Intégrer un salarié étranger au sein d’une équipe soulève d’inévitables questions pour tout employeur. Obtiendra-t-il son visa ? S’adaptera-t-il à l’environnement de l’entreprise, à ses méthodes de travail ? Plus des deux-tiers des échecs de mobilité internationale trouvent leur source dans les difficultés d’adaptation. Décryptage par Dominique Bordenave, consultante RH-Mobilité internationale et enseignant-chercheur à l’ESC-Pau.
Le candidat à l’expatriation devra donc faire montre de solides compétences, s’il veut se voir préféré à des candidats locaux parfois aussi bien formés. Le positionnement de ce dernier sera d’autant plus pertinent qu’il aura su cibler un pays dont les besoins en compétences et le niveau de développement sont en adéquation avec son offre de service1. Le Canada ou les États-Unis figurent dans le Top Ten des destinations attractives2. Mais pour ces marchés dont les besoins en compétences concernent majoritairement des profils scientifiques (aéronautique, médical, biotechnologie) un commercial, fût-il sorti des meilleurs viviers européens sera-t-il en mesure de démontrer son “plus” indispensable, de se centrer sur des zones géographiques et resserrer ses objectifs ?
Le piège des offres à foison
Une stratégie de recherche de poste gagnera à combiner trois approches en s’adressant tout d’abord au marché médiatisé, à celui des intermédiaires du recrutement puis en travaillant par prospection directe des entreprises. Le marché médiatisé des offres d’emploi s’offre à vous : entre Monster, Overseasjobs et autres Indeed, les jobboards prolifèrent. Difficile pour les recruteurs de sélectionner les bons canaux de diffusion des offres d’emploi, en particulier à l’international. Le portail Jobfinder qui recense près de 800 sites d’emploi à travers le monde vous permettra de repérer les ressources du pays de votre choix. Là encore limitez les flux d’information : la crainte de manquer l’opportunité rêvée invite à démultiplier les alertes. Le risque est grand de se laisser submerger par des pushs d’offres. Le candidat au départ aura avantage à approcher ces intermédiaires de l’emploi que sont les cabinets de recrutement ou de chasse de têtes. Précieux seront les annuaires dédiés aux professionnels du recrutement www.cabinet-recrutement.org3 ou l’International Executive Grapevine.
Quand le réseau nous tient
En cinq ans, le e-recrutement a explosé au point de transformer en profondeur les techniques d’embauches. L’essor des sites emploi ne résout pas l’équation de la recherche de candidats pour le recruteur. Selon l’étude du cabinet Alexander Mann4, 85 % des recruteurs interrogés passent par la diffusion d’offres, mais seuls 24 % trouvent leurs candidats par cette voie. D’où la part croissante du sourcing via réseau. Selon LinkedIn5, l’appel à cette intermédiation (cooptation ou réseau) s’affirme comme une tendance forte. Dans ce paysage la recherche passive d’après les offres est distancée. Comment s’appuyer sur un réseau dans un pays où l’on n’a précisément pas encore travaillé ? Pour créer du contact : les réseaux sociaux jouent ici pleinement les leviers de mise en relation. Dans la famille des réseaux sociaux professionnels, LinkedIn est le grand gagnant avec 414 millions d’adhérents. À nuancer cependant, car Facebook sourit aussi aux professionnels aux USA. Le confidentiel Xing a les faveurs des Allemands. Mais là encore, attention aux pratiques de masse qui détournent ces outils d’utilisations efficaces. Nombreux sont ceux qui n’exploitent que la veille des offres, ou ceux se contentant d’épingler un CV en bichonnant sa visibilité. Prétextez une prise de contact informelle avec un professionnel de cabinet de recrutement (ou de chasse). Contactez les associations de Français de l’étranger et questionnez une personne issue du secteur d’activité ciblé. Engagez l’échange sur des forums professionnels. Les informations ainsi collectées seront mises à profit pour affiner l’approche d’un secteur, d’un métier dans le pays visé. Sans oublier les clubs d’affaires, qu’ils soient français (French Business Association) mais aussi de toutes nationalités. Le classique distinguo entre personne-ressource (relais d’information) et personne-cible (recruteur potentiel) prend plus que jamais son sens. Avec pour chacun la bonne action, en évitant la confusion des genres : demande d’information à l’un et proposition de collaboration à l’autre. Travailler le réseau, c’est rencontrer l’autre. Et rencontrer l’autre, c’est d’abord lui parler, sur la place du village, comme dans le “Village global”.
1 – Boston Consulting Group : Global Workforce Crisis 2014.
2 – Boston Consulting Group & The Network : Decoding Global Talent, 2014.
3 – Exemple : http://www.cabinet-recrutement.org/annuaire-cabinet-recrutement.php?locarea=1®ion=Royaume-Uni&departement=-+S%E9lectionner+-&activite=0&act=act).
4 – Alexander Mann – Social Talent : Global Sourcing Survey results, 2014
5 – LinkedIn : Global Recruiting Trend, 2016.
Dominique Bordenave est consultante RH-Mobilité internationale et Enseignant-chercheur à l’ESC-PAU.
Lisez un autre article de Dominique Bordenave sur l’expatriation, “Jobs around the globe”.