L’épidémie de coronavirus a contraint de nombreuses entreprises à ralentir ou à suspendre leur activité. C’est dans cette optique que le gouvernement permet aux organisations de demander un report de charges fiscales. Mais pour Frédéric Douet, professeur de droit fiscal à l’université de Rouen Normandie, de nombreux chefs d’entreprise pourraient se retrouver en difficulté une fois le confinement terminé et le temps du paiement effectif venu.
Confinement, fermeture des commerces non-alimentaires ou considérés comme “non essentiels” : l’épidémie de Covid-19 a mis un sérieux coup de frein à l’économie. De nombreuses entreprises ont été contraintes de ralentir ou de suspendre leur activité, passant notamment au chômage partiel.
Des “mesures fiscales d’urgence”
Pour aider économiquement les entreprises à supporter plus facilement la crise, le gouvernement a annoncé plusieurs mesures ; notamment un fonds de soutien pour les prêts bancaires, et le report des charges fiscales.
Concrètement, la “mesure fiscale d’urgence” mise en place de la Direction générale des Finances publiques et de l’Urssaf consiste à permettre aux entreprises, ou aux experts-comptables qui les représentent, de demander au service des impôts le report, sans pénalité, de tout ou partie de leurs cotisations salariales et de leurs impôts directs (acompte d’impôt sur les sociétés, cotisation foncière (CFE), cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), taxes sur les salaires). Les organisations ayant déjà réglé leurs échéances Urssaf de mars pourront également s’opposer au prévélement SEPA auprès de leur banque en ligne, ou en demander le remboursement. Un modèle de demande est disponible sur le site internet de la Direction générale des Finances publiques.
Pour les travailleurs indépendants, l’échéance mensuelle du 20 mars ne sera pas prélevée, et il sera possible de moduler, à tout moment, le taux et les acomptes de prélèvement à la source. Ces démarches sont accessibles via leur espace en ligne sur le site impôts.gouv.fr. Ces reports pourront se transformer en annulation pure et simple, “au cas par cas, en fonction de la gravité de la situation dans laquelle se trouve l’entreprise”, selon le ministère de l’Économie. Les indépendants peuvent aussi demander, en complément, un ajustement de leur échéancier, des délais de paiement sans pénalité ni majoration, ainsi que l’intervention de l’action sociale pour la prise en charge partielle de leurs cotisations. Artisans et commerçants sont invités à faire les démarches via secu-independants.fr.
“La question du paiement effectif finira bien par se poser”
Pour Frédéric Douet, professeur de droit fiscal à l’université de Rouen Normandie, ces mesures vont “aider les chefs d’entreprises, mais seulement de façon temporaire… Ainsi, la question du paiement effectif finira bien par se poser”. Ainsi, selon l’expert, de nombreux chefs d’entreprise pourraient se retrouver en difficulté une fois le confinement terminé et le temps de la reprise d’activité venu.
“Il ne s’agit pas d’une suppression des charges fiscales, mais d’un simple report, un décalage dans le temps des paiements. C’est en fait comme si on reculait pour mieux sauter. Une fois l’épidémie et la crise sanitaire terminée, les entreprises devront payer ce qu’elles n’ont pas payé et dont elles sont redevables… Reste donc à savoir quand les sommes redeviendront exigibles : si cela se situe juste à la fin de la période de confinement, les organisations feront face à une impasse”, observe Frédéric Douet. Selon l’expert en droit fiscal, le retour à la normale devra donc être “décalé à une date ultérieure, suffisamment éloignée”.
“Si ce n’est pas le cas, les sommes dues précédemment s’ajouteront à celles dues durant la période postérieure au confinement. En fonction de la façon dont se passera la reprise de leur activité, un certain nombre d’entreprises, qu’elles soient soumises à l’impôt sur les sociétés ou à celui sur le revenu, feront probablement face à des problèmes de trésorerie. En particulier les TPE-PME”, prévient Frédéric Douet.
La solution ? “À l’égard des entreprises qui ont des difficultés de trésorerie, prévoir que les sommes ne soient pas exigibles en totalité, mais que leur paiement pourra être étalé sur plusieurs mois.”