Face à la sur-utilisation des e-mails par leurs employés, certaines entreprises ont opté pour le zéro e-mails. Une manière d’envisager d’autres moyens de communication. Car sur-utilisé, il génère stress, inefficacité et incompréhension.
Quel outil magique que l’e-mail ! Il permet d’adresser un message écrit et réfléchi, à plusieurs personnes en même temps. Un message qui peut être archivé et même accompagné d’un fichier texte, photo ou vidéo… Un outil qui facilite tellement le quotidien que les salariés l’utilisent beaucoup … trop ? D’après une étude de l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (2011), 4 salariés sur 10 reçoivent plus de 100 messages électroniques par jour.
Conséquence : 6 salariés sur 10 consacrent deux heures par jour à gérer leurs boîtes. “Cela représente dans les grandes entreprises de 2 000 salariés, un service clandestin de 500 ETP”, pointe Thierry Venin, enseignant en master sociologie et TIC à l’université de Pau et des pays de l’Adour. Stress, inefficacité mais aussi incompréhension… L’outil miraculeux que devrait être l’e-mail se transforme petit à petit en cauchemar. Si la loi Travail prévoit le droit à la déconnexion en-dehors des heures de bureau, les pratiques en entreprise doivent également évoluer.
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Place aux réunions debout
Face aux dérives de l’e-mail, de nombreuses sociétés ont décidé de réagir. À l’image d’Atos, qui a lancé en 2011 un programme “Zéro e-mail”, ou de Price Minister, qui a instauré en 2015 la journée sans e-mail. “Une demi-journée par mois est déclarée sans e-mail. Cela oblige à communiquer autrement, à davantage discuter, à reprendre le contrôle sur l’outil”, estime Olivier Mathiot, PDG du site e-commerce.
Sans aller jusqu’à supprimer les e-mails, les entreprises peuvent inciter à davantage communiquer oralement. Rémi Raher, coach, conseille d’organiser quotidiennement des réunions debout, afin d’échanger rapidement sur de petits sujets.
Car rétablir le dialogue oral a plusieurs vertus. Pascale Belorgey, responsable formation efficacité professionnelle chez Cegos déconseille par exemple de régler un conflit par e-mail. Maël Bernagaud, psychologue du travail, pense quant à lui que le face à face est préférable pour un sujet urgent ou technique. “De manière générale, tout ce qui nécessite des échanges est plus efficace à travers une réunion qu’un e-mail”, résume Pascale Belorgey. Il faut éviter les ping-pong d’e-mails, chronophages et inefficaces. Phil Simmons, spécialiste des nouvelles technologies et du management de l’information, applique la règle des trois: au bout de trois messages électroniques échangés, il décroche son téléphone.
Un outil asynchrone
L’essentiel étant d’appliquer quelques règles de bon sens. En premier lieu : arrêter d’envoyer des courriers électroniques pour tout, tout le temps, avec la terre entière en copie. Olivier Mathiot conseille de toujours rédiger un brouillon avant d’envoyer un e-mail, ce qui permet de prendre le temps de la réflexion et de s’assurer que cet envoi est nécessaire. Et bien rédigé : “La communication écrite renforçant l’incompréhension, il faut redoubler de vigilance et éviter toute ambiguïté”, note Magali Prost, maîtresse de conférence au département des Sciences de l’éducation de l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense.
Arrêter également de consulter sa messagerie de manière continue. “On estime à 64 secondes le temps nécessaire pour reprendre le fil de sa pensée après l’interruption par un message”, rapporte Rémi Raher. Pascale Belorgey conseille donc de supprimer les alertes et de ne regarder ses e-mails que toutes les deux ou trois heures. “Il ne faut pas oublier que c’est un outil asynchrone. En consultant sa messagerie en continu et en répondant du tac au tac, on entretient une disponibilité permanente qui est contre-productive”, souligne-t-elle. Autre effet néfaste de cette réactivité : le manque de discernement entre les messages importants et ceux qui sont superflus. Pascale Belorgey parle de la règle CAP : Choisir son rythme, Analyser le contenu de sa boîte et Prioriser.
Thierry Venin pointe également les process métiers qui envoient des messages automatiquement. “Des ateliers de réflexion sur le numérique doivent être menés au sein des organisations”, exhorte-t-il. Pour isoler ces process, rappeler les règles autour de l’e-mail… et réfléchir autour de ses usages de la messagerie. “De telles démarches s’inscrivent sur un temps long”, prévient Magali Prost : changer ses habitudes autour des e-mails peut prendre plusieurs années.