Bon nombre de postures vont évoluer après cette pandémie, à commencer par le rapport au travail. En effet, même si cela était inéluctable, cette crise sanitaire a joué un rôle de catalyseur dans le remodelage d’un modèle de travail devenu quelque peu obsolète ces dernières années. Par Richard Delaye Habermacher, directeur de la recherche du groupe IGS / Propedia
Dans ce contexte, j’aime à dire à certains dirigeants que “présentéisme n’est pas toujours synonyme d’efficacité” et qu’avec la performance et la facilité d’utilisation des outils de visioconférence, nous avons clairement démontré qu’un équilibre pouvait être trouvé entre la vie professionnelle et la personnelle. Mais ce choc sans précédent depuis des décennies, cette rupture profonde doit amener à réfléchir à la suite à donner au sein de nos entreprises car la résilience, seule, telle que nous l’entendons habituellement ne sera pas suffisante. Il faut reconstruire “autre chose” sans pour autant balayer le passé. Il ne s’agit nullement d’une révolution mais bien d’une mutation.
En échangeant avec mon ami le Grand rabbin Korsia sur la question de la résilience, nous en sommes arrivés à la conclusion que nous allions indéniablement rebondir, nos civilisations font cela depuis plusieurs millénaires, mais rebondir et nous dépasser… ailleurs. Non, tout ne va pas redevenir “comme avant”, comme le pensent beaucoup d’entre nous par besoin de rassurance. Cet ailleurs, c’est une combinaison de distanciel et de présentiel, car on ne peut pas tout vivre online.
Mettre en place une ritualisation
Du reste, en nous plaçant sous l’angle anthropologique, le lien à la tribu et à ses valeurs est essentiel et nécessaire à la survie du groupe au risque de se voir désocialisé. L’entretien et le renforcement des solidarités créées durant la Covid-19 seront également deux points importants auxquels les managers devront être vigilants ; l’entreprise devra mettre l’accent sur une ritualisation précise avec des moments de vie à partager.
Quoi qu’il en soit, pour les populations nomades qui arrivent sur le marché de l’emploi, j’ose dire que cette crise tombe à pic. Elle va sans doute leur donner l’occasion unique de commencer à écrire leur page dans le manuel des pratiques managériales sur fond d’agilité(s), de compétences augmentées. Cela va leur permettre de s’approprier le monde professionnel dans lequel ils vont vivre, travailler voire s’épanouir en d’en dessiner les contours.
Enfin, cette distanciation sociale, plus ou moins imposée selon les pays, nous aura montré l’importance de la proximité. La (re)déployer dans nos organisations, s’avère être un enjeu majeur qui sera abordé à l’occasion de notre colloque annuel Propedia-Groupe IGS en décembre prochain.
L’auteur
Richard Delaye Habermacher est docteur en sciences de gestion, directeur de la recherche et de l’innovation du Groupe IGS (groupement d’écoles de commerce, de management et de RH) et du réseau de recherche Propedia, qui regroupe les laboratoires de plusieurs grandes écoles.
Cette tribune fait partie d’un dossier spécial sur l’avenir des entreprises après le Covid-19, à retrouver dans le numéro 127 de Courrier Cadres, de juin-juillet 2020.