À l’occasion de la 4ème édition du salon Handicap, emploi et achats responsables, retour sur le rôle qu’une entreprise a à jouer pour transformer la société sur ces thématiques.
L’agefiph, l’association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés, a pour mission d’accompagner les entreprises dans leurs recrutements de personnes en situation de handicap. Selon le baromètre “Club Être” publié en 2018, 57 % des entreprises interrogées estiment que la mise en place d’une politique handicap est importante. Pourtant, toutes n’ont pas recours à des actions concrètes. De grands groupes tels qu’Amazon, CGI ou l’Oréal adoptent une politique responsable en matière d’employabilité de personnes handicapées. Aucune d’entre elles ne parle de marque employeur handicap mais plutôt de valeurs, d’expériences, de comportements, de culture d’entreprise. Pour certains cela passe par la mise en place de missions handicap pour travailler sur l’ensemble des politiques et des actions d’insertion des travailleurs handicapés. L’Oréal estime que ses “collaborateurs doivent être le miroir des consommateurs. Nous ne sommes pas crédibles si nous ne respectons pas les différences. Notre société est plurielle, il est donc essentiel que nos employés soient à cette image” avant d’ajouter qu’il “faut une démarche très volontariste pour ancrer cela dans notre pratique mais c’est une nécessité”.
Des lacunes d’apprentissage
Dès le plus jeune âge, un problème se pose. L’environnement scolaire n’est pas adapté, ni inclusif pour les enfants ou les étudiants en situation de handicap. “L’école ne fournit qu’1,8 % de diplômés d’un baccalauréat niveau master 2 en situation de handicap. Il est donc très difficile d’atteindre le seuil des 6 %”, s’indigne Blandine Thibaut-Biaccade, directrice des ressources humaines chez l’Oréal. Ce cadre peu accueillant crée une pénurie de compétences. C’est face à ce manque que CGI a décidé d’agir. Depuis la rentrée 2017, ils se sont associés aux écoles IPI et EPSI pour créer leur propre École du Développeur. Cette formation s’étend sur trois ans et est accessible à tous les détenteurs d’un baccalauréat. “C’est un véritable levier d’inclusion et de diversité, cela permet entre autres un accompagnement de personnes handicapées vers nos métiers” affirme Benoit Froment, vice-président ressources humaines de CGI.
“Notre société est plurielle, il est donc essentiel que nos employés soient à cette image”
Des intentions aux actions
Si certaines entreprises estiment qu’adopter une politique responsable signifie renoncer à son projet de développement d’entreprise, c’est tout le contraire qui se produit généralement. ”L’entreprise peut développer un réseau et créer ainsi un cercle vertueux. Il ne suffit pas d’être volontaire, il faut aussi être inclusif” assure Blandine Thibault-Biaccade. Cela passe par des innovations ou des phases d’adaptation de postes afin qu’ils conviennent à tous les types de profil. Céline Marciniak, directrice RSE chez STEF, une société de transport et logistique, explique qu’ils ont opté pour l’ajout de “transpalettes électriques afin de faciliter le chargement, le déchargement des camions lorsqu’ils sont en livraison. Cela a tellement bien fonctionné qu’à l’heure actuelle tous les conducteurs bénéficient de camions équipés”. Partant d’une stratégie handicap, ces modifications ont finalement contribué à une meilleure qualité de vie au travail pour tout le monde.
En plus de ces adaptations matérielles, la confiance occupe une grande part dans le processus. Les collaborateurs doivent se sentir suffisamment à l’aise pour s’exprimer et s’intégrer. Cela passe par la mise en place d’entretiens confidentiels ou de campagnes internes. Parce qu’environ 80 % des handicaps sont invisibles, l’Oréal encourage les collaborateurs à révéler le leur. Toujours dans cette logique, l’entreprise a lancé la campagne “Osez être vous” pour inciter à dire la vérité. Pour d’autres comme Amazon ou Wavestone, cette confiance s’acquiert au fil d’entretiens individuels. En binôme avec un expert ou à trois avec un membre de l’entreprise, ces entrevues permettent non seulement de mieux vivre son handicap au travail mais aussi de faire progresser l’entreprise sur la notion.
“80 % des handicaps sont invisibles”
Et pour l’entreprise ?
La notion d’individualisation est au cœur de la démarche. Chacun a sa singularité, “à nous entreprise de partir du profil du salarié et par des formations ou des expériences, l’amener à évoluer. On en tire de nouvelles pratiques en matière de ressources humaines” précise Céline Marciniak. Cette méthode a permis à certaines sociétés de revoir leur politique de promotion interne et ainsi sortir de certains raisonnements standards.
De plus, la diversification réaffirme en interne l’importance des valeurs de l’entreprise et dépasse la barrière des préjugés. “La vulnérabilité nous oblige à faire un temps de pause, à accueillir cette faiblesse. Réintégrer un peu d’humanité dans nos manières de coopérer, de collaborer représente finalement une force” complète Blandine Thibaut-Biaccade.
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