Le Parlement a adopté définitivement un projet de loi remanié, qui impose le pass sanitaire dans de nombreux lieux, ainsi que pour plusieurs catégories de salariés. Si les “récalcitrants” ne risqueront plus d’être licenciés, ils pourront toujours voir leur contrat de travail suspendu, sans rémunération. Un “congé sans solde” qui reste problématique, nous explique Mireille Dispot, secrétaire nationale de la CFE-CGC.
La semaine dernière, avant que le texte soit revu, vous dénonciez un “dérapage” du gouvernement…
Depuis le début de la crise, nous nous sommes abstenus de critiquer l’action du gouvernement en matière sanitaire. Mais les dernières annonces par rapport au licenciement qui était prévu dans le projet de loi nous a fait sortir de notre réserve. Nous croyons beaucoup à la valeur du consensus, et c’est d’ailleurs dans cet esprit que la CFE-CGC a travaillé sur la question de la santé au travail avec les autres partenaires sociaux.
La façon dont ce projet de loi a été mis sur les rails nous a beaucoup interpellé : dans un premier temps, nous avons été réunis, dans le cadre d’une concertation, par la ministre du Travail, et nous avons fait connaître notre position à cette occasion ; mais contre toute attente, ce texte, mal rédigé et élaboré en catimini, a été dévoilé peu de temps après.
Ce projet de loi, qui prévoyait notamment que les salariés ne présentant pas leur pass sanitaire (pour une raison relevant de leur vie privée), pourraient être licenciés, introduisait selon nous une disposition injuste, disproportionnée et dangereuse. C’est pourquoi nous écrivions le 23 juillet dernier que “le dérapage est énorme”.
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Est-ce toujours le cas pour vous, maintenant que la non-vaccination ne sera plus un motif de licenciement ?
Les choses ont évolué depuis notre communiqué : le texte remanié et adopté par le Parlement dimanche soir continue d’imposer la vaccination aux soignants et aux salariés concernés par le pass sanitaire, mais cette possibilité de licencier en cas de non vaccination a été supprimée.
Toutefois, nous ne restons pas satisfaits par ce qui a été prévu à la place. Pour les salariés, ce sera soit une mise en congés (avec rémunération), soit une suspension du contrat de travail, sans rémunération. Donc des congés sans solde, s’ils ne peuvent être réaffectés à un autre poste, pendant 2 mois. Avec malgré tout, la possibilité pour les employeurs de les licencier pour d’autres motifs, comme la désorganisation de l’entreprise en cas d’une absence trop longue. Ou encore, l’inaptitude, dans le cas de ceux qui ne peuvent se faire vacciner pour raisons médicales.
On reste donc dans une logique de dérapage. Il est moins important, mais les salariés continuent de faire les frais (sans sécurité économique, ni sécurité juridique, car il n’ont plus aucun revenu, mais pas non plus le droit de travailler ailleurs ; à moins de démissionner) d’un gouvernement qui a du mal à prendre des décisions d’une façon posée, et dans la concertation.
Nous prenons acte de la suppression du licenciement, ce qui est déjà un pas important. Mais le fait que des salariés devront se trouver dans une situation de congés sans solde, continue de poser problème. En outre, en demandant à l’employeur de contrôler ses salariés, on lui donne une responsabilité qui n’est pas la sienne (c’est normalement au médecin du travail de le faire).
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Le problème demeure-t-il principalement ce dialogue social quasi absent ?
Nous regrettons effectivement, puisqu’il y a eu la volonté affichée d’associer les partenaires sociaux, qu’il n’y ait pas eu de discussions en amont sur ces sujets.
Nous aurions pu, comme nous l’avons fait pour la proposition de loi sur la santé au travail, ou pour l’ANI sur le télétravail, trouver des points de convergence. Grâce au dialogue social, nous étions parvenus sur ces deux sujets, à des textes équilibrés.
Mais là, ce projet a été mis sur la table sans que nous ayons eu notre mot à dire. Et l’on arrive ainsi à des logiques qui sont, pour certaines, inacceptables.