L’économie circulaire… Un terme dont la circulation en entreprise et dans la société s’est intensifié depuis une dizaine d’années. « Cette notion est souvent assimilée au traitement des déchets, observe Jean-Louis Bergey, expert économie circulaire au sein de l’Ademe. Mais en réalité, elle est bien plus large. »
Plusieurs maillons composent cette boucle vertueuse que constitue l’économie circulaire. À commencer par l’approvisionnement durable (de l’exploitation des matières premières à l’achat de produits respectueux de l’environnement en passant par les économies d’énergies, renouvelables, bien sûr !). Mais aussi l’éco-conception qui prend en compte l’impact d’un bien ou d’un service pendant tout son cycle de vie. Ou encore la consommation sobre et responsable, par les entreprises comme les individus, et l’allongement de la durée d’usage grâce à la réparation ou l’achat d’occasion. Sans oublier, in fine, le recyclage pour récupérer les matières premières.
« L’économie circulaire vise à faire disparaître la notion de déchet, précise Brieuc Saffré, fondateur de Circulab, agence de design circulaire. Car dans la nature, ça n’existe pas ! Ce que l’on appelle rebut est perçu comme une ressource par d’autres. » Il fait aussi remarquer que cette économie régénérative existait autrefois et qu’elle a ensuite disparu des sociétés industrialisées.
Mais la prise de conscience s’accroît, a fortiori avec la crise actuelle. « Celle-ci a un effet démultiplicateur, souligne Emmanuelle Ledoux, directrice générale de l’Institut national de l’économie circulaire. Ainsi, les approvisionnements locaux, qui sont au cœur de l’économie circulaire, nous apparaissent aujourd’hui stratégiques et il faut les sécuriser. » Elle note que cet aspect figure dans la feuille de route de l’économie circulaire (FREC), présentée par le gouvernement début 2018, mais qu’à l’époque c’était encore « une vue de l’esprit »… La pandémie a donc été un révélateur et un accélérateur. Un phénomène qui entre en résonance avec la législation française, en particulier la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC), de février 2020. Elle favorise la réparation et l’utilisation des pièces détachées, vise à sortir du plastique jetable, met en place un indice de réparabilité pour les équipements électriques et électroniques…
« Ce dernier va changer en profondeur les chaînes de production et influencer les décisions d’achat », se réjouit Romain Martin, co-fondateur, il y a trois ans, de Murfy, spécialiste de la réparation à domicile et du reconditionnement de gros appareils électroménagers. La réussite de son entreprise montre la viabilité du modèle circulaire, selon lui… même s’il y a un problème de main d’œuvre qualifiée : « Il faudrait plus de 20 000 techniciens pour prendre en charge les quelque 20 millions d’appareils électroménagers jetés chaque année en France alors qu’ils sont réparables. Or il y a moins de 5 000 électrotechniciens en activité et beaucoup de compétences se sont perdues. C’est pourquoi nous venons de lancer notre propre centre de formation qui va enseigner ce savoir-faire, en six mois, à une centaine de personnes d’ici à la fin de l’année. Avec, à la clé, des CDI pour tous. »
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Politique des petits pas
Autre frein, connaître la composition des produits et matériaux utilisés, selon Christine Guinebretière, présidente d’Upcyclea. La start-up apporte une solution, dans le secteur du bâtiment, grâce à son logiciel rendant possible le sourcing responsable : « Il permet aussi la conception et la gestion de bâtiments pour qu’ils ne deviennent pas des déchets par la suite mais des banques de matériaux lors de leur déconstruction. »
Tous ces spécialistes prônent la politique des petits pas pour les entreprises souhaitant intégrer l’économie circulaire. « Mieux vaut commencer par des actions modestes mais qui donnent des résultats visibles et rapides pour mobiliser tous les collaborateurs et passer ensuite à des projets avec plus d’ambition et d’envergure, » résume Brieuc Saffré. Emmanuelle Ledoux cite l’exemple du groupe de nettoyage industriel Onet qui a décidé de n’utiliser que des flacons de produits réemployables : « Le projet Biogistic, qui comprend d’autres engagements, a d’abord été porté par la responsable RSE qui a réussi à impliquer tous les agents. » Elle ajoute que convaincre la direction des achats est capital et conseille de se renseigner auprès de l’observatoire des achats responsables (ObsAR).
De plus, l’Institut national de l’économie circulaire qu’elle dirige a co-créé la plate-forme www.economiecirculaire.org qui permet aux entreprises d’intégrer un réseau d’acteurs partageant informations, expériences et méthodes. Parmi les membres, la Camif, très souvent citée en référence grâce à la stratégie adoptée par son repreneur en 2009, Emery Jacquillat : recentrée sur l’aménagement local et durable de la maison, elle propose de choisir les produits selon des critères classiques mais aussi en fonction du lieu de fabrication, de l’éco-conception, du label de développement durable… Et le succès est au rendez-vous !
Stéphanie Condis