Cécile Cloarec, DRH du groupe logistique créé en 1967 en France, détaille les mesures innovantes prises face à l’inflation, la crise énergétique et les difficultés de recrutement par cette entreprise familiale et internationale qui compte 28 000 collaborateurs, dont 6 500 dans l’Hexagone.
Au sein de FM Logistic, les métiers opérationnels représentent 85 % des effectifs : comment répondez-vous à la perte de pouvoir d’achat de vos salariés due à l’inflation ?
Nous voulons trouver des solutions autres qu’une hausse des salaires forcément limitée par la situation économique actuelle. Une première piste concrète est le covoiturage. Depuis mai 2022, nous proposons une solution avec Karos, start-up spécialisée dans ce domaine.
Nous avions déjà fait une tentative il y a quelques années, mais cela n’avait pas pris. En 2023, l’objectif est d’atteindre quinze sites sur trente en France. Nous offrons l’utilisation gratuite pour les six premiers mois et chaque conducteur reçoit deux euros par passager et par trajet. En moyenne, cela représente, pour tous, une économie de 55 euros net par mois.
Autre avantage de ce système : des personnes qui ne travaillent pas ensemble se côtoient ce qui permet de casser les structures en silo, de renforcer l’esprit collectif et la communication interne.
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Y a-t-il d’autres solutions ?
Nous réfléchissons à mettre à contribution le département des achats pour faire du mécénat de compétences et aider les collaborateurs à procéder à des achats groupés à titre personnel. Ces professionnels habitués à la massification des achats peuvent aider à trouver les bons fournisseurs ou à négocier les prix. C’est une manifestation de la force collective en entreprise.
Enfin, si la situation inflationniste perdure, il est possible que nous entrions en réflexion sur la semaine de quatre jours. En réorganisant les horaires, il y a peut-être l’opportunité de faire économiser à nos collaborateurs des allers-retours hebdomadaires entre domicile et travail. Ce n’est pas une demande qui émane du terrain, mais nous sommes en veille sur cette solution éventuelle, qui pourrait améliorer le pouvoir d’achat de nos salariés : en diminuant les trajets et en évitant d’avoir besoin de faire garder les enfants certains jours, même si les horaires seraient plus longs lors des journées travaillées… De plus, cela permettrait un rééquilibrage entre les postes qui disposent de deux jours de distanciel, selon notre accord de télétravail, et ceux qui ne peuvent en bénéficier comme c’est le cas pour 85 % de nos collaborateurs. Néanmoins, je n’élude pas les risques posés par des horaires rallongés concernant la sécurité au travail, liés à la fatigue et la perte d’attention.
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L’urgence n’est-elle pas aussi la réduction des dépenses énergétiques ?
Oui et nous avons organisé une réflexion collective pour déterminer 75 actions prioritaires, des mesures à appliquer au quotidien pour réduire notre consommation d’énergie de 7 % par an sur l’ensemble du groupe d’ici à 2030, et même près de 15 % en 2023 en France. D’une manière générale, FM Logistic vise la neutralité carbone sur ses émissions en propre pour ses activités d’entreposage d’ici à 2030 et – 30 % d’émissions dans le transport.
Rencontrez-vous des difficultés à l’embauche ?
Nous recrutons beaucoup et nous avons pourvu 400 postes en France en 2022, notamment grâce aux méthodes par simulation, avec mise en situation et entretien de motivation. Nous sommes en train de nous équiper de nouveaux outils digitaux pour piloter le process de recrutement afin de gagner en efficacité et en fluidité dans le suivi de ceux qui postulent : pour que ces derniers sachent où en est le processus et pour entretenir notre vivier de manière plus performante, par exemple en gardant le contact avec d’anciens stagiaires ou alternants. Mais aussi pour comprendre à quel moment et pourquoi nous perdons certains candidats.
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Qu’en est-il de la gestion des talents ?
Depuis 2013, nous avons une université d’entreprise : FM University pilote tous les programmes de formation et de développement des compétences pour tous nos collaborateurs, dans tous les pays où nous sommes implantés. Donc elle est en grande partie dématérialisée grâce à une plateforme digitale avec beaucoup de contenus d’e-learning très courts pour apprendre où l’on veut, quand on le veut et comme on le veut, notamment sur son téléphone.
Des programmes en présentiel complètent ou permettent de valider ce qui a été acquis à distance. D’abord Opex, ou « operational excellence » : il s’agit de la professionnalisation et de l’acquisition de connaissances techniques pour des métiers en logistique, achats, management, etc. Ensuite le développement de carrière et des talents via, notamment, le leadership et la conduite du changement, grâce à des programmes internationaux de douze à quinze mois. Ils varient selon le degré de séniorité et permettent des évolutions internes transversales qui sont essentielles dans les organisations matricielles et pour des carrières moins linéaires et plus diversifiées.