Allongé depuis juillet 2021, le congé de paternité et d’accueil de l’enfant permet désormais aux jeunes pères de bénéficier de 25 jours fractionnables pour une naissance simple, au lieu de 11 jours autrefois. Une mesure censée favoriser l’égalité femmes-hommes, en favorisant un “rééquilibrage” des rôles entre les deux parents ; et améliorer la qualité de vie au travail des jeunes pères. Il s’agit aussi pour les RH d’un levier d’attractivité et d’un outil de QVT. Mais plus largement, qu’en est-il de la politique en faveur des salariés parents dans les entreprises ? L’analyse de Lydie Recorbet, chargée de mission RH à l’Observatoire de la RSE (Orse).
L’extension du congé de paternité va-t-elle dans le bon sens ?
Dans les entreprises, on a longtemps survolé le sujet de la parentalité, car les employeurs n’y voyaient pas un grand intérêt. Mais désormais, depuis une dizaine d’années, ils ont pris conscience de l’importance du rééquilibrage entre les deux parents et du partage des responsabilités familiales, qui impactent grandement l’organisation du travail. Quand une organisation souhaite avoir des collaborateurs disponibles, productifs et impliqués, elle ne peut que s’en préoccuper. L’allongement du congé de paternité et d’accueil de l’enfant va clairement dans le bon sens, car il favorise l’égalité femmes-hommes. Certaines entreprises avaient déjà anticipé cette mesure, et allongé elles-mêmes le congé qu’elles proposaient à leurs salariés. Désormais, toutes sont convaincu de ses bienfaits.
L’objectif de ce congé allongé est de permettre une meilleure répartition des responsabilités familiales, de renforcer le rôle du deuxième parent, et donc de déconstruire l’image selon laquelle la gestion des enfants n’incomberait qu’à la mère. Ce qui a longtemps pesé sur la position des femmes dans leurs entreprises, ainsi que sur leur évolution professionnelle, leur parcours de carrière, leur accès à certains postes, et leur rémunération.
Les salariés hommes hésiteront désormais moins à se saisir de ce congé, qu’ils considéraient comme les éloignant trop du travail. La culture du présentéisme, très masculine, commence ainsi à être battue en brèche. En 2018, selon une étude que nous avions réalisée, seuls 75 % des hommes se saisissaient du congé de paternité, et 34 % craignaient qu’il puisse avoir des conséquences négatives pour leur carrière. Ce congé, qui est pourtant relativement court même aujourd’hui, continue d’inquiéter un quart des salariés pères. Escomptons que les lignes bougent désormais.
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Est-ce aux entreprises d’inciter les pères à se saisir davantage de ce congé d’accueil de l’enfant ?
La culture d’entreprise doit absolument changer. Mais les changements culturels se font sur des temps très longs, et la façon de communiquer des entreprises auprès de leurs collaborateurs masculins est décisive. Dans leurs discours, elles doivent leur faire comprendre qu’il s’agit pour eux d’un réel outil de conciliation vie professionnelle – vie personnelle, dont il faut se saisir. Et elles devraient aussi renforcer leur communication auprès des femmes, afin que ces dernières, également, portent ce message auprès de leurs conjoints.
Les RH doivent mettre l’accent sur le fait que ce congé existe, tout comme d’autres outils / dispositifs internes (congés aidants, crèches d’entreprise, indemnités de garde, soutien aux divorcés, télétravail…) de conciliation vie pro – vie perso, et qu’il ne faut pas hésiter à s’en emparer.
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Plus largement, il s’agit donc d’une évolution plus globale à mener…
À l’Orse, nous insistons beaucoup auprès des entreprises sur l’importance d’avoir une approche systémique de tous les process RH. Pour permettre une égalité globale entre tous les collaborateurs, qu’ils soient hommes ou femmes. D’où, notamment, le guide sur l’égalité professionnelle que nous rééditons régulièrement. Il faut selon nous réviser tous les process, depuis l’entrée du collaborateur et de la collaboratrice au moment du recrutement, jusqu’aux parcours de carrière ultérieurs, en passant par les instances de décision.
L’idée est notamment de former les managers et les cadres supérieurs situés à des postes clés, de les sensibiliser à ces enjeux. Afin qu’ensuite, les recruteurs, les chefs d’équipe et les RH puissent agir différemment à leur niveau (embauche, entretiens individuels, management, identification des besoins en formation…) et se sentir autorisés à accorder plus de flexibilité à leurs collaborateurs.
Pour les RH, il y a enfin un gros volet à mener sur l’organisation du travail (temps partiel, télétravail). Et sur les possibilités de rendre la vie professionnelle davantage conciliable avec la vie personnelle des salariés. La conciliation des temps de vie est une demande de plus en plus fréquente des collaborateurs, jeunes ou moins jeunes. Se saisir de ce sujet est capital : réorganiser le travail dans cette optique est un vrai enjeu d’attractivité de l’entreprise, et de fidélisation / rétention des collaborateurs.
Il faut, finalement, agir en faveur de la parentalité sous tous ses angles ; de la naissance de l’enfant jusqu’à son adolescence, en passant par les moments difficiles susceptibles de se produire ; comme le veuvage ou le divorce.