Plus de deux ans après le début de la pandémie, le télétravail est toujours à la une de l’actualité sociétale et entrepreneuriale. S’il reste un sujet majeur pour les entreprises, il n’est pourtant qu’une des composantes de ces nouveaux modes d’organisation du travail qui se traduit par un phénomène de « déspacialisation » de l’activité professionnelle. Une tendance lourde qu’il convient d’accompagner ! Par Baptiste Lenfant, Directeur Général d’Incitu.
Pris sous l’angle légal, le télétravail reste très lié à la notion de salariat, avec une forte dominante de relation de subordination entre employeur et employé. Pourtant, les modes d’organisation du travail continuent à se diversifier et le statut des différents collaborateurs a considérablement évolué. À cela deux grandes raisons : l’impact des nouvelles technologies qui ne cessent de bouleverser notre manière de penser et de fonctionner. Mais également le changement même de la nature du travail : plus diffus, immatériel, flexible, du fait d’une économie de service qui prend de plus en plus d’ampleur. Aux côtés des salariés, des millions d’auto-entrepreneurs, freelance et autres indépendants travaillent en satellite des entreprises dans une relation client / fournisseur. Certains sont même parfaitement intégrés sans pour autant vouloir passer du côté salarié. Quant aux entreprises, la pertinence du management de transition les amène de plus en plus à faire appel à des professionnels sur une base de missions. Une solution qui offre tout à la fois souplesse et réactivité.
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Une tendance boostée par le contexte sanitaire
Le travail à distance dépasse donc largement le simple cadre du télétravail et il y a fort à parier que ces nouveaux modes d’organisation du travail continuent à évoluer. Boostés par le contexte sanitaire de ces deux dernières années, ces nouveaux modes sont en train d’opérer un véritable rééquilibrage entre unité de temps et unité de lieu. Tendance lourde à partir du 19e siècle et de la révolution industrielle, l’unité de lieu s’est traduite par la centralisation du travail dans de grands espaces communs. En ce début de 21e siècle, la crise sanitaire a largement contribué à dynamiter cette centralisation et à faire sortir un très grand nombre de salariés de l’entreprise, ou tout du moins d’un lieu unique.
Ce phénomène de déspacialisation se traduit par le fait d’investir des espaces de travail beaucoup plus diffus : domicile, coworking, tiers lieux partout en France ou même à l’étranger… Il accompagne également un véritable mouvement de décentralisation du travail. Les compétences qui étaient auparavant regroupées sous un même toit au service d’un projet commun sont de facto éclatées. Cette déspacialisation entraîne la montée en puissance de ce marqueur fondamental qu’est l’unité de temps. Très loin de la notion de durée du travail, cette unité de temps se matérialise désormais par un projet, un contrat ou un marché. Une évolution en profondeur porteuse d’atouts mais qui implique de nécessaires réajustements.
Bénéfices concrets et remises en question
Au niveau sociétal, ce mouvement de déspacialisation a clairement un impact sur le réaménagement du territoire. Comme le soulignent actuellement les médias, la revanche des villes moyennes est dans l’air du temps. Les nouveaux modes d’organisation du travail rebattent les cartes en matière de qualité de vie, de choix de villes à taille humaine et de mobilités améliorées. Plus largement, ils influent également sur le sens que les hommes et les femmes donnent à leurs engagements professionnels. Car quel que soit leur statut, ces nouveaux modes d’organisation du travail constituent un vrai levier pour une meilleure conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle. Si la nature même du travail a évolué, il en est de même pour les attentes des travailleurs.
Le contexte que nous traversons et les habitudes prises au cours de ces deux dernières années font que le travail à distance va devenir la norme pour certains métiers et secteurs d’activité. S’agissant des managers, cette évolution fondamentale est assortie d’un vrai questionnement. Particulièrement pour le management intermédiaire. Entre temps en distanciel et temps en présentiel, le manager va devoir se réinventer pour concilier culture de groupe et dimension de distance. Son rôle sera beaucoup moins de contrôler le processus, la méthode, mais de fédérer en alliant leadership, culture d’entreprise, innovation et créativité. Engager ses salariés sur un management par objectif reste un véritable défi dans notre pays. Il est grand temps de réaliser que notre culture du présentiel et du contrôle est d’ores et déjà largement challengée !
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Des réflexions à engager
Cette déspacialisation du travail amène néanmoins deux réflexions qu’il est urgent d’engager. Tout d’abord, l’évolution du rôle social de l’entreprise. A l’évidence, ces nouveaux modes d’organisation risquent d’entraîner un délitement de la culture d’entreprise et du rôle de socialisation qu’elle peut avoir pour les salariés qui la composent. Basés à domicile ou dans des lieux tiers, ils auront toujours besoin de rencontres et d’échanges pour bénéficier du regard de l’autre et faire résonner leurs idées. Il y a donc fort à parier que ce nécessaire besoin de sociabilisation soit en partie comblé par la fréquentation de communautés plus locales. Le lien social va très probablement se construire ailleurs ou va y être complété.
Dans ce contexte, comment fabriquer et conserver une culture d’entreprise quand les collaborateurs en sont éloignés ? On peut certes utiliser des canaux de communication internes pour garder du lien et une dynamique collective… mais cela n’en reste pas moins un vrai sujet dont l’entreprise doit s’emparer ! Autre question clé, la potentielle fracture sociale engendrée entre des personnes, souvent plus diplômées, en situation d’organiser leur temps de travail du fait de leur activité, et des métiers de premier niveau de qualification contraints d’aller sur site parce que leur activité ne peut être réalisée à distance. Aujourd’hui, les personnes qui télétravaillent voient une partie de leurs frais pris en charge pour mener à bien leur activité professionnelle à domicile. Ceux qui sont contraints de se déplacer et qui ont parfois des frais de transport conséquents apparaissent moins favorisés. D’où le risque d’un fort décalage entre les bénéfices d’une organisation du travail distancié et la réalité de métiers, pour une partie moins « qualifiés », qui seraient dans l’obligation d’être en permanence présents sur site. Cette fracture doit impérativement être réduite au maximum des possibilités. Si une partie de l’activité ne peut effectivement être télétravaillée, certains secteurs doivent néanmoins se réinventer.
Les entreprises qui renâclent sur le travail à distance pourraient rapidement être confrontées à des difficultés ! Car le véritable enjeu de cette déspacialisation, c’est clairement la conservation des talents, le fait de pouvoir capter les meilleures compétences. Si, sur le plan économique, le monde d’après ressemble au monde d’avant, la révolution est en marche sur le plan des mentalités ! Les attentes se sont profondément modifiées : une meilleure organisation, une plus grande liberté, peut être aussi le retour à une plus grande simplicité.
Le défi qui s’annonce pour les entreprises ? Manager une communauté de compétences qui sera nécessairement dispersée. À propos d’Incitu Incitu est une marque de certification, partenaire des entreprises dans leur transformation organisationnelle et managériale, en lien avec les nouvelles formes d’organisation du travail (télétravail, travail hybride, flex-office, coworking, nomadisme…). Elle propose un label, du conseil et des certifications de compétences pour accompagner et valoriser les bonnes pratiques des entreprises et de leurs collaborateurs dans un objectif de performance économique, de développement de la marque employeur et de respect de la qualité de vie au travail.