Quelles leçons les managers pourront-ils tirer après la crise ? Leur posture changera-t-elle ? Pour Frédéric Pauthier, DRH de la MGEN, leur leadership sera demain “ce qu’il devait déjà être hier” : humain, basé sur la confiance, l’écoute et la bienveillance. L’occasion de nous faire découvrir le nouveau modèle managérial mis en place, malgré la pandémie, dans son entreprise fin 2019. Un modèle conforté par la crise.
Quelles leçons, en matière de posture, les managers peuvent-il tirer de la crise du Covid-19, et appliquer quand celle-ci sera finie ?
La confiance, l’humilité, l’écoute, le feedback, la reconnaissance. Le management a vu la plupart de ses référents bouleversés par le Covid-19, et a du apprendre le management à distance. Cette situation l’a concentré sur l’essentiel de sa mission : comment entretenir et encourager l’engagement des équipes, tout en prenant soin de chacun. Plus que jamais, les managers ont compris le sens profond de leur mission ; à savoir la dimension humaine de leur rôle. La sortie post-Covid va mettre à mal les postures de petits chefs. Et elle sera forcément un accélérateur, non pas d’un monde nouveau, mais de l’affirmation de l’essentiel sur le plan humain.
Le leadership de demain sera donc ce qu’il devait déjà être avant la crise, à savoir un vrai leadership humain. Aujourd’hui, on reconnait un leader, non pas à son statut mais à sa capacité à être un vrai coach. Un entraîneur capable de gérer l’intérêt individuel au service de l’intérêt collectif, et vice-versa. Tout ce qui a bousculé les modèles en passant d’une logique de contrôle à une logique de confiance deviendra la norme. On ne peut pas faire machine arrière. Les salariés, et en particulier les plus jeunes, ne pourront pas l’accepter.
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À quoi ressemble votre modèle managérial, et sera-t-il le même après la crise ?
En 2019, avec nos collaborateurs, nous avons élaboré à la MGEN un nouveau modèle managérial, centré autour de l’exigence et de la bienveillance. Cette posture doit favoriser l’autonomie et l’esprit d’initiative. Créer les conditions de l’engagement. Développer les coopérations et entrainer l’esprit d’équipe. Développer la responsabilité et la co-construction (redonner du pouvoir de décision au plus près du terrain, responsabiliser chacun). Sans oublier la performance, nécessaire pour assurer l’équilibre économique et donc la pérennité du système. Ce que nous avons vécu avec la crise n’a fait qu’accélérer l’évolution vers ce nouveau modèle.
D’ici 2023, nous travaillerons, à la MGEN, autour de trois thématiques : l’intelligence collective et la co-construction, l’autonomie et le management-coaching. D’abord, l’enjeu sera de travailler avec les managers sur la façon dont ils pourront rendre les prises de décisions plus horizontales,. Ensuite, nous devrons trouver des moyens d’accroître l’autonomie des collaborateurs, sans que les managers soient pour autant sur leur dos. Dans cette optique, c’est la trajectoire des objectifs qui prime. Enfin, nous avions déjà constaté en interne que pour créer plus d’engagement, le manager doit devenir un coach. Nous tendions vers cette posture avant la crise, mais elle l’a amplifiée.
Avant, on avait un responsable d’équipe qui voyait son équipe au quotidien, autour de lui. Mais cela ne veut pas dire qu’il passait pour autant un petit temps avec chacun. Le fait d’être à distance, a forcé les managers a faire un effort quotidien de prise de nouvelles des unes et des autres. Demain, ils devront continuer d’être en écoute active, avec chacun, sur le plan individuel. Créer du feedback, écouter et faire confiance.
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Tous les managers seront-ils capables de changer ainsi de posture, même après cette crise ? Faudra-t-il les former ?
L’enjeu sera d’accompagner l’évolution des managers après la crise, au delà des compétences métier ; l’essentiel de nos efforts, à la MGEN, portera par exemple sur leur formation en matière d’intelligence collective, de leadership participatif, de délégation, et de management bienveillant. Nous en sommes au début de la démarche, nous en avons déjà formé, mais nous n’avons fait que 20 % du chemin.
Le leadership est la forme la plus aboutie du management, qui impose une logique de don de soi puissant et de transparence, pour amener les autres dans une logique de découverte de soi et de dépassement. Mais tous les managers ne peuvent prétendre être des leaders : le leadership impose une logique de don de soi puissant et de transparence, pour amener les autres dans une logique de découverte de soi et de dépassement. Il s’acquiert par l’exemplarité et l’authenticité : il faut un vrai alignement entre ce que je pense, ce que je ressens et ce que je fais. Il n’y aura pas de place, demain, dans les entreprises, pour ceux qui ne sont pas ainsi alignés.
Un certain nombre de managers, qui ne se retrouvent pas dans ce nouveau modèle, seront inéluctablement conduits à abandonner ce rôle. Pas parce qu’ils n’ont pas leur place dans leur organisation, mais parce qu’ils ne sont pas faits pour cela. Le défi des RH sera, dans cette perspective, de mettre en place et de valoriser des carrières liées à l’expertise. Afin de leur faire comprendre que le graal n’est pas forcément de devenir manager, mais d’avoir un parcours qui correspond à ses compétences et à ses aspirations.