“En entreprise, la gestion du temps ne doit plus être un sujet individuel mais collectif”
Diane Ballonad Rolland, coach, fondatrice du cabinet Temps et Equilibre, auteure du livre Slow Working (Vuibert).
“Apprendre à bien s’organiser est, certes, très important, mais quand la charge de travail déborde, on a beau connaître les méthodes les plus efficaces, on ne pourra jamais faire de miracles ! La première chose à faire est donc d’adresser le sujet de la (sur)charge avec son manager. Ensuite, il est essentiel de discuter en équipe. Par exemple, se mettre d’accord sur ce qu’est une vraie urgence, selon le métier exercé et le secteur d’activité, paraît indispensable. Ainsi, en entreprise, la gestion du temps ne doit plus être un sujet individuel mais collectif. On pense à tort que l’organisation est quelque chose qui coule de source, mais non : il faut prendre le temps d’en parler une ou deux fois par an pour partager les ressentis de chacun, et ainsi éviter les malentendus. Si vous êtes manager, échangez avec votre équipe sur la façon dont chacun s’organise et voyez si peuvent émerger de ces échanges des outils communs, des pistes d’amélioration, des suggestions. Ces discussions ne sont pas du temps perdu. Au contraire, elles permettent de coconstruire une organisation qui convient à tout le monde.”
“Arrêtons d’organiser notre temps comme si les aléas étaient exceptionnels !”
Adrien Chignard, psychologue du travail et des organisations, fondateur du cabinet Sens & Cohérence, auteur du livre Burn out (Mardaga).
“On travaille plus intensément et de manière plus interdépendante qu’il y a 30 ans. Sans surprise, les imprévus sont devenus la norme. Arrêtons d’organiser notre temps comme si les aléas étaient exceptionnels ! Il faut au contraire les intégrer au planning. Je vous conseille, notamment si vous êtes manager, de fixer dans votre agenda deux sessions de deux heures (quitte à inventer de fausses réunions pour être sûr de ne pas être dérangé) chaque semaine, par exemples les mardis matin et vendredis après-midi, pour absorber tout ce qui déborde : les sollicitations, les mails, un dossier en retard… Ces moments, qu’il faut absolument sacraliser, sont des zones tampon qui agiront comme des éponges et des digues. Ils garantiront une productivité saine et durable. Sinon, c’est votre temps personnel qui va être la variable d’ajustement, et cela aura inévitablement à terme des conséquences négatives sur votre motivation, votre niveau de performance et votre santé. Il est aussi urgent de s’accorder des temps de ressourcement, en cohérence avec vos besoins et vos envies, et pas seulement des temps de repos (même si dormir est important !). Ces moments, dédiés à des activités qui vous font du bien, rendent la vie agréable et plaisante au quotidien. Ils changent la perception du temps en réduisant cette impression désagréable de toujours subir. Vous aurez moins le sentiment de courir en permanence si vous vous accordez des temps de récupération réguliers. Et vous vivrez mieux le stress, comme les sportifs de haut niveau. Personnellement, je marche tous les midis qu’il pleuve, neige ou vente !”
“À quoi allez-vous donner votre priorité aujourd’hui ?”
Nina Bataille, coach, spécialiste en neurosciences, auteure de J’arrête de courir après le temps (ESF Sciences humaines).
“La recherche d’un meilleur équilibre de vie est une aspiration forte des salariés, surtout depuis la crise du Covid. Mais ne vous mettez pas la pression pour y arriver. Choisissez tout, oui, mais pas en même temps ! Sinon, vous risquez de vous brûler les ailes. Pour vous aider à mieux organiser vos journées, posez-vous cette question : à quoi allez-vous donner votre priorité aujourd’hui ? Cela doit devenir un automatisme pour hiérarchiser vos tâches. Cela demande d’apprendre à lâcher prise : si toutes les cases de votre to-do list ne sont pas cochées, ce n’est pas grave ! Cela implique aussi de savoir distinguer ce qui est urgent et important de ce qui peut attendre demain. Et donc de savoir dire non à certaines demandes. Après avoir établi vos priorités, veillez à ne pas céder à la culture de l’instantanéité : coupez les notifications pour vous concentrer sur un dossier, ne lisez pas vos mails en continu mais traitez-les par sessions… Les interruptions ont l’air anodines mais elles sont en fait gourmandes en énergie mentale et sont sources de dispersions. Savoir résister demande de l’entraînement et de la persévérance, mais c’est très efficace et cela vous apportera plus de satisfaction. Enfin, on est parfois son pire ennemi : être exigeant est une qualité, mais n’êtes-vous pas trop perfectionniste ? Travailler sur ses drivers*, et donc sur les causes profondes qui nous poussent à vouloir aller toujours (trop) vite ou à vouloir (trop) bien faire les choses, peut s’avérer très utile. L’impatient peut ainsi être celui qui tente de réparer une faible estime de soi en se hâtant de combler un manque.”
*Il en existe 5 : sois fort, fais des efforts, dépêche-toi, fais plaisir et sois parfait.