Management

Le bien-être de chacun, la performance pour tous

En tant que femme et dirigeante d’entreprise, les notions de discrimination et d’inclusion sont au cœur de mes enjeux. Si les entreprises commencent à prendre conscience que la diversité est une force et non une faiblesse, les lignes bougent encore trop peu. Par Isabelle Bastide, présidente de PageGroup France.

 

Trouver le meilleur profil, quel qu’il soit

Notre métier en tant qu’intermédiaire du recrutement est de trouver le meilleur profil pour répondre au besoin d’un client. Pas le meilleur homme, le candidat le plus jeune ou celui qui semble en meilleure santé. C’est pour cela que nous avons mis en place un système d’indemnisation afin que nos consultants aient la possibilité de dire “non”, de refuser une mission lorsque la demande d’un client s’avère discriminatoire, sans pour autant être pénalisés financièrement. Pour tout refus d’une demande à caractère discriminatoire, nos consultants perçoivent une indemnité à hauteur de ce que la mission leur aurait rapporté si celle-ci avait été réalisée. C’est grâce à de telles actions que nous sommes aujourd’hui assuré de pouvoir refuser une mission qui serait discriminatoire. Et parce que nous considérons que nous avons un véritable rôle pédagogique à jouer, nous formons l’intégralité de nos consultants à la lutte contre la discrimination.

Je défends avec ferveur l’idée dans laquelle je crois, que peu importe que l’on soit homme ou femme, hétérosexuel ou homosexuel, en situation de handicap, issu de l’immigration ou appartenant à quelque minorité visible ou invisible que ce soit, ce qui est important pour une entreprise qui recrute, c’est d’avoir les meilleurs talents.

 

Installer la diversité et inspirer pour créer la performance

Aujourd’hui, et j’en suis fière, les femmes représentent la moitié des collaborateurs de mon entreprise et ce même aux postes de direction. Et les salaires sont évidemment identiques pour tous. Avoir une femme à la tête de son entreprise aide les collaboratrices les plus jeunes, qui ont souvent tendance à ne pas oser, à se projeter et à se dire que “c’est possible”. C’est une source de motivation et d’encouragement. D’autant que rares sont aujourd’hui les sociétés de conseil ayant une femme à leur tête. Cette représentation conduit également à l’ouverture d’esprit et génère une véritable fierté d’appartenance pour elles comme pour tous les collaborateurs. C’est pourquoi il est important que les entreprises prennent conscience que la diversité enrichit la société. Dans tous les sens du terme.

Car la diversité, en plus de combattre les idées reçues, est un véritable levier de performance. Une étude de McKinsey de 2015 démontre qu’éliminer les inégalités entre les hommes et les femmes est un véritable gain économique. Si cette vision était généralisée, cela pourrait générer pas moins de 28 000 milliards de dollars d’ici à 10 ans. Soit le PIB de la Chine et des États-Unis réunis.

 

Permettre à la diversité de s’exprimer pour libérer les talents

Au fil de mon parcours professionnel, j’ai eu la chance de faire de nombreuses rencontres. Des rencontres qui m’ont permis de voir les choses différemment, d’évoluer dans ma manière de percevoir les autres et l’entreprise. Je me souviens, par exemple, d’un proche collaborateur homosexuel qui, parce qu’il évoluait dans un univers très machiste, n’a jamais osé en faire cas. Quand j’ai commencé ma carrière, l’homosexualité était un sujet dont on ne parlait pas en entreprise. Or, il est important que chacun puisse être soi-même. Dans le cas contraire, le collaborateur va consacrer une partie de son énergie à s’autocensurer, à se dissimuler, ce qui viendra affecter tant son épanouissement personnel que sa performance. Selon une étude de l’Association Française des Managers de la Diversité (AFMD) réalisée en 2016, 39 % des salariés LGBT Français déclarent avoir connu des commentaires ou des attitudes négatifs au travail, 20% des salariés se sont sentis discriminés. Un tiers des salariés LGBT estiment même que révéler leur homosexualité risquerait d’avoir un impact négatif sur leur emploi. C’est inacceptable. Et cela coûte aux entreprises.

Comme d’autres sociétés, nous avons mis en place certaines actions : un programme pour soutenir nos collaborateurs LGBT, mais aussi un système de mentorat pour les femmes de l’entreprise, une charte de la flexibilité de 15 engagements pour l’équilibre des temps de vie… Résultat, nous avons réussi à créer un environnement de travail plus diversifié et inclusif qui permet à chacun de s’épanouir à sa guise. Ainsi à titre d’exemple, l’un de nos collaborateurs s’est vu aménager son temps de travail pour se consacrer à son rôle de président d’une association de lutte contre le Sida ; et de jeunes parents oscillent entre télétravail et présence au bureau pour pouvoir assurer un équilibre parfait entre vie personnelle et vie professionnelle.

 

Des combats à porter chaque jour

Pour autant, s’il est une chose que j’ai apprise, c’est qu’il ne faut jamais relâcher la pression sur ces sujets de diversité. Si on ne porte pas ces combats régulièrement, ils retombent. Et si la direction est seule à les porter, cela ne marche pas non plus. Les femmes redeviennent par exemple rapidement ce sujet que l’on ressort à chaque “8 mars”, comme un trophée pour montrer que l’on est concerné. C’est cela que j’ai eu envie de démontrer, et c’est pourquoi je m’engage au quotidien avec l’ensemble de mes collaborateurs. Une entreprise où l’on se sent bien d’être qui l’on est et ce que l’on est, est une entreprise performante. C’est la place que l’entreprise doit prendre aujourd’hui : être le trait d’union entre business et sociétal, et replacer l’humain au cœur du modèle entrepreneurial, en créant des vocations.

Il y a bien sûr beaucoup à faire, et nous pouvons tous toujours faire mieux. Mais je sais que même le peu d’actions que l’on met en place en faveur de la diversité nous rend déjà plus forts. Permettre à chacun d’évoluer dans un environnement qui ne fait pas de distinction entre les “catégories” d’individus donne des salariés plus sereins, plus heureux. Des salariés qui n’ont pas peur de parler de ce qu’ils ont fait durant le week-end. Et donc des salariés plus engagés.

Et le bénéfice que cela peut avoir est grand, pour soi, pour les autres, et pour l’entreprise.

 

L’auteur

Isabelle_Bastide_Président-signature

Isabelle Bastide est présidente de PageGroup en France (cabinets de recrutement Page Personnel, Michael Page et Page Executive), experte en ressources humaines et en management des talents. Elle est notamment membre de l’association À Compétence Égale (lutte contre les discriminations, promotion de la diversité).
Sur Twitter : @IsabelleBastide.

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