Il y a quelques jours les citoyens des pays membres de l’Europe découvraient que le peuple anglais avait fait le choix de quitter le navire. Personne n’y croyait vraiment, ni ses commandants, officiers de bords, matelots voire simples passagers. Par Anne-Flore Maman Larraufie, Ph.D., Academic director MS SMIB – Essec.
Les réactions sont nombreuses et dissonantes : il y a les supporters du choix anglais qui appellent à un divorce pour leur propre pays ; il y a les choqués qui vouent un véritable amour/attachement au navire ; et il y a les nostalgiques, ceux qui ont vu la construction du navire et qui constatent qu’il s’abîme peu à peu mais qui “comprennent” le geste anglais. Quelle est donc l’erreur qui a conduit à cette mutinerie et surtout à l’aveuglement de tous ?
Il ne s’agit pas d’une mais d’une combinaison de plusieurs erreurs de gestion stratégique de la marque-entreprise Europe(1), erreurs qu’un manager ferait bien de méditer pour le bien de son entreprise. En voici deux :
Leçon n°1 – Le consommateur-clé de votre marque est votre employé
Tout d’abord dans la gestion de son audience par la classe politique la gérant : tout le focus de la communication était externe à l’entreprise, oubliant au passage ce qu’on nomme le “internal branding”, c’est-à-dire la valorisation de la marque auprès des membres de l’entreprise. Ainsi, le citoyen d’Europe s’est progressivement retrouvé avec une vision tronquée de la réalité et surtout de l’utilité de l’Europe, en étant destinataire uniquement des informations diffusées par la presse, donc majoritairement des problèmes générés par l’Europe, de la règlementation sur la taille des cages des poules pondeuses aux problématiques de politique migratoire auxquelles l’Europe fait actuellement face. Ainsi, la classe ouvrière et agricole a voté au Royaume-Uni pour une sortie de l’Europe, ne voyant celle-ci que sous l’angle des contraintes et jamais celui des opportunités et forces…
Leçon n°2 – Gérer les attentes des consommateurs
Les seniors ont largement voté pour la sortie de l’Europe, au Royaume-Uni. Pourtant ce sont eux qui ont vu se construire cette Europe et qui y avait mis de l’espoir et de l’enthousiasme, comme une entreprise permettant de préserver la paix tant militaire qu’économique entre des membres. Le souci est qu’un consommateur loyal n’est pas uniquement un consommateur satisfait : il doit être heureux. Le modèle non-linéaire de confirmation des attentes, issu de la théorie du comportement des consommateurs, permet de mieux comprendre le phénomène. Ainsi, tout consommateur a des attentes vis-à-vis d’une marque/d’un produit, qui émanent des promesses faites par la marque ou des motivations et croyances-produits du consommateur. Post-achat, celui-ci va comparer ce qu’il obtient avec ce qu’il espérait. Si le résultat est inférieur à ses attentes, il est foncièrement insatisfait (et le fait savoir sur le Web 2.0). Si le résultat est conforme aux attentes, il trouve cela normal car c’est ce qu’on lui avait promis. Pour qu’il soit satisfait, il faut que le résultat dépasse ses attentes ; il est alors heureux. Force est de constater que les témoins de la construction européenne ont vu leurs espoirs et attentes au mieux satisfaites, au pire non satisfaites, mais jamais dépassées. Un Européen non-heureux ne peux être fidèle à l’Europe… Cette leçon est également à retenir pour les managers : pour avoir des clients heureux et fidèles, n’oubliez jamais qu’il faut mieux légèrement sous-promettre et en tout état de cause ne jamais sur-promettre. Mais, pour ce faire il est nécessaire de connaître les attentes de ses consommateurs…
En conclusion, l’Europe a échoué à fédérer ses membres-citoyens car sa gestion s’est faite sans réelle stratégie orientée client. Souhaitons aux managers ayant oublié de remettre le couple employés-consommateurs au centre de leur stratégie de tirer la leçon de ce qui, à première vue, semble être un échec sur le long terme de la marque Europe…
1 Lewi, G., & Staines, G. (2006). L’Europe, une mauvaise marque?. Vuibert.