Il est essentiel que les enjeux de diversité et d’inclusion soient intégrés sans tabou dans l’éducation des futurs managers. Mixité, égalité des chances ou encore lutte contre les discriminations. Revue de détail des initiatives du centre en matière de recherche et de formation avec Hager Jemel, Directrice de la Chaire Edhec Open Leadership for diversity & inclusion.
Quelle est la mission de la chaire Edhec open leadership for diversity & inclusion ?
Nous avons créé la Chaire en 2016 dans l’objectif de mettre notre expertise académique à disposition des entreprises pour accélérer les progrès en matière de diversité et d’inclusion. La Chaire a bénéficié d’un fort soutien de l’EDHEC, qui a cru en notre démarche et en l’utilité de nos travaux de recherche pour les entreprises et la société. Nous observions en effet un fossé important entre les objectifs affichés par les entreprises dans le domaine de la mixité et de la diversité et les résultats sur le terrain. Beaucoup de discours et de moyens alloués pour un impact relativement faible. Quelles sont les politiques qui fonctionnent ? Comment améliorer les pratiques ? La Chaire a ainsi tissé un réseau d’entreprises partenaires tout en développant des activités de recherche mais aussi de formation et de sensibilisation à ces enjeux.
Comment enseigner la diversité et l’inclusion ?
Cet apprentissage ne peut être appréhendé comme un cours de finance ou de marketing. Ce n’est ni une matière à proprement dit ni une science, mais plutôt un enjeu de société. Pourtant il est essentiel que le sujet soit intégré sans tabou dans l’éducation des futurs managers. Il devrait même être abordé en classe dès le plus jeune âge car la diversité et l’inclusion sont complètement liées à l’apprentissage du vivre-ensemble.Nous avons beaucoup réfléchi à la posture à adopter et avons exclu toute démarche « descendante » ou moralisatrice, même si la notion de morale est abordée avec les étudiants. La mise en situation nous semble la meilleure façon de les sensibiliser. Le premier tremplin de la Diversité et de l’Inclusion, lancé en février 2020, est né de cette conviction. Avec l’aide de deux entreprises partenaires – L’Oréal et Butagaz – et d’une équipe de coachs, nous avons organisé une journée dédiée à ces enjeux. En nous inspirant des méthodes de design thinking, nous avons demandé à plus de 600 étudiants de pré-master de résoudre des problématiques de diversité et d’inclusion en imaginant ensemble des solutions concrètes avec les entreprises participantes. Le mode opératoire était simple : Comment actionner l’empathie ? C’est en se mettant dans la peau d’un personae présentant des caractéristiques différentes (handicap invisible, surpoids, parentalité, genre, …) que l’on peut ressentir ses émotions et comprendre ses besoins car les préjugés et les mécanismes de « catégorisation » sont générateurs de violence et de discriminations. L’objectif est de développer la capacité de se comporter de manière plus inclusive et le réflexe de réfléchir, voire s’insurger face à une situation injuste ou inappropriée. Questionnement, dialogue, travail en groupe, accompagnement des coachs… Le plus enrichissant, c’est ce processus permettant de co-construire des solutions.
Quel bilan faites-vous de cette expérience ?
J’ai été surprise par la qualité des productions et par la maturité dont ces jeunes étudiants ont fait preuve, sachant que la plupart ont très peu d’expérience en entreprise. Nous avons beaucoup structuré la démarche avec l’équipe de coachs dans le but de donner de l’autonomie aux groupes et créer un environnement favorisant la bienveillance et la liberté d’expression. Le fait d’impliquer des entreprises dans le projet crédibilise aussi la démarche et leur montre que l’enjeu est bien réel.
Pensez-vous renouveler l’expérience ?
Oui nous prévoyons une nouvelle édition, mais pas forcément dans le même format ni sur les mêmes cas. Nous avons notamment réfléchi à des innovations pour permettre d’organiser l’événement à distance tout en gardant les mêmes ambitions en termes de sensibilisation et de contributions. Cette année, nous allons travailler sur le thèmes des violences sexistes et sexuelles (VSS) qui est un thème sociétal majeur. Au-delà du Tremplin, nous souhaitons disséminer davantage l’expertise de la Chaire dans les programmes : la mise en place d’un certificat « diversité et inclusion » est envisagée pour les étudiants en Master 2 tout comme la création d’un cours de « management de la diversité et de l’inclusion » sponsorisé par la Chaire.
Comment la Chaire contribue-t-elle à lutter contre les discriminations ?
Tout d’abord en mettant le sujet sous les projecteurs. Vaincre les discriminations, c’est déjà afficher une position publique et affirmer l’importance de la question de l’égalité des chances. La Chaire met ensuite en œuvre tout un ensemble d’actions pour lutter contre les discriminations : conférences, publications, initiatives de sensibilisation. C’est en essaimant que nous contribuons à améliorer la prise de conscience et bien entendu en formant les étudiants et les managers au leadership inclusif. Nous travaillons notamment sur les représentations du leadership dans l’imaginaire collectif, la persistance des stéréotypes et la question des pratiques du pouvoir. Enfin, la Chaire est partenaire du programme de mentoring Revel@Her du Club XXIème siècle qui accompagne des femmes diplômées à haut potentiel issues de la diversité afin de les aider à briser le double plafond de verre dû à leur genre et leur origine.
Quels sont les projets de la Chaire ?
Nous avons plusieurs projets prioritaires. Nous nous intéressons notamment à la mesure de la diversité et l’inclusion dans les entreprises. C’est une dimension clé pour progresser sur ces sujets. Nous voulons travailler sur un indicateur pertinent pour les entreprises. Nous souhaitons également intensifier nos partenariats avec le monde associatif en leur apportant notre expertise académique, à l’image de nos collaborations avec le Club XXIème siècle ou Article 1, une association engagée pour l’égalité des chances. Objectif : renforcer notre impact sur la société. Enfin, nous allons nous investir de manière plus forte dans l’éducation des jeunes, ouvrir davantage notre Chaire aux étudiants, les associer à nos travaux lorsque cela est possible, d’autant que nous observons un intérêt croissant de leur part sur ces sujets. Nous sommes dans une école, en quelque sorte au cœur du « générateur » des managers de demain. C’est un lieu privilégié qui nous offre la chance de pouvoir faire évoluer les pratiques et contribuer à renforcer les comportements inclusifs dans la société.