Afin de supprimer les inégalités de salaires entre femmes et hommes, le gouvernement a mis en place une méthodologie destinée à calculer, dans chaque entreprise, les écarts de rémunérations. Aux organisations de publier, tous les ans, cet « index », et d’atteindre le score de 75 / 100 – sous peine de s’exposer à une pénalité financière. Pour le patronat, « il ne faut pas y voir un couperet, mais un outil pour progresser ».
Selon les derniers chiffres de l’Insee, l’écart de rémunération en France entre salaires masculins et féminins dans l’entreprise (tous postes confondus) est de 25% en revenu salarial, et de 9,3 % à poste ou compétences égales. En outre, malgré les « hausses tendancielles » de leurs niveaux d’éducation et d’expérience professionnelle, les salariées du privé gagnaient en moyenne 18 % de moins que les hommes en équivalent temps plein en 2015.
Dans le cadre du plan d’action du gouvernement (lancé en mai 2018) destiné à supprimer ces inégalités salariales, une méthode de calcul d’indicateurs relatifs aux écarts de rémunérations dans les entreprises a été développée – par le ministère du Travail, avec l’appui de Sylvie Leyre, DRH France de Schneider Electric, mais aussi des organisations syndicales et du Medef.
A finalement été institué un « index de l’égalité salariale femmes – hommes » – un « bilan » que les entreprises devront désormais utiliser pour mesurer les différences de salaires. Concrètement, à compter du 1er janvier 2019, les entreprises de plus de 250 salariés (pour celles de 50 à 250 salariés, l’échéance a été décalée au 1er janvier 2020) devront publier chaque année les indicateurs relatifs à l’égalité salariale entre femmes et hommes sur lesquels repose l’index, ainsi que les actions mises en oeuvre pour « supprimer les écarts » – sans quoi elles risqueraient une pénalité financière.
Les syndicats restent réservés face à cet indice, bien qu’ils saluent unanimement une « obligation de résultats » en matière d’égalité salariale qui « va dans le bon sens ». De son côté, le Medef accueille « favorablement » cette mesure, qu’il juge « pragmatique » et potentiellement efficace – mais précise qu’il restera « vigilant » lors de la mise en œuvre de cette méthodologie, afin de s’assurer de la « qualité » de l’accompagnement des entreprises de moins de 250 salariés » par les Direccte, ainsi que de l’examen « attentif et bienveillant » par ces derniers services de l’État, « des éléments apportés par les entreprises quant aux écarts constatés qui seraient justifiés ».
Un baromètre pour « enclencher une mécanique vertueuse d’innovation »
Faut-il redouter une politique de sanction contre-productive, qui permettrait aux entreprises de pratiquer une sorte de « green washing » version égalité salariale ? Autrement dit, une fois que les entreprises atteindraient le score de 75/100, ne risqueraient-elles pas de stopper leurs efforts, ne craignant que la menace de la pénalité financière ? Selon Dominique Carlac’h, vice-présidente du Medef, « il ne faut pas voir cet index comme un couperet qui s’abattrait sur les entreprises, mais comme un outil qui peut être utile, et constituer un véritable levier, pour rendre la pratique managériale plus performante, et au-delà, la pratique entrepreneuriale. »
« Les entreprises n’ont pas toujours conscience qu’elles ne sont pas dans la bonne voie, elles ne font pas forcément ‘exprès’ d’instituer une inégalité salariale. Et l’intérêt de cet index c’est de leur faire prendre conscience de la réalité. Le fait pour elles d’utiliser cette boussole devrait les pousser à progresser », complète Armelle Carminati Rabasse, présidente de la Commission « innovation sociale et managériale » du Medef. Selon l’ancienne DG d’Accenture en Europe, ces indicateurs constituent avant tout un « baromètre » permettant aux organisations, des grandes entreprises aux PME/TPE, de réaliser elles-mêmes un diagnostic interne. « Les chiffres peuvent certes être un peu bruts de décoffrage, mais ils sont là pour aider les entreprises à analyser ce qui pose problème, et à enclencher une mécanique vertueuse d’innovation », indique-t-elle.
Selon Armelle Carminati Rabasse, les entreprises devraient agir pour supprimer les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, « pas par peur de la sanction, mais parce qu’elles auront envie de le faire ». Ainsi, remarque-t-elle, plusieurs grandes entreprises ont « déjà mis en place des actions, avant que le gouvernement ne lance ce chantier », et d’autres seraient « déjà en train de travailler sur le sujet » pour combler les écarts – les DRH étant, en règle générale, « ravis d’avoir ce genre d’outil à disposition ». Selon les premiers chiffres dévoilés par le gouvernement, une centaine d’entreprises sont déjà en « liste rouge » (parce qu’elles n’ont pas publié leurs résultats), et trois ont obtenu une note proche de 100 : Sodexo, la Maif et la CNP.
Favoriser l’accès des femmes aux postes dirigeants
Mais l’égalité femmes – hommes en entreprise ne se limite pas aux salaires. Ainsi, constate Elisabeth Grenin, présidente du Medef Nièvre, « il existe encore aujourd’hui un véritable plafond de verre, qui bloque l’accès des femmes aux postes dirigeants. C’est d’ailleurs pourquoi l’index a embarqué cette composante comme critère marqueur d’égalité. » Si les femmes « ont tout intérêt à oser prendre la parole, c’est aussi aux entreprises à mettre en place une nouvelle organisation, propice à l’égalité des parcours, notamment en veillant à garantir un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie maternelle », relève-t-elle – donnant l’exemple de la « Charte pour l’équilibre des temps de vie« . Appliquée par plusieurs dizaines de grandes entreprises, cette charte a notamment pour objectif de briser le rôle de frein joué par la maternité dans l’accès des femmes à des postes à responsabilité.
À noter que le Medef, qui a mis en place un groupe de travail sur l’égalité femmes-hommes en entreprise, planche actuellement sur une étude du nombre de femmes présentes dans les comités exécutifs (les « Comex »), les conseils d’administration, les comités de mandat et plus généralement, les instances dirigeantes de ses entreprises syndiquées. Avec pour objectif de leur proposer, à terme, des conseils visant à « effectuer un travail sur leurs gouvernances ».
Index de l’égalité salariale hommes – femmes, mode d’emploi
Les indicateurs de l’index sont les suivants : l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes ; l’écart des augmentations ; l’écart des promotions ; le pourcentage de salariés ayant bénéficié d’une augmentation dans l’année de leur retour de congé maternité ; ainsi que le nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les 10 salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations. Ils permettent de calculer une note sur 100, qui est la somme des points de 5 indicateurs pour les grandes entreprises, et de 4 pour les PME.
Les entreprises d’au moins 50 salariés disposent d’un délai de 3 ans pour atteindre la note de 75 points sur 100 – si ce score n’est pas atteint, elles peuvent se voir appliquer une pénalité financière par la Direccte. À l’organisation de mettre en place un « plan d’actions », afin de se mettre en conformité et de corriger les écarts de salaires entre femmes et hommes – notamment en programmant des mesures de rattrapage salarial. Un délai d’un an supplémentaire peut être accordé à l’entreprise pour se mettre en conformité avec la loi, si des efforts sont constatés par l’administration pendant le délai de 3 ans.
Les entreprises de plus 1 000 salariés ont déjà publié leur index pour la première fois le 1er mars 2019. Celles de 250 à 1 000 salariés devront le faire au plus tard le 1er septembre 2019, et celles de 50 à 250 salariés, d’ici le 1er mars 2020.
Le ministère du Travail a publié sur son site une série de questions/réponses – une « FAQ » – destinée à répondre aux interrogations des entreprises. Pour calculer l’index, les entreprises peuvent aussi se faire accompagner par un réseau de « délégués à l’égalité salariale femmes-hommes » – des agents de terrain, issus des Direccte -, ainsi que par le Medef, qui indique « se tenir à leur disposition pour les aider dans la mise en oeuvre de cette méthode », via l’adresse mail indexdelegalitesalariale@medef.fr.