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Fin du télétravail : « Pas de marche arrière » en France, mais « un réajustement nécessaire »

Un vent d'inquiétude souffle sur les salariés français depuis que des entreprises américaines, comme Amazon, ont annoncé le retour intégral de leurs salariés au bureau. Mais, d'après Eric Gras, spécialiste du marché de l'emploi chez Indeed, il est peu probable que cette tendance arrive jusqu'en France.

L’annonce d’Amazon a provoqué une déflagration à l’échelle mondiale. Le géant américain du e-commerce a annoncé le retour intégral de ses 300 000 salariés au bureau dès janvier 2025. « En observant ces cinq dernières années, nous continuons de penser que les avantages d’être tous ensemble au bureau sont importants », a écrit Andy Jassy, PDG d’Amazon, dans un message diffusé en interne ce lundi 16 septembre. Aussi, les collaborateurs du géant américain s’apprêtent à renoncer à leurs deux jours hebdomadaires de télétravail.

« Cette annonce a surpris tout le monde, surtout dans le milieu de la tech, confirme Eric Gras, spécialiste du marché de l’emploi chez Indeed. Jusqu’à présent, les salariés recrutés dans ce secteur était en position de force et pouvaient négocier de nombreux avantages. Après le Covid-19, les grandes entreprises américaines les ont recrutés massivement sous certaines conditions. Mais, en raison d’un contexte économique difficile aux États-Unis, ce n’est plus une réalité. Aujourd’hui, les organisations américaines sont prêtes à voir leurs salariés démissionner afin de réimposer leurs conditions de travail. Le rapport de force s’est inversé. »

L’objectif de ce retour au « monde d’avant » est une recherche de productivité. Le télétravail aurait entraîné une baisse de la créativité, de l’intelligence collective, ou encore de l’innovation. Et donc, de résultats ! Si ces arguments sont fondés, « la performance ne se décrète pas, alerte Eric Gras. Forcer les salariés à revenir au bureau peut s’avérer contre-productif. Sauf si l’entreprise met en œuvre toutes les conditions pour leur donner envie de revenir sur site à temps complet, comme proposer des locaux agréables. Et que le manager, de son côté, arrive à (re)créer du sens au travail, un sentiment d’appartenance collective, des rituels à valeur ajoutée qui méritent de se déplacer, des moments informels et conviviaux constitutifs de la vie d’entreprise. »

Acquis social français

Pour l’heure, cette tendance reste très américaine, selon l’expert du marché de l’emploi. « Il y a peu de chance qu’elle arrive » en France. En tout cas, « pas à 100 % », affirme-t-il. Car le télétravail est désormais considéré par beaucoup comme un acquis social : le supprimer totalement reviendrait à « retirer une liberté individuelle », décrypte Eric Gras. Une étude récente menée par Indeed et OpinionWay démontre, en effet, que plus d’un actif sur deux (54 %) est prêt à refuser une offre d’emploi, voire à démissionner d’un poste, si on leur refuse la possibilité de télétravailler. « Dans notre pays, le télétravail reste une attente clef des salariés, non seulement pour un meilleur équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle, mais aussi parce qu’il reflète une culture d’entreprise fondée sur la confiance », explique le spécialiste. Il est également difficile de rétropédaler en raison d’accords d’entreprise signés encadrant la pratique.

Cependant, l’expert en emploi reconnaît que « nous sommes passés d’un extrême à l’autre : avant la crise sanitaire, nous ne faisions pas de télétravail, puis, tout d’un coup, des salariés sont partis vivre à des centaines de kilomètres de leur lieu de travail. En France, nous ne ferons pas marche arrière, mais un réajustement est nécessaire pour trouver le bon équilibre. Notamment dans les organisations qui avancent à deux vitesses : des équipes font peu ou pas de télétravail et d’autres en font beaucoup, voire à 100 %. »

Cette volonté de « réajustement » se traduit dans certaines entreprises par un resserrement de vis : le cabinet de conseil PwC a enjoint à ses 26 000 salariés au Royaume-Uni de travailler en présentiel au minimum trois jours par semaine à partir de janvier 2025. Même son de cloche pour les 18 000 salariés de l’entreprise de jeux vidéos, Ubisoft. En France, L’Oréal et Publicis durcissent aussi les conditions en interdisant le travail à distance les lundis et les vendredis, ainsi que les jours accolés aux vacances, etc. « Du côté des employeurs, la culture du présentéisme reste forte en France », termine Eric Gras. Encore aujourd’hui, les télétravailleurs ont moins de chance d’obtenir une promotion ou une augmentation.

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