Nous vivons dans un monde pétri d’injonctions paradoxales, victime de modes managériales. Parmi les lubies du moment, les zèbres, les atypiques, les neuro-typiques. Par François Geuze, Auditeur Social e-Consulting RH.
Alors voilà, entreprise mon amie, toi qui es à la recherche d’une performance hors norme, tu dois apprendre à gérer ces personnalités particulières, les découvrir. Il te faut manager les surdoués différemment, prendre en compte leur spécificités pour bien les utiliser. La belle affaire…
Réflexions pratiques
Ces zèbres, surdoués ou quel que soit le sobriquet dont vous désirez les affubler posent quand même quelques problèmes.
Un « Zèbre », selon la psychologue Jeanne Siaud-Facchin, se fond dans le paysage ; donc comment les identifier ? Par un test de QI à l’entrée ? En « testant » chaque collaborateur ?
Ensuite, devriez-vous informer le ban et l’arrière ban du fait qu’il y a un atypique dans l’équipe, au risque de le discriminer ?
Réflexions énervées
Nombre de personnes parlent à tort et à travers de ces sujets, ne serait-ce que pour se positionner elles-mêmes dans ces catégories, qui rappelons le concernant le QI, n’est qu’une logique de répartition, selon un certain nombre de critères, pour évaluer un certain type d’intelligence. C’est incroyable le nombre de personnes sur les réseaux sociaux qui sont à la moyenne plus deux fois l’écart type (qualification de surdoué) – la courbe de Gauss doit ressembler à un dromadaire…
On nous décrit ces « atypiques » comme sensibles, etc. Peut-être. Je ne suis pas psychologue ou psychiatre, mais déduire que ces atypiques sont plus sensibles sur la base d’observations faites en cabinet comme on le remarque dans de nombreux articles sur le sujet relève d’une généralisation outrancière. C’est comme si, en me rendant dans la salle d’attente d’un médecin, j’en déduisais que toute la population française est malade. Cela s’appelle un biais d’échantillon.
Réflexions sérieuses
Enfin, on nous présente généralement cette volonté d’identifier et de gérer différemment ces atypiques avec moult explications usant et abusant d’ambitions bienveillantes. Mais n’est-ce pas justement l’inverse que l’on est en train de mettre en place avec ce type de pratiques ?
L’atypique a-t-il envie d’être pointé du doigt ? Ou au contraire n’a-t-il pas envie d’une vie professionnelle « normale » ? En cas d’échec dans un projet ou sur une tâche quelconque, le surdoué aura-t-il le même droit à l’erreur que les autres ? « Pourtant, toi qui es si intelligent, tu aurais bien du t’en apercevoir … »
Face à des situations complexes ou nécessitant l’innovation ne risque-t-il pas d’être sur-sollicité ? Et à contrario, ses collègues ne risquent-ils pas d’être relégués à des tâches subalternes ou ne leur permettant pas de montrer qu’ils sont eux aussi compétences et capacités ? Finalement, n’est-ce pas un appauvrissement du collectif qui se met en marche ?
Risques de discriminations, biais cognitifs, problèmes de management des individus et des équipes… Est-il en définitive bien raisonnable de « fliquer » ces personnes ? Ou au contraire ne faudrait-il pas considérer que tous les collaborateurs et collaboratrices sont différents, avec leurs expertises, leurs modes de fonctionnement et que c’est dans la combinaison des forces de chacun et dans la recherche de l’enrichissement des compétences de chacun grâce au groupe que réside la force d’un collectif ?
A l’individu atypique, je préfère une équipe atypique, composée d’Hommes et de Femmes, tous différents, mais partageant un certain nombre d’objectifs communs et développant ensemble une véritable intelligence collective.
L’auteur
Auditeur Social e-Consulting RH et Directeur de la Recherche du HRFiabLab, François Geuze est un expert des stratégies RH et du contrôle de gestion RH, ainsi que des nouvelles technologies appliquées au domaine de la gestion des hommes. Il anime le site web e-rh.org.