Gras Savoye Willis Towers Watson, cabinet de conseil et de courtage, a analysé les “grandes tendances” qui animeront le monde des RH dans les mois à venir. Principalement, l’égalité professionnelle et la lutte contre l’absentéisme au travail.
“Depuis fin 2018, une concentration inédite de réformes législatives a secoué le monde du travail (prélèvement à la source, défiscalisation des heures supplémentaires, réforme de la formation professionnelle, mise en place de l’Index de l’égalité salariale). Et dans le même temps, les salariés ont de nouvelles aspirations et attentes vis-à-vis de leurs entreprises. Ils recherchent du sens, ont soif de responsabilités et d’autonomie, et se soucient des problématiques sociales et environnementales”, observe Laurent Termignon, directeur de l’activité Talent & Rewards chez Gras Savoye Willis Towers Watson.
Dans son dernier baromètre des DRH, paru en avril 2019, le cabinet de conseil mettait en lumière le rôle crucial de la fonction RH dans la transformation des organisations, mais aussi la “sécurisation” du “capital humain”. Ainsi, les directeurs des ressources humaines doivent-ils aujourd’hui anticiper et accompagner la mutation des entreprises, mais également écouter et accompagner les salariés au quotidien, afin de les attirer, les retenir et les motiver.
Combattre l’absentéisme et engager les salariés
D’après un autre rapport de Gras Savoye Willis Towers Watson paru cet été, le taux d’absentéisme dans les entreprises françaises est en “constante augmentation” depuis 2014, avec une hausse de 16 % en 5 ans, pour concerner 3,73 % des salariés. “Cette hausse se caractérise par des arrêts plus longs et une plus grande proportion de salariés concernés. Ainsi, la part des salariés ayant posé au moins un arrêt en 2018 a progressé de 8 % en 5 ans. De même, la durée moyenne des arrêts a, elle aussi, augmenté de 8 %”, explique Laurent Termignon. Selon le cabinet, ces résultats sont “préoccupants”. Pas seulement en raison du coût financier pour les organisations (chiffré par l’institut Sapiens en 2018 à 108 milliards d’euros par an), mais aussi et surtout des risques de perte d’engagement, de démissions et d’abandons de poste.
Fait intéressant, les absences en recrudescence ne concernent pas principalement, comme l’on pourrait s’y attendre, les plus jeunes et les plus âgés, mais le “groupe central” des 30-49 ans, avec une augmentation de 16 % (contre 9 % pour les seniors, et + 10 % pour les moins de 30 ans) par rapport à 2014. “Cela signifie que les origines du problèmes ne sont pas seulement le vieillissement de la population et les maladies, mais aussi des difficultés organisationnelles, comme la surcharge de travail, et des difficultés relationnelles internes”, indique Julien Vignoli, directeur général délégué de Gras Savoye Willis Towers Watson.
Selon le cabinet, l’absentéisme en hausse des salariés français s’explique ainsi avant tout par un “désenchantement” lié au management et à une “certaine perte de sens”. “Alors que notre société s’horizontalise, les entreprises continuent à avoir un fonctionnement très hiérarchisé, ainsi qu’un fort manque de transparence”, explique Laurent Termignon.
Pour réduire l’absentéisme au travail et améliorer l’engagement des salariés, les DRH devront, dès demain, “consulter davantage” les collaborateurs (notamment concernant le management en place), les informer, leur proposer des formations ou encore de faire du télétravail, et enfin, former les managers eux-mêmes – pour davantage de QVT, de communication et de transparence. “Ils devront aussi prendre en compte l’évolution de la société, et des phénomènes qui tendront de plus en plus à peser sur l’absentéisme : le nombre de familles monoparentales, les congés parentaux, la hausse du nombre de salariés actifs contraints d’endosser le rôle d’aidants familiaux, ainsi que le vieillissement de la population, qui se traduira forcément par plus d’absences longues”, indique Julien Vignoli.
Favoriser l’égalité femmes – hommes
Un plus grand engagement des salariés passe aussi, selon le cabinet, par une meilleure égalité professionnelle. À commencer par celle entre les femmes et les hommes. En 2020, les DRH auront ainsi à coeur de tout mettre en oeuvre pour respecter l’Index de l’égalité salariale femmes – hommes mis en place en janvier dernier par le gouvernement.
Pour rappel, les 1 400 entreprises françaises de plus de 1 000 salariés avaient jusqu’au 1er mars, et celles employant entre 250 et 1 000 salariés avaient jusqu’au 1er septembre, pour publier leur note. 99 % l’ont fait (au total, 4 772 organisations), mais près de 17 % d’entre elles sont en deçà de la note limite de 75 / 100 – elles ont jusqu’au 1er mars 2020 pour redresser la barre, sans quoi elles risquent de devoir verser une pénalité financière, et figurer dans la liste des “mauvais élèves”.
Selon Laurent Termignon, “les entreprises qui n’ont pas obtenu la note de 75 / 100 gardent une véritable épée de Damoclès au dessus de leur tête, car il en va de leur image. Pour certaines, il s’agit de petits écarts techniques dûs à des négligences, concernant le pourcentage de salariées ayant bénéficié d’une augmentation dans l’année de leur retour de congé maternité (1). Mais pour d’autres, il s’agit du nombre de femmes parmi les 10 salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations (2), et agir sur cet indicateur risque de prendre du temps”.
Selon le baromètre 2019 de Gras Savoye Willis Towers Watson, l’égalité femmes-hommes est une “priorité” pour les DRH, en matière de politiques de rémunérations (66 %), mais aussi, plus généralement, de RSE, de diversité et d’inclusion (88 %), car ce thème “joue sur l’attractivité des entreprises, auprès des candidats à l’embauche et des clients, mais aussi sur la rétention et la performance des salariés”.
Pour favoriser au maximum l’égalité femmes – hommes au travail, les DRH devront, estime Laurent Termignon, “effectuer un travail de pédagogie” auprès des salariées à propos de leurs possibilités d’évolutions professionnelles et salariales, en les informant sur les dispositifs en place et en les interrogeant sur leur ressenti. Outre l’index de l’égalité salariale, qui leur posera encore pendant un an des problèmes techniques de par la complexité des données à récolter et à trier pour calculer la “note” de leur entreprise, ils devront bientôt tenir compte également de la future “loi sur l’émancipation économique des femmes“. Annoncée par le gouvernement pour 2020, celle-ci prévoit d’agir sur la rémunération des femmes, mais aussi les congés parentaux, la conciliation vie professionnelle – vie familiale, et la part de femmes dans les instances dirigeantes des entreprises.
“Les défis qui se poseront aux DRH seront finalement d’accompagner et de communiquer davantage auprès des collaborateurs, mais aussi de mesurer les effets des mesures prises par l’entreprise, afin qu’elles s’inscrivent dans la durée”, conclut Laurent Termignon.
(1) 20 % des entreprises de + 1000 salariés ont eu une note à 0 pour ce critère.
(2) 50 % des entreprises de + 1000 salariés ont eu une note à 0 pour ce critère.