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Horaires, droit à la déconnexion, frais professionnels, management : ce que contient le futur accord sur le télétravail

Face à la généralisation du télétravail, les partenaires sociaux tentent de l’encadrer. Après 3 semaines de négociations, les syndicats (sauf la CGT) et le patronat sont finalement parvenus à trouver un accord cadre. Reste à l’entériner. D’ici là, voici les principales règles du jeu prévues par ce texte.

Après 3 semaines d’âpres négociations, le projet d’accord national interprofessionnel (ANI) “pour une mise en œuvre réussie du télétravail” a été validé jeudi 26 novembre par le patronat, la CFDT, Force ouvrière, la CFE-CGC et la CFTC. Seule la CGT s’y oppose, car elle refuse qu’il soit non-contraignant.

Depuis la crise du Covid-19, le télétravail est la norme. Mais les syndicats et les organisations patronales (CPME, Medef, U2P) pensent déjà à l’après, et tentent de l’encadrer dans l’optique de sa pérennisation. Leur texte devrait, à terme, remplacer l’accord national interprofessionnel (ANI) de 2005 sur ce sujet. Il n’a pas de caractère contraignant, et fera office de référentiel pour les entreprises. “Il permettra d’encourager la dynamique de négociations de branches et d’entreprises, en donnant un cadre clair sur les modalités de mise en œuvre du télétravail”, se réjouit Elisabeth Borne.

 

Un cadre légal et une définition précise

Mais que contient ce projet d’accord , censé être entériné le 23 décembre ? Tout d’abord, il détermine le cadre légal du télétravail. Les partenaires sociaux rappellent ainsi que l’employeur doit l’encadrer à travers un accord collectif, une charte, ou un accord “de gré à gré” avec le salarié. Le texte en donne aussi une définition : il “désigne toute forme d’organisation dans laquelle un travail qui aurait pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué à l’extérieur, de façon volontaire, en utilisant les technologies de l’information et de la communication”. Selon le projet d’ANI, “il peut s’exercer au lieu d’habitation du salarié ou dans un tiers-lieu, de façon régulière ou occasionnelle, ainsi qu’en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure.”

 

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Éligibilité des postes, dialogue social et double volontariat

Le projet d’accord rappelle qu’il appartient à l’employeur de déterminer les activités éligibles au télétravail. Mais il ajoute que cette évaluation d’éligibilité des postes devrait faire l’objet d’un dialogue social, afin de “permettre une mise en place efficiente et pérenne” du travail à distance. “Hors circonstances exceptionnelles”, cette pratique “revêt un caractère volontaire pour le salarié et l’employeur”, indique en outre le texte. Ainsi, dès lors qu’un collaborateur informe son entreprise de sa volonté de “passer au télétravail”, l’employeur peut accepter ou refuser sa demande. Mais le texte rappelle qu’il doit “motiver” tout refus, en cas d’accord collectif ou de charte.

 

Horaires et droit à la déconnexion

Selon le document, la durée du travail du salarié doit être “identique sur site ou en télétravail”. Si l’employeur peut contrôler son temps de travail, il doit “fixer avec lui les plages horaires durant lesquelles il peut le contacter”. Ainsi, “la mise en place du télétravail prend en compte le droit à la déconnexion, lequel doit faire l’objet d’un accord ou d’une charte traitant de ses modalités de mise en œuvre”. En dehors de circonstances exceptionnelles, le texte souligne aussi “l’importance d’équilibrer le temps de télétravail et le temps de travail sur site”, afin de “garantir la préservation du lien social”, et de “limiter l’émergence de difficultés organisationnelles”.

 

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La prise en charge des frais professionnels

Le projet d’accord indique que “le principe selon lequel les frais engagés par un salarié doivent être supportés par l’employeur s’applique à l’ensemble des situations de travail”. Ainsi, il appartient à l’entreprise de prendre en charge les dépenses engagées par un télétravailleur “pour les besoins de son activité professionnelle”. Le texte ne précise pas si la connexion internet, le chauffage et l’électricité sont concernés, mais précise que le “choix des modalités de prise en charge des frais professionnels” peut être “un sujet de dialogue social en interne”. À noter que le document évoque la possibilité de mettre en place une “allocation forfaitaire”.

 

Sécurité, santé et accidents du travail

Le projet d’accord édicte aussi des règles en matière de santé et sécurité. Il rappelle que l’employeur doit respecter son devoir de protection des salariés, mais concède qu’il “ne peut avoir une complète maîtrise du lieu dans lequel” le travail à distance s’exerce. Le texte souligne ensuite “l’importance de la prise en compte du télétravail dans la démarche d’analyse de risque” de l’entreprise. “Cette évaluation peut intégrer les risques liés à l’éloignement du salarié de la communauté de travail et à la régulation de l’usage des outils  numériques”, précisent les partenaires sociaux.

Le document rappelle également que “malgré les difficultés de mise en œuvre pratique, le télétravail est une modalité d’exécution du contrat de travail”. Ainsi, la “présomption d’imputabilité relative aux accidents de travail s’applique” aussi à distance.

 

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Management et préservation du lien social

Le projet d’ANI aborde enfin la nécessaire “adaptation des pratiques managériales”. Selon le texte, “le télétravail repose sur un postulat fondamental ; la relation de confiance entre un responsable et chaque salarié en télétravail, et deux aptitudes complémentaires ; l’autonomie et la responsabilité”. Dans ce cadre, le manager “a un rôle clé, parce qu’il participe à la fixation des objectifs du salarié, ainsi qu’à la bonne répartition de la charge de travail”.

Selon le texte, le manager est aussi “l’un des garants du maintien du lien social entre le salarié en télétravail et l’entreprise”. Ainsi, avec la direction et les RH, il doit tout faire pour que “l’éloignement des collaborateurs ne conduise pas à un amoindrissement de la cohésion sociale interne”.

Le projet d’accord incite également les entreprises à “prévenir l’isolement” des salariés en télétravail. “Cela participe à la fois de la santé au travail des collaborateurs et du maintien du sentiment d’appartenance à l’entreprise”. Les partenaires sociaux observent finalement que des “dispositifs ad hoc mobilisant tous les acteurs de l’entreprise” peuvent être “élaborés et mis en œuvre” pour maintenir l’esprit d’équipe. Notamment des “temps de travail collectif réguliers”.

 

 

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