Management

Être cartésien pour un manager, mythe ou réalité ?

Tribune. Dans une rubrique récente, nous présentions l’importance et l’intérêt de “penser” le monde par une prise de distance et de hauteur. Cependant, quel lien y-a-t-il entre la méditation que propose l’anachorèse et le fait d’être cartésien ? Dans le langage courant, être cartésien signifie être logique, être rationnel. Or, est-ce bien là la source conceptuelle de la philosophie cartésienne ? Par François Perotto.

 

La philosophe Laurence Devillairs nous rappelle que la philosophie c’est apprendre à penser set à penser “autrement” face à une matière réfractaire et solidifiée représentée par nos habitudes, nos préjugés, nos convictions, nos avis arrêtés. Pour Descartes, penser n’est pas l’objet d’un apprentissage, mais d’une conquête qui passe par le doute. Ce doute se définit comme une soif de vérité, un désir de certitude. Le doute ce n’est pas de douter de tout (ce qui amènerait au relativisme), mais de consentir à penser contre soi, contre ses assurances et ses évidences. En particulier, c’est notre capacité (et notre volonté ?) de nous défaire de notre tempérament de suiveur. Cette lutte contre nous-même, Descartes l’appelle méditation.
Par la méditation, le cartésianisme a pour but premier, non pas d’apprendre, mais de désapprendre, en cherchant moins des vérités que des solutions. En soi, le réformateur cartésien éduque à la désobéissance, à l’exigence de penser non pas contre mais sans ; sans la ressource de tous avis et croyances. La conquête à laquelle nous invite Descartes, cette éducation cartésienne, commence par le doute, l’arrachement à la culture de son temps. La méditation devient une exploration lente du nouveau et de l’inconnu.

 

Questionnement

Nous voyons ainsi que cette idée commune du cartésien logique et rationnel est loin de l’esprit de la philosophie de Descartes. Comment un manager peut-il s’inscrire dans cette approche de l’école et de la philosophie cartésiennes ?
L’anachorèse, par la méditation et la prise de distance qu’elle induit, est une voie à explorer.
Ensuite, la méditation proposée par Descartes peut être favorisée par l’utilisation de deux formes de questionnement, qui impliquent aussi de savoir faire preuve d’humilité :

  • Écouter pour apprendre
  • Exprimer pour explorer.

Écouter pour apprendre, c’est questionner pour rechercher différents points de vue en laissant librement s’exprimer autrui, en désirant bien comprendre, dans une attitude ouverte et d’acceptation franche de l’altérité.
Exprimer pour explorer, c’est de proposer une idée et une fois cette idée “mise sur la table ”, d’accepter qu’elle soit débattue en étant tordue et malaxée dans tous les sens sans ménagement.

 

Vision renouvelée

Une fois cela réalisé, le manager aura tout lieu de méditer sur ce qu’il a appris et par l’état d’esprit de doute qu’il aura adopté dès l’origine, d’être en mesure de penser contre soi pour aboutir à une vision renouvelée des choses qui peut se révéler parfois à l’opposé de ses croyances initiales. L’inconnu est alors abordé avec sérénité et la conviction que ce n’est pas une vérité absolue qui sera au bout du chemin, mais une solution ou une ébauche de solution, qui pourra en être un des jalons. Le manager cartésien n’est alors plus un mythe et peut devenir une réalité, dès lors qu’il a accepté de sortir de sa zone de confort et d’avoir l’humilité de revisiter ou de remettre en cause ses croyances !

 

QUI EST L’AUTEUR ?

François Perotto est senior-consultant Kreno Consulting (www.kreno-consulting.fr)

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