Né aux USA dans les années 2000, le job crafting consiste à modeler son job à son image en le transformant petit à petit pour qu’il nous corresponde. Sylvaine Pascual, fondatrice d’Ithaque Coaching, a sorti un livre sur le sujet (1). La spécialiste en “job design” nous en dit plus sur ce concept destiné à augmenter sa motivation, sa productivité, et surtout son plaisir au travail.
Qu’est-ce que le job crafting ?
Ce concept est né aux Etats-Unis dans les années 2000 et s’est déjà répandu dans de nombreux pays d’Europe, dans le sillage de la quête de sens des nouvelles générations, qui refusent le burn-out comme le bore-out. Le job crafting (“job” + “crafting”, c’est-à-dire “travail” + “fait-main”) consiste pour un salarié à façonner, de sa propre initiative, sa vie professionnelle, afin qu’elle lui corresponde et soit plus en accord avec lui. Il ne s’agit pas d’une énième pratique de management ou d’accompagnement des collaborateurs : c’est quelque chose qu’ils font eux-mêmes.
L’idée, c’est de s’emparer d’un poste, se l’approprier pour qu’il vous permette de mettre en oeuvre vos savoir-faire spécifiques. Prendre des initiatives pour donner du sens à son travail, le modifier en fonction de ses aspirations. Il s’agit donc de “customiser” son travail, de le façonner “à la main” afin qu’il corresponde davantage à vos valeurs, vos envies et vos aspirations. En plus du sens, cela vous permet de gagner en plaisir au travail, en satisfaction générale et en efficience.
Comment “crafter” son travail, concrètement ?
Afin de modeler son job à son image, il faut explorer trois dimensions : les relations de travail, les perceptions du travail, et le contenu du travail.
La première chose à faire est d’améliorer la qualité des relations avec ses collègues et ses clients. Pour cela, il vous faut commencer par travailler votre estime de soi, et chercher à comprendre les mécanismes émotionnels des autres ; afin de faire preuve d’empathie. En essayant de parler le même langage que l’autre, en faisant un travail sur vous-même et votre propre relation aux autres, vous modifiez votre comportement et vous influez indirectement sur celui des autres. Le but n’est pas de changer le comportement de vos collègues, mais le votre pour prendre plus de plaisir dans les relations de travail. En comprenant mieux le champ d’action, le quotidien et le ressenti des autres, et en faisant preuve de bienveillance, vous créez des relations plus fortes avec vos collègues ; ce qui rendra votre job plus intéressant et plus agréable.
Vient ensuite tout un travail sur la perception que vous avez de votre poste et des tâches que vous avez à effectuer. L’idée est d’essayer de trouver plus de sens à vos actions, car si vous savez pourquoi vous agissez, vous le ferez plus volontiers. Il vous faut vous poser ces deux questions : Que vous apporte votre travail ? Êtes-vous épanoui ? Puis essayer de trouver du sens à ce que vous faites en adoptant une vision plus globale de votre métier : quelle est sa finalité ? Quels effets positifs a-t-il sur votre entourage professionnel ? Quels bénéfices apporte-t-il au monde extérieur ? Si vous prenez du recul, même les tâches les plus rébarbatives peuvent vous apparaître importantes, de par le résultat qu’elles vont amener.
Enfin, à vous d’agir sur le contenu de votre travail. Plutôt que de changer d’entreprise ou de métier, l’idée reste de modifier (de l’intérieur) le poste que vous occupez.Analysez dans le détail vos atouts potentiels et la nature de vos tâches : leur variété, leur quantité, les process, ce qui vous coûte en énergie, et les compétences que vous aimeriez mettre en avant. Le but étant en fait de réfléchir à votre job idéal, afin de le créer vous-même. Il ne faut pas hésiter à sortir de sa fiche de poste, et à faire des choses qui n’ont pas de rapport direct avec votre travail, mais qui vous procurent de la satisfaction. Si vous pensez pouvoir accomplir certaines missions qui ne figurent pas dans l’intitulé de votre poste, pourquoi ne pas le modifier afin de mettre votre savoir-faire particulier au service de votre travail ?
Vous pouvez aussi modifier la nature de vos tâches, ainsi que les méthodologies utilisées pour les effectuer. Plutôt que de continuer à effectuer des tâches qui ne vous plaisent pas, pourquoi, finalement, ne pas les échanger avec d’autres collaborateurs ? Expliquer à son manager ce que vous préférez faire plutôt qu’autre chose, ce n’est pas lui signifier que vous êtes paresseux, mais c’est lui faire comprendre que vous avez des appétences, et que vous seriez sans doute plus engagé et efficace si vous vous débarrassiez de ce qui vous démotive. Pour les chefs d’équipes, il s’agit d’un véritable management par les appétences. En questionnant chaque salarié sur ce qu’il aime faire ou non, il est possible de satisfaire tout le monde.
Remodeler ainsi son propre poste nécessite-t-il d’en parler à son manager, ou au contraire, faudrait-il le faire silencieusement, comme un “hacker” ?
Certaines démarches nécessitent d’en parler à la hiérarchie, d’autres non. S’il s’agit de modifier la qualité de vos relations interpersonnelles, de changer de méthodologie ou de revoir votre organisation, vous pourrez le faire seul. Mais pour rendre une fiche de poste plus fluide, ou pour modifier des tâches, vous aurez besoin de l’accord de votre hiérarchie. Donc d’en discuter. Le job crafting doit être bien compris pour être accepté et soutenu.
Il vous faut convaincre votre supérieur de l’intérêt qu’il aura à vous accorder plus d’autonomie et de confiance : encourager le job crafting, c’est donner plus de liberté à son collaborateur pour lui permettre d’être plus épanoui, plus sûr de lui, plus impliqué et finalement plus productif. Enfin, le job crafting permet au salarié de gagner en efficacité, donc de bénéficier de davantage de temps pour faire ce qu’il veut : travailler encore plus, ou se consacrer à autre chose que le travail ; en particulier sa vie personnelle. Un levier très important en matière de QVT.
(1) “Job Crafting 10 séances d’autocoaching pour devenir l’artisan de son propre plaisir au travail”, Sylvaine Pascual, Vuibert, collection My Happy Job. En librairie le 12 octobre 2020.