Tribune – C’est en 1997 que j’ai décidé de devenir entrepreneur. C’était juste après la sortie de l’album “Homework’’ des Daft Punk. Leur son était nouveau, disruptif et ne ressemblait à rien de ce que l’on pouvait écouter à l’époque, tout en étant grand public. Depuis, je me suis efforcé d’appliquer ces trois fondamentaux clefs pour la réussite de tout produit : créativité, disruption et Mass-Market. Nicolas Grumbach, CEO de Kang.fr, marketplace de SOD : Services On Demand.
Je ne savais pas alors que le titre même de l’album et la manière dont il avait été conçu allait donner une résonnance troublante à la révolution que nous traversons aujourd’hui et à ce que je fais. Ce titre “homework” annonçait une ère nouvelle dans laquelle n’importe qui allait être en mesure de produire un travail de qualité depuis le confort de son salon et le vendre au monde entier !
La Sharing Economy n’est pas une simple mode, elle va continuer de prendre une place de plus en plus importante dans nos vies et peut être même réinventer la manière dont nous consommons. C’est un changement sociétal profond et durable. Irréversible. Si l’on devait faire un parallèle avec la révolution industrielle, nous n’en sommes qu’à la période du développement ferroviaire du milieu du 19e siècle.
Vers la fin du salariat ?
La notion de possession devient de plus en plus obsolète pour les Millennials : “c’est ma voiture, mon appartement, mon nouveau CD’’ sont des expressions qui sont progressivement balayées par les Blablacar/ Uber, Airbnb ou Deezer (dont deux pépites françaises, il est toujours plaisant de le rappeler !) Je suis persuadé pour en être le témoin chaque jour que la prochaine vague sera celle des plate-formes de Freelances et la fin du salariat considéré comme étant la norme. Par la même occasion, ces dernières ringuardiseront cette notion de possession dans le monde du travail. Combien de fois peut-on déplorer entendre un chef d’entreprise demander à un confrère : “tu possèdes combien d’employés désormais dans ta boîte ?”
Bien sûr, il va falloir réguler et assurer à cette nouvelle forme de travail, une couverture sociale digne de notre pays : assurances complémentaires et mutuelles, contributions à la formation professionnelle, et pourquoi pas un système de recouvrement simplifié des cotisations sociales avec prélèvement à la source … L’équité commande tout pareillement une égalité de traitement sur l’assurance maladie et la retraite comme l’a souligné Hervé Novelli, à l’origine de la mise en place du régime d’auto entrepreneur (désormais micro-entrepreneur, ndlr).
Le train est déjà en marche et il est peu probable que le mouvement s’inverse. Victor Hugo affirmait : “Rien ne peut arrêter une idée dont l’heure est venue”.
Il ne s’agit pas ici de simple Ubérisation de la Société mais d’un changement sociétal profond.
Un million de chômeurs en moins ?
Il est aujourd’hui 10 fois plus facile de trouver des clients qu’un travail. C’est sans compter que cette nouvelle vague et cette aspiration à une qualité de vie meilleure commence déjà à repeupler nos campagnes. Et répondre, certes, pour l’heure à une petite échelle, mais de manière pérenne, à la problématique de désertification des territoires ruraux. Le salariat est né, s’est développé et concentré près des villes, du capital et des entreprises. Aujourd’hui, l’essor des outils numériques favorise l’ubiquité et participe déjà à cette décentralisation du travail.
Meilleure qualité de vie, logements à prix accessibles, plus de temps pour s’occuper de sa famille, économies substantielles sur les gardes d’enfants pour la sortie d’école … les motivations sont légion. D’après François Fillon, la facilitation de l’accès au statut de freelance et à celui d’auto-entrepreneur serait un véritable Big Bang pour l’emploi avec à la clef près d’un million de chômeurs en moins sur deux ans. Certes les promesses aux parfums de campagnes pré-électorales n’engagent que ceux qui y croient mais aux États-Unis ce n’est pourtant pas Donald Trump mais bien Hillary Clinton qui prend parti en faveur de la Gig Economy et pour cause : 50 millions d’Américains ont déjà adopté ce mode de travail et sont devenus Freelances.
Punks de la consommation
Thomas Picketty décrit fort bien dans son livre les inégalités qui se sont creusées au cours des deux derniers siècles et qui sont nées de la concentration du travail et du capital dans les mains de grandes fortunes et de sociétés regroupées. Si demain l’économie était portée par des millions d’auto-entrepreneurs responsables de leur réussite, et facilitée par les plate-formes leur apportant confort, commandes, outils et sécurité du paiement, les rapports de forces se ré-équilibreraient très probablement.
Côté consommateurs, qu’ils soient particuliers ou entreprises, l’approche est similaire : ils aspirent à consommer mieux et différemment. À être acteurs éclairés de leurs choix. La première vague alimentaire et bio n’a été que le coup de feu d’un changement des mentalités et des comportements des consommateurs.
Ces derniers veulent se sentir libres et ont une approche de plus en plus rebelle dans leur manière de consommer.
Ce sont les premiers Punks de la consommation. Cela ne vous rappelle rien ?