L’évolution de carrière chez les cadres en situation de handicap reste encore à améliorer. Frilosité du management. Manque de concertation et de sensibilisation. De plus, certains cadres ne déclarent pas leur handicap pour éviter de porter préjudice à leur parcours professionnel…
Dans sa dernière étude publiée fin 2018, la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) pointait du doigt le fait que les chefs d’entreprise et les cadres étaient nettement sous-représentés parmi les bénéficiaires de la loi handicap (OETH). À peine 9 %. Autant de personnes qui se privent ainsi d’accès à des services dédiés et autres aides financières. Beaucoup de cadres interrogés pour cet article, encore soucieux de préserver leur anonymat, estiment que leur handicap a été un frein dans leur carrière professionnelle.
Le regard du management reste encore une des lignes à faire bouger. Ainsi, Xavier, 43 ans, cadre dans le domaine informatique, atteint de poliomyélite, n’y va pas par quatre chemins : “Oui, mon handicap a freiné mon évolution de carrière. Le top management de la précédente société où j’étais salarié était réticent à me faire progresser dans l’organigramme. Un handicapé avec une béquille dans les open-space, certains hauts responsables trouvaient délicat de me faire évoluer en tant que chef d’équipe. Ce préjugé n’était pourtant pas dans l’esprit de mon manager de proximité, celui qui savait de quoi j’étais capable dans mon travail au quotidien.” Même son de cloche chez Éric, 32 ans, cadre dans le domaine de la conformité réglementaire chez un fabricant industriel, déficient visuel. “ Certains recruteurs confrontés à un candidat en situation de handicap comme moi pourraient avoir peur et ne prendraient pas le risque de me recruter. Je dirais donc que mon handicap m’a freiné dans les recrutements à cause de préjugés.”
Sensibiliser le top management
Face à ce sentiment d’incompréhension, certains cadres hésitent d’ailleurs à déclarer leur handicap pour ne pas risquer de porter préjudice à leur carrière. Le management doit impérativement faire évoluer ses positions. “Le vrai problème est que très souvent les entreprises mélangent incapacité et incompétences. Une bonne évolution de carrière nécessite un regard pluridisciplinaire : le regard du cadre sur lui- même, le regard du manager, le regard de la Médecine du travail. C’est un travail d’équipe qui doit être repensé à chaque étape du parcours professionnel”, estime Anne Roi, responsable diversité à l’Unirh (Union pour l’insertion et la réinsertion professionnelle des personnes handicapées).
Pour autant, dans des situations encore trop marquées par la défiance, d’autres témoignages mettent en lumière la sensibilisation du management à un échange constructif. Comme le souligne Ben Konaré, cadre à l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), autorité adossée à la Banque de France. “Après avoir défini en étroite collaboration avec la Mission Handicap un équipement plus approprié qui répondait à mes nouveaux besoins de forte mobilité (à l’international ou en interne à la Banque de France, du fait de mes aspirations nouvelles à des fonctions de responsable) et après quelques échanges rassurants avec les responsables opérationnels, j’ai peu à peu levé mes freins psychologiques et j’ai saisi de nouvelles opportunités de carrière. »
Un dialogue permanent qui doit participer au bien-vivre professionnel. “Il faut vraiment garder un lien fort et étroit avec son manager de proximité, car c’est lui qui évalue nos compétences et qui peut appuyer notre évolution auprès du top management. Il doit jouer le rôle de partenaire”, note Xavier. Des échanges facilités notamment par la création en novembre 2012 du club des cadres handicapés de Ladapt (association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées).
“Le club aide des cadres à ne pas passer à côté de leur vie professionnelle, par des échanges de situations et d’expériences, par des conseils de personnes plus expérimentées sur les aides et attitudes à adopter, grâce au mixage de personnes avec des chemins de vie différents et riches d’expériences”, explique Gilbert Neves, chargé de développement à Ladapt Rhône. Avant de poursuivre sur la nécessité de bousculer les frontières et d’insister sur la composition même du club. “Ce dernier est composé de personnes en situation de handicap, de personnes non handicapées, de femmes, d’hommes, de personnes en recherche d’emploi, d’entrepreneurs, de futurs chefs d’entreprise avec comme point commun : celui d’être cadre. Nous sommes convaincus que ce club apporte un soutien, des idées, du lien à toutes les personnes en situation de handicap ou non…”