Nombre d’études scientifiques démontrent que les principaux foyers de contamination se situent dans des espaces clos. Mais aussi que les systèmes de ventilation et de climatisation peuvent jouer un rôle important. Le point sur les précautions à prendre au bureau, et les “adaptations” du Plan national canicule à appliquer.
Avec la canicule et les fortes chaleurs qui s’annoncent, la question de l’usage de la climatisation en période de pandémie refait surface. En effet, les recherches actuelles sur le Covid-19 tendent à montrer que les lieux clos, surtout quand ils sont mal ventilés, sont propices à la propagation du virus. Mais dans le même temps, le rôle des systèmes de chauffage, ventilation et climatisation (CVC) dans la propagation du coronavirus est aussi au cœur des préoccupations des scientifiques.
Une transmission par aérosols ?
Plusieurs chercheurs soutiennent l’hypothèse selon laquelle le flux d’air peut faciliter la propagation du virus dans un milieu confiné. Ainsi, le coronavirus pourrait se transmettre par aérosols, ces particules fines que nous émettons en parlant ou en respirant, et qui peuvent parcourir des distances comprises entre 5 et 8 mètres. Dans une lettre ouverte diffusée début juillet, 239 scientifiques ont alerté l’OMS, lui demandant de changer de position à ce sujet. L’Organisation Mondiale de la Santé, a finit, bien que réticente, par reconnaitre que “des preuves émergeaient”.
Dans un document publié le 22 juin, le Centre européen de prévention et contrôle des maladies (ECDC) rappelle également que même si le risque est limité, “le flux d’air généré par les unités de climatisation peut faciliter la propagation des gouttelettes excrétées par les personnes infectées sur des distances plus longues dans les espaces intérieurs”… mais aussi “que les systèmes de ventilation/climatisations peuvent jouer un rôle complémentaire dans la diminution de la transmission en augmentant le taux de renouvellement d’air”.
Des “adaptations” à mettre en place
Ces cas de contaminations en chaîne incitent donc à la prudence. Dans le doute, une instruction interministérielle du 29 mai dernier et une “fiche” du ministère du Travail précisent les adaptations du Plan national canicule à mettre en œuvre dans le cadre de l’épidémie de Covid-19.
Pour rappel, la santé des salariés relève de la responsabilité de l’employeur, quand ils se trouvent sur leur lieu de travail. Selon l’article R 4121-1 du Code du travail, il doit prendre en considération les “ambiances thermiques” dans le cadre de sa démarche d’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. L’entreprise doit par exemple mettre, gratuitement, de l’eau à disposition des employés. Et si elle n’a pas directement l’obligation d’utiliser des ventilateurs ou des climatiseurs, elle doit prendre des mesures pour “renouveler l’air de façon à éviter les élévations exagérées de température”. Sachant qu’en cas d’accident du travail survenu à cause de la chaleur, sa responsabilité peut être mise en cause.
Mais avec l’épidémie de coronavirus, la donne change. La distanciation physique et les gestes barrières restent d’actualité. Mais s’agissant du masque, la question de leur port, en pratique, risque de se poser en cas de grosse chaleur. Et concernant les ventilateurs et la climatisation, le gouvernement invite les entreprises à limiter leur utilisation, et à privilégier, à la place, l’aération des locaux.
Aération et ventilation des locaux
“Les apports d’air neuf (air provenant de l’extérieur) permettent la dilution des virus présents dans l’air des locaux et doivent donc être maintenus par la ventilation mécanique ou, si cela est possible, un peu augmentés. La ventilation naturelle par ouverture des fenêtres est également utile en complément de la ventilation mécanique, et indispensable en l’absence de celle-ci”, indique le ministère du Travail.
Concrètement, que ce soit chez soi (en télétravail) ou au bureau, “une aération régulière par ouverture en grand des ouvrants (fenêtres…) au minimum pendant 10 à 15 min deux fois par jour” est conseillée pour renouveler l’air. Il est même recommandé de continuer à aérer pendant les périodes d’inoccupation des bâtiments. Il faut toutefois noter qu’en période de canicule, ouvrir les fenêtres favorise la montée en température d’une pièce…
Les ventilateurs personnels peuvent être utilisés sans problème chez soi, mais dans des espaces collectifs de petit volume, le Haut Conseil de la santé publique déconseille leur usage, dès lors que plusieurs personnes sont présentes. “Le ventilateur doit être stoppé avant qu’une autre personne n’entre dans la pièce”, précise le gouvernement.
La climatisation : à utiliser que dans les cas vraiment “nécessaires”
“Dans les locaux occupés par plus d’une personne, il est conseillé de n’utiliser la climatisation que lorsqu’elle est nécessaire pour assurer des conditions de travail acceptables. Lorsque celle-ci est utilisée, les débits de soufflages doivent être limités de façon à ce que les vitesses d’air au niveau des personnes restent faibles”, indique le ministère du Travail.
Dans le cas de systèmes de ventilation et climatisation centralisés utilisant le recyclage d’une partie de l’air, “à titre de précaution”, le gouvernement recommande de les faire fonctionner “en tout air neuf ou avec le taux de recyclage de l’air minimal permettant le maintien de conditions de travail acceptables”.
Les systèmes de climatisation fonctionnant par recyclage de l’air au niveau local (ventiloconvecteur, split, « cassettes en plafond », climatisation mobile) “peuvent continuer à être utilisés lorsqu’ils sont nécessaires en assurant des vitesses d’air faibles au niveau des personnes”. Enfin, les rafraîchisseurs d’air (dispositifs utilisant l’évaporation d’eau pour diminuer la température d’un flux d’air) peuvent également être utilisés, “à condition d’assurer des vitesses d’air faible au niveau des personnes”, indiquent les pouvoirs publics.
Une évacuation des locaux en cas d’impasse
Que faire, face à cette impasse annoncée ? Même si le Code du travail ne prévoit pas de température au-delà de laquelle il n’est plus possible de travailler, si la chaleur dans des locaux fermés dépasse 33 degrés, l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) et la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) recommandent de les évacuer.
Rappelons qu’afin de garantir la bonne santé des salariés, l’employeur doit enfin mettre en oeuvre toute une série de bonnes pratiques dans son entreprise, dont l’adaptation des horaires (arrivée plus tôt) ; des pauses plus longues ou plus nombreuses durant les heures les plus chaudes ; une adaptation du rythme de travail ; et un allègement des efforts physiques nécessaires. Finalement, mieux vaut, dans la mesure du possible, privilégier le télétravail.
À noter que les entreprises peuvent solliciter l’activité partielle en cas de canicule. En effet, l’article R5122-1 du code du travail stipule que “ l’employeur peut placer ses salariés en position d’activité partielle lorsque l’entreprise est contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité pour l’un des motifs suivants : (…) Un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel”.