Carrière

Laura Lange : « La curiosité, déjà valorisée au travail, le sera plus encore à l’avenir »

Cet article est issu du dossier "Philosophie : changez de regard sur le monde du travail !"

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On parle souvent de l'agilité, de l'intelligence émotionnelle ou de la créativité comme des compétences indispensables au travail. Mais qu'en est-il de la curiosité ? Pour Laura Lange, philosophe, auteure du livre "Vers une maternité sans corps" (Les éditions de L’Observatoire), cette soft skill est essentielle. Elle nous explique pourquoi (et comment) la cultiver.

« On assimile souvent, à tort, la curiosité à un vilain défaut. On parle aussi parfois de curiosité mal placée. Pour certains la curiosité évoque Icare qui meurt après avoir volé trop près du soleil ou Ève qui croque la pomme. Pour d’autres, plus terre à terre, elle évoque tous ceux qui sont tentés d’épier ce qui se fait à côté. Or, sous ce mot énigmatique se cache une immense qualité qui nous invite à faire nous-même un pas de côté ! Dès lors, la curiosité ne nous brûle pas les ailes, elle nous en donne. Elle est ce qui nous met en appétit, et ce depuis que nous sommes petits.

Amusez-vous à observer les enfants, c’est fascinant. Ils s’émerveillent de tout, n’arrêtent pas de poser des questions, rêvent de découvrir telle ou telle activité, tel ou tel métier, ont un enthousiasme débordant… Mais à mesure que l’on grandit, il semblerait paradoxalement que notre appétit se fasse moins grand. Car contrairement à l’enfant dont la curiosité est déliée du savoir qu’il n’a que trop peu, l’adulte, fort des expériences acquises, court le risque de croire qu’il sait, qu’il maîtrise. Dans ce cas, la curiosité se renferme et l’expertise prend le pas sur les expériences.

La capacité à apprendre et à exercer son esprit critique

À noter qu’en entreprise, la plupart des compétences techniques actuelles acquises seront obsolètes d’ici quelques années. Les évolutions étant multiples, le travail sera de moins en moins le déroulé de process préétablis, à suivre à la lettre que le succès de tentatives, d’ébauches, d’ajustements, d’adaptations, d’apprentissages. À ce titre, la curiosité, qui figure déjà au rang des soft skills (ou compétences transversales) valorisées au travail, le sera plus encore à l’avenir. Car si le contenu de ce que l’on apprend est voué à passer, à être dépassé, la capacité à apprendre de nouvelles choses et à exercer son esprit critique va quant à elle devenir essentielle.

Aussi, on croit souvent, à tort, être curieux. Or, on porte souvent des œillères et s’intéresse inconsciemment à des choses que l’on connaît déjà plus ou moins. Disons qu’on a souvent une curiosité limitée, qui sort peu des sentiers appris. Oser la curiosité, c’est s’ouvrir, sortir du cadre pour découvrir. C’est prendre de la hauteur pour se rendre davantage auteur (acteur) de sa façon d’être au monde.

Alors, comment aiguiser, cultiver, travailler sa curiosité ? En commençant par lever la tête du guidon, par « lever le regard au-delà de la longueur de notre nez » comme disait joliment Montaigne. En se hâtant d’observer le monde comme un enfant avec les ressources d’un grand, c’est-à-dire en s’exerçant à s’étonner volontairement, autrement dit à prendre la vie avec philosophie. »

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