Management

Emploi : des cadres confiants, mais en quête de sens

Selon le 18ème baromètre des attentes des cadres Ifop / Cadremploi, les cadres sont optimistes quant à leur avenir, mais manifestent des envies de mobilité, 1 cadre sur 3 souhaitant changer d’entreprise en 2019. Dans leurs recherches, ces derniers privilégient désormais l’ambiance de travail et le sens. Un nouveau défi pour les organisations.

 
Face à un marché de l’emploi des cadres proche du plein emploi (avec un taux de chômage de 3,4 %), les entreprises se disputent ces profils qualifiés. Les attirer et les garder, alors que leur « turnover » est de 8,4 %, apparaît de plus en plus comme un défi. C’est dans ce cadre que l’Ifop et Cadremploi ont réalisé leur 18ème « baromètre » des attentes des 4,9 millions de cadres Français.

 

« Un cadre, c’est celui qui a le pouvoir de choisir son employeur »

Selon les chiffres de l’Apec, les recrutements de cadres en 2019 devraient encore augmenter de 6 % par rapport à 2018, atteignant 281 400 nouvelles recrues. En outre, sur les 266 400 cadres embauchés l’année dernière, 73 400 correspondaient à des créations de poste – « un record », selon Thibaut Gemignani, CEO de Cadremploi, que l’on peut attribuer en partie à « la part du numérique dans ces emplois, qui est de 30 % ». Et de remarquer qu’aujourd’hui, « un cadre, c’est celui qui a le pouvoir de choisir son employeur ».

D’après l’étude de l’Ifop, menée auprès d’un « échantillon représentatif » de 1 000 cadres en février 2019, ces derniers sont « optimistes », malgré un contexte socio-économique morose marqué par le mouvement des Gilets Jaunes. Ainsi, les cadres sont 73 % à être confiants pour leur emploi, et 70 % à l’être pour l’emploi des cadres en général. « Dans un océan hexagonal de pessimisme, ils sont sereins quant à leur avenir et leur situation personnelle », note Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’IFOP.

 

 

Des envies d’ailleurs

Mais les cadres manifestent en parallèle de plus grandes velléités de mobilité. Ainsi, 36 % des cadres interrogés se disent « ouverts aux opportunités » (une chute de 9 points par rapport à 2018), 35 % d’entre eux souhaitent rester dans leur entreprise, et, fait nouveau, ils sont 12 % à souhaiter devenir indépendants (7 %) ou créer leur entreprise (5 %). « Une nouvelle aspiration, une tendance encore timide, mais qui progresse de plus en plus au fil des années. Et les plus jeunes sont particulièrement sensibles à ce mouvement : 17% des 18-24 ans aspirent à se mettre à leur compte ou créer leur société », explique Frédéric Dabi.

Confiants dans leur employabilité, les cadres sont aussi 29 % à vouloir changer d’entreprise d’ici moins d’un an, contre 23 % en 2018 ; et 27 % à vouloir changer de secteur en 2019 (contre 22 % en 2018). Mais l’envie de stabilité demeure majoritaire, 48 % désirant changer d’entreprise d’ici seulement 3 ans et plus, et 53 % voulant changer de secteur d’ici seulement 3 ans et plus. À noter que 39 % des cadres ont déjà effectué une « démarche active » pour changer d’entreprise au cours des 6 derniers mois (contre 35 % en 2019), et ont tendance, indique l’Ifop, à « démissionner plus facilement ».

 

L’ambiance, un facteur de choix pour les cadres en cas de mobilité

L’étude de l’Ifop s’intéresse également aux facteurs que privilégient les cadres dans leur choix d’une nouvelle entreprise, en cas de changement d’emploi. Le critère « gagner plus » est en baisse (51 %, mais une baisse de 11 points par rapport à 2011), tout comme celui de la « reconnaissance », des « responsabilités » et des « perspectives d’évolution » (32 % contre 37 en 2011). À la place, les cadres privilégient une « bonne ambiance » (42 % contre 33 % en 2011, soit 9 points de plus), mais aussi une localisation de l’entreprise plus proche de leur domicile (ou télétravail) (23 %, contre 19 en 2011).

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Un effondrement de l’attachement à l’entreprise

L’un des enseignements majeurs du baromètre Ifop / Cadremploi est le rapport des cadres avec leurs entreprises. Ainsi, si pour exprimer leur sentiment à l’égard de leur employeur, l’attachement était en 2009 le premier qualificatif avancé par le panel (28 %), c’est aujourd’hui l’indifférence qui prime pour 23% des cadres interrogés. Parmi les qualificatifs qui leur semblent « le plus adapté pour exprimer ce qu’ils ressentent » à l’égard de leurs employeurs, les cadres placent donc désormais en premier l’indifférence, puis la reconnaissance (18 %, contre 14 % en 2009).

Mais si le rapport du cadre avec l’employeur est « plus pragmatique », avec « moins d’affect », cela ne signifie pas pour autant une baisse de la fidélité. « Ainsi, cela ne les empêche pas d’être encore plutôt fidèles et d’estimer, pour 42% d’entre eux, que la durée idéale d’un emploi au sein d’une société se situe entre 5 et 10 ans », nuance Frédéric Dabi.

L’enquête nous apprend également que 70 % des cadres souhaitent exercer leur activité en télétravail de façon régulière (contre 62 % en 2013) ; mais que dans les faits, seuls 45 % y ont déjà eu recours (contre 37 % en 2013). Ainsi, s’il y a actuellement une « adaptation des entreprises aux aspirations de leurs salariés, il reste du travail à faire », indique Thibaut Gemignani. Et de remarquer que « cette volonté de travailler à distance pourrait aussi trouver racine dans l’éloignement souhaité des cadres avec le quotidien parfois pesant au sein de l’entreprise ». Car, note-t-il, 54% des cadres « estiment que leur employeur n’a mis en place aucun plan d’action pour lutter efficacement contre la gestion du stress et les risques psychosociaux, phénomènes pourtant de plus en plus prégnants. »

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Une nouvelle ambition : « être heureux grâce à un travail qui a du sens »

Le « rapport de forces inversé » entre cadres et entreprises « pousse ces dernières à s’adapter », indique Thibaut Gemignani. Car leur ambition a changé : « il ne s’agit plus de gagner de l’argent, mais d’être heureux grâce à un travail qui a du sens, dans un environnement épanouissant », ajoute-t-il.

Pour François Hommeril, président de la CFE-CGC, « la question de l’attachement à l’entreprise est centrale ». Car, observe-t-il, en se basant sur ses rencontres fréquentes avec les cadres, « leurs principales aspirations sont aujourd’hui le sens, l’utilité et l’impact sur la société donnés par leurs actions. Il s’agit d’une exigence nouvelle, très forte chez les 30-40 ans, qui ne veulent plus avant tout « faire carrière », mais que leur travail ait un impact positif sur la collectivité en règle générale, et qui désirent travailler dans une organisation dont les valeurs dépassent les seuls profits aux actionnaires ».

« C’est devenu le problème n°1 des entreprises, notamment dans les services RH, qui sont encore en retard sur ce sujet, alors que la loi Pacte est encore en cours de conception : comment attirer les jeunes cadres et les garder. Si elles ne mettent pas le paquet sur le sens, elles auront un mal fou à recruter. Mais elles ne sont pas encore prêtes face aux attentes », conclut François Hommeril.

 
 

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