu l’émotion qui a refroidi. Vous verrez qu’à la suite d’un mail qui vous agace, attendre quelques heures (voire le lendemain) va vous permettre d’élaborer une réponse plus mesurée. Vous y verrez plus clair et ferez preuve de davantage de discernement. Si vous répondez immédiatement, vous risquez de regretter vos mots ou votre ton. Pour s’entraîner à développer votre intelligence émotionnelle, observez les autres. Menez vote enquête : repérez quand quelqu’un boude ou s’énerve, observez son attitude, essayez de cerner ce qui a déclenché l’émotion et quel besoin n’a pas été satisfait. Est-ce par exemple le besoin de reconnaissance ou sécurité ? Qu’est-ce qui va ensuite permettre à cette personne de retrouver de la joie et de l’enthousiasme ? Voyez ensuite comment vous l’appliquer à vous-même lorsque vous êtes triste ou en colère. Vous verrez qu’il y a forcément des analogies avec votre propre comportement. »
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#6 Good Job – Mieux vivre ses émotions au travail
» N’attendez pas que la cocotte-minute explose »
Régis Rossi, conférencier, illusionniste et coauteur du livre Les Pouvoirs de l’intelligence émotionnelle (Eyrolles).
« Pour moi, la joie est un moteur au travail. Elle doit être cultivée pour que les équipes prennent du plaisir et que cela fonctionne au quotidien. C’est une responsabilité individuelle, mais aussi managériale afin d’inspirer et de donner de l’énergie. J’ai la conviction profonde que la réussite du manager passe par sa capacité à mobiliser son intelligence émotionnelle. Être empathique, se mettre dans une posture d’écoute active, pratique la CNV… Tout cela aide à développer de bonnes relations avec ses collaborateurs et à s’adapter aux changements. Concrètement, je conseille aux managers de s’intéresser à l’intelligence émotionnelle, de lire des ouvrages, d’écouter des podcasts… En bref, d’être curieux sur ce sujet pour vraiment comprendre de quoi il s’agit. Ensuite, ils peuvent tenir un journal de vos émotions pour élargir leur palette : il n’y a pas que la peur ou la colère, mais beaucoup de nuances ! Le but : s’interroger pour identifier le contexte, l’événement déclencheur et l’émotion ressentie (« J’étais/je suis joyeux, triste, angoissé, etc. ») ainsi que son intensité sur une échelle de 1 à 10. N’attendez pas que la cocotte-minute explose pour mettre des mots sur ce que vous ressentez. Enfin, pour comprendre les émotions des autres, la première étape est de vraiment s’y intéresser, de les accueillir sans jugement ou interprétation. »
« J’ai trouvé des ancrages positifs et je m’y suis accrochée »
Sarah Ourahmoune, vice-championne olympique de boxe aux JO de Rio en 2016, conférencière et entrepreneure.
« J’ai géré mes émotions de deux manières différentes quand j’étais sportive de haut niveau. Pendant ma première partie de carrière, j’ai adopté le discours, les usages et la culture de la boxe. Il était normal d’avoir peur, il fallait l’accepter, cela faisait partie du jeu. Quand on monte sur un ring, la peur permet d’être plus vigilant et concentré. J’ai donc appris à l’apprivoiser. Et puis, m’entraîner dur et envisager toutes les difficultés possibles, pour trouver une solution à chacune en amont du jour J, me rassuraient. Cela limitait les imprévus puisque j’avais anticipé au maximum. Pendant ma deuxième partie de carrière, j’ai eu envie d’être plus sereine et de prendre plus de plaisir sur le ring. J’ai donc travaillé avec un préparateur mental. La qualification aux Jeux olympiques de Rio était source d’angoisses pour moi. J’avais ma fille en bas âge et mon entreprise, je risquais beaucoup et c’était aussi du temps que je ne pourrai pas rattraper en famille. Mon préparateur m’a appris à imaginer le meilleur scénario possible. Comment avais-je envie que cela se passe ? En visualisant tout le déroulé de la compétition, j’ai trouvé des ancrages positifs et je m’y suis accrochée. Je m’imaginais debout sur le ring, les yeux fermés, puis répondant de la meilleure des manières à chaque attaque de mon adversaire, jusque sur le podium avec la Marseillaise… J’étais dans un état de flow.
L’idée était de répéter ces visualisations et d’utiliser tous mes sens : j’associais ainsi mes victoires à l’odeur du camphre. Il y en avait dans l’huile avec laquelle je me massais à l’échauffement. Et j’avais aussi des rituels : de la musique, des mouvements et postures, des mots parades que je me répétais si la peur grimpait… Tout cela m’a permis de changer d’état d’esprit. Je donnais tout sur le ring, mais en m’amusant, pour n’avoir aucun regret. Cette approche optimiste est également passée par un changement de posture de mon entraîneur, avec davantage de feedbacks positifs lors des analyses de mes entraînements et de mes combats. Sa confiance rejaillissait sur moi, elle a nourri la mienne. La plus grosse erreur serait de croire que la colère aide à se dépasser, elle entraîne plutôt une perte de contrôle et de lucidité, elle nous fait commettre des erreurs. Or, sur un ring, chaque erreur est punie immédiatement ! Dernier élément déterminant : j’ai appris à me concentrer sur ce que je pouvais contrôler et à lâcher sur ce qui ne dépendait pas de moi, comme l’environnement, l’arbitrage, le regard des autres… »
Merci