Management

Comment réinventer une entreprise soucieuse de l’individu ?

En 2015,  le taux de ruptures conventionnelles a explosé, avec plus de 300 000 dossiers. À ces chiffres s’ajoutent deux phénomènes : le burn-out, l’épuisement professionnel et le bore-out , qui traduit l’ennui, incitant ainsi les Français à rompre avec l’entreprise. Pourquoi est-elle si souvent synonyme d’étouffement ?  Par Victoria De Belilovsky, responsable marketing chez Ippon Technologies.

 

Il ne se passe pas une soirée entre amis où l’on entende parler d’une idée de “projet à monter” ou de l’envie de répondre à un rêve de “liberté” pour se réaliser professionnellement, dans des conditions jugées plus saines. On peut en conclure que les salariés sont de plus en nombreux à vouloir quitter ce “confort” de la structure de l’entreprise malgré les risques que cela implique.

 

Entreprise versus liberté ?

Comment se fait-il que pour se réaliser il faille avoir son propre projet alors qu’il existe déjà des milliers d’idées à développer en équipe ? Pourquoi est-ce que ce collectif écrase les individualités silencieuses au lieu de les révéler et les faire rayonner ? Comment faire pour que l’entreprise se développe en s’appuyant sur la richesse des personnalités sans partir dans tous les sens et perdre en efficacité ?

 

Pourquoi l’entreprise part en “free style” ?

L’entreprise paie les conséquences de certaines évolutions sociétales. Souvent ancrée sur un marché mondial, elle a dû tirer sur la corde pour s’aligner sur une concurrence féroce et sans frontière. Guidée par les nouvelles technologies, tout s’est accéléré et le collaborateur, consciemment ou non, essaie de suivre la cadence. Le collaborateur, équipé d’un smartphone veut faire du zèle en répondant à toutes heures du jour et du week-end à ses e-mails, brouillant peu à peu les frontières entre vie professionnelle et personnelle. C’est donc un rythme effréné et des journées qui n’en finissent pas qui sont devenus les nouvelles normes. Un rythme tellement épuisant que l’on commence à vanter les mérites du Slow Business : une cadence qui  permettrait de se concentrer sur la qualité des tâches effectuées plutôt que sur la quantité.

 

Comment l’entreprise peut-elle se réinventer ?

 

1)Devenir une entreprise apprenante

L’entreprise doit s’inscrire dans le prolongement des études. Les travailleurs ne doivent pas faire le deuil de l’apprentissage, de la nouveauté et de la découverte, une fois un diplôme en main. Il est certain que les plus curieux et les plus ambitieux continuent à  prendre ce temps, mais à quel prix et sur quelles heures ? Famille, sommeil, sport, déjeuner, loisirs, etc. toutes ces heures sont légitimes et essentielles pour garder un équilibre de vie et rester performant dans ses fonctions et heureux, tout simplement.

 

Si l’entreprise veut croître sainement, elle doit intégrer la formation en continu et la capitalisation des connaissances dans son programme employeur. Ainsi elle pourra faire l’économie :

•               D’un taux de désengagement important : sans formation supplémentaire, les collaborateurs rentrent dans des routines qui peuvent être efficaces un temps mais qui deviendront rapidement  ennuyeuses. Et avec l’ennui vient la perte d’assiduité.

•               D’auto-formation illicite (se cacher pour se former pendant ses heures de travail) et donc stressante ou culpabilisante pour le contrebandier.

•               De départs coûteux : humainement dans un premier temps, car c’est toujours le membre d’une équipe qui quitte le navire. C’est aussi une part de l’historique de l’entreprise qui s’envole vers de nouveaux horizons. Et financièrement dans un second temps car il y a toujours le coût du recrutement, celui du flottement de l’entre-deux et celui de l’intégration.

 

2) Définir une vision et une mission engageante

La vision et la mission sont quelques notions inspirantes et inspirées des convictions de la direction ou de l’ensemble des collaborateurs. Il s’agit d’une suite de mots qui aidera à vivre plus sereinement les passages à vide ou les périodes de pertes de sens pour le collaborateur. Tout le monde s’est posé un jour la question du sens de son travail, ce lieu qui motive le réveil chaque matin et qui pourtant ne répond pas forcément à l’ensemble de ses convictions. La vision et la mission donnent de la consistance aux petites tâches ingrates et peu valorisantes. Elles installent le projet “économique” dans un autre plus sociétal et donc plus humain.

Un projet d’entreprise qui participe à améliorer les choses devient un projet écologique et donc forcément plus attachant et motivant. Tout à coup, avec sa mission, l’entreprise “concerne” et “parle” au collaborateur.

Une fois sur le papier, la complexité et la beauté de cet exercice résident dans le fait de l’intégrer un maximum dans la réalité du terrain et du business. C’est l’affaire et la responsabilité de tous – une responsabilité qui dépasse la hiérarchie et l’individualisme.

 

3) Placer le bien-être du collaborateur au cœur de ses priorités

Dans la notion de bien-être, en tant que chef d’entreprise, il y a deux visions. La première vous pousse à faire du bien-être une priorité, car la direction aspire tout simplement à ce que les gens soient heureux de se lever pour le compte de l’entreprise. Le CEO a le cœur sur la main et rêve de travailler dans une marée de sourire. C’est tout à son honneur. À cette définition qui peut paraître un petit peu “bisounours” vient s’ajouter le gain business d’un collaborateur bien dans sa tête et ses baskets. Privilégier le bien-être, ce n’est pas transformer son entreprise en annexe du Club Med, c’est surtout privilégier et prendre en considération l’individu et son unicité dans un collectif structuré.  Qui plus est, le collaborateur reste le premier ambassadeur de votre entreprise. Il a le pouvoir de faire de la publicité gratuitement et avec des arguments plus convaincants qu’un slogan bien trouvé. Il a aussi le potentiel – grandissant avec l’essor des médias sociaux et des plates-formes qui évaluent les marques vues de l’interne (Glassdoor ) – de faire l’éloge de tout ce qui ne tourne pas rond dans la structure.

 

L’entreprise doit sortir de sa zone de confort

Le bien-être revêt toutes les formes que l’entreprise souhaite lui donner en fonction de ses moyens financiers et de sa personnalité. Cette ambiance accueillante et épanouissante doit aussi être de la responsabilité des collaborateurs. Ils sont les mieux placés pour savoir ce dont ils ont besoin. Locaux et bureaux créatifs, espace détente pour rompre avec le rythme intensif des journées, moments de rassemblement et de fête des “petites victoires”, sorties sportives ou culturelles entre collègues sont quelques exemples qui peuvent être facilement mis en place. Ce bien-être, c’est avant tout la relation d’écoute attentive, la prise en considération de l’autre dans la prise de décision. Ces changements s’installeront petit à petit et créeront cette culture du bien-être et un climat de confiance, sources d’innovation et de dépassement de soi. Des entreprises vont aujourd’hui un peu plus loin dans les démarches bien-être en intégrant dans leur structure des programmes dédiés au développement des compétences et des potentiels de leur force vive. Si l’entreprise ne souhaite pas se faire renverser, comme toutes ces entités qui pensaient “être à l’abri” du mouvement, elle doit se réinventer, sortir de sa zone de confort contrôlante pour intégrer pleinement le collaborateur à ses futurs succès.

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