Figure incontournable de l’Histoire de France, Napoléon Bonaparte a fait naître des stratégies, qui marquent encore aujourd’hui la culture française. L’empereur frappe les esprits par son pragmatisme légendaire et sa volonté de conquête insatiable.
Napoléon Bonaparte est une figure d’inspiration en matière de commandement des hommes et des esprits. Rappelons toutefois qu’il est anachronique d’assimiler Napoléon au management, tel qu’on l’entend aujourd’hui. Si Jacques Jourquin, use de l’appellation de “chef d’État Manager”, nous utiliserons cette expression pour démontrer les liens qu’il existe entre l’empereur et l’organisation contemporaines des entreprises.
Aurélien Lignereux, professeur à Science Po Grenoble et historien, précise que “Napoléon a en soit très peu d’expérience du monde de l’entreprise privée. Si pendant une courte période il donne des conseils à son frère aîné Joseph, en matière d’investissement immobilier, il reste peu instruit en la matière, et cela se ressent notamment dans la qualité des conseils donnés”. Si Napoléon inspire autant l’organisation des entreprises, c’est parce qu’il est le premier à inventer le système de délégation de l’autorité à ce que l’on nomme aujourd’hui des “directeurs généraux”.
“Napoléon a amélioré le circuit institutionnel, en le marquant du principe d’autorité, et en le réformant sur un modèle pyramidal. Sa hiérarchie est coiffée par des directeurs généraux stables, qui souvent sont en place pour toute la période napoléonienne”, explique Aurélien Lignereux.
En plaçant des hommes de confiance au sommet des hiérarchies, Napoléon bénéficie ainsi des réseaux de ses délégués, justement car ce dernier n’avait en réalité que très peu de relations au sein de la sphère politique française à son arrivée au pouvoir. Une stratégie qui s’appuie sur la pensée selon laquelle “le crédit social d’un Homme se mesure à sa capacité de placer ses pions”, précise Aurélien Lignereux.
Napoléon est également fort d’avoir réussi à organiser le contrôle et le monopole de l’information. “Avec son système, l’information est soumise à un circuit de remontage, ou elle est contrôlée, traitée, et simplifiée à chaque pallier. Lorsqu’elle arrive enfin à Paris, l’information se transforme en ordre et redescend en suivant les circonscriptions du pays.” Là encore, l’empereur est source d’inspiration pour les entreprises dans la mesure où il a érigé les bases de la communication interne et externe, et cela, à une époque où les moyens techniques étaient restreints.
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Donner du sens au travail
Napoléon est connu pour demander l’impossible à ses troupes. Avec l’empereur, les soldats marchent près de 40 km par jour et cela en portant leurs équipements. Mais comment a-t-il réussi à convaincre son armée de se battre corps et âme pour sa cause ? En prouvant qu’il avait conscience de la condition de ses soldats ! L’empereur marche à leurs côtés, il leur montre que “lui-même s’astreint aux privations qu’il leur demande”.
“Napoléon est le premier à partager la vie de ses troupes, notamment leur nourriture. Grâce à sa mémoire très performante, il connaît le nom et le parcours de ses soldats, il les tutoie, et se laisse tutoyer. Il use avec eux d’un vocabulaire adapté, et utilise un bulletin de guerre, pour expliquer aux soldats, et aux Français, ses stratégies”, poursuit Aurélien Lignereux.
L’empereur lisse les différences et suit sa propre maxime selon laquelle “On ne conduit un peuple qu’en lui montrant un avenir ; un chef est un marchand d’espérance”. L’empereur, tel un manager, vend de l’espoir à ses sujets. Il ne leur demande jamais d’agir sans comprendre la stratégie mise en place. Selon les mots de l’empereur, “l’ambition est le principal mobile des hommes ; on dépense son mérite tant qu’on espère s’élever”. Cela concorde avec sa décision d’ériger en héros ceux qui ont brillamment conduit les ordres donnés. Pour un soldat, c’est un objectif ultime que d’être cité dans le bulletin de guerre, ou de recevoir la légion d’honneur. Ne pourrait-on pas voir ici, les prémisses de la prime au mérite ?
Ainsi, nous l’aurons compris, Napoléon explique, soutient et récompense ses sujets. Mais cela ne l’empêche pas de pouvoir se montrer cassant, dur et autoritaire. Il veut être le centre de tout, “il porte un œil maniaque et méticuleux sur tous les détails”. Puisqu’il est tributaire des renseignements qu’on lui fournit, il est sans pitié envers les erreurs commises. Il est davantage cassant avec les hommes capables de grandes choses, et donc potentiellement dangereux, comme Fouché, ministre de la police. De plus, si Napoléon entendait mettre en place une forme de “méritocratie” (l’expression est anachronique), lorsqu’il écrivait “Je veux que le fils d’un cultivateur puisse se dire : je serai un jour cardinal, maréchal ou ministre”, l’empire fonctionnait en réalité de façon embryonnaire. Dans l’article Le management des Hommes chez l’Empereur de Thierry Lents, on apprend que les postes les plus importants étaient destinés aux descendants des grandes familles, et que le recrutement des talents fonctionnait uniquement sur réseaux, à travers des recommandations de personnages déjà haut placés. Une méritocratie donc bien limitée, qui ne concernait en réalité que les classes sociales les plus élevées. L’entreprise d’aujourd’hui se doit, à l’inverse de l’Empereur, de se montrer inclusive et responsable envers les enjeux de diversités.