Une entreprise sur trois est déjà en flex office, et 40 % y pensent*. Une tendance qui s’accélère depuis la fin de la crise du Covid et la démocratisation du télétravail, à l’heure où l’aménagement des bureaux devient un enjeu clé, mais aussi un levier de management et d’engagement des salariés. Que penser du flex office ? Comment le mettre en place ? Quels en sont les avantages et les inconvénients ? Et, concrètement, est-ce que ça marche ? Entretien avec Pierre-Alexandre Pillet, fondateur de Sowen, spécialiste de l’aménagement des locaux d’entreprises.
Quel regard portez-vous sur les dynamiques récentes en matière d’espaces de travail ?
Il y eu un gros coup d’accélérateur post-Covid depuis début 2021 avec quelques anticipations fin 2020. Le mode de travail a changé, d’abord du fait de l’impact du télétravail, très souvent minimum deux jours par semaine. Cela libère de la surface ponctuellement et cela interroge aussi la façon de travailler et d’aménager les bureaux maintenant que les gens y sont moins souvent. Il faut faire en sorte que le bureau soit un lieu différent et attrayant, un lieu de vie. Globalement, le siège social d’une entreprise diminue en taille et les surfaces allouées changent. La répartition est différente, avec des postes de travail plus dynamiques ou flexibles, puisqu’il n’y plus forcément de postes attribués et de bureaux fermés dans le cadre d’un flex office. En parallèle, les surfaces d’accueil, salles de réunion ou d’échanges gagnent en importance. Quand on vient travailler, c’est pour échanger et non plus forcément travailler tout seul dans son bureau. Il y a le besoin de faire converger l’ADN de l’entreprise et ses espaces de travail.
L’aménagement des bureaux en flex office peut donc répondre à ces nouveaux besoins ?
En quelque sorte, le flex office est une suite ou une évolution logique de la généralisation du télétravail, puisque vous n’avez souvent plus besoin d’avoir un poste fixe attribué. Mais il y a une différence entre un full flex office, qui laisse une liberté totale, et la solution qui est plus privilégiée par les entreprises qui est plutôt un flex office par territoire ou par service. Par exemple, si un service compte 10 personnes, on ne va installer que 6 ou 7 postes de travail et les gens peuvent alterner selon leurs jours de télétravail tout en gardant une certaine appartenance. Cette nuance répond à deux enjeux : d’abord la perte de repères qui peut être anxiogène pour les collaborateurs, et ensuite l’importance de la collaboration et des échanges quand on vient au bureau.
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Cette nouvelle flexibilité offre-t-elle plus de perspectives et de possibilités pour l’aménagement des espaces de travail ?
Oui, en termes de dynamisme et d’aménagement des espaces, c’est beaucoup plus pertinent. Mais le frein qui peut exister encore aujourd’hui se situe au niveau du management. Il faut que le réaménagement soit issu d’une réflexion globale et concertée, que les gens adhèrent. En fait, par ce système d’organisation, les managers qui ont connu par exemple un management de proximité avec leurs équipes en permanence autour d’eux doivent composer avec un management plus éloigné et de la communication digitale. Ils peuvent donc être un peu perdus dans la façon d’organiser les réunions et les échanges.
Le flex office ne s’improvise pas du jour au lendemain, avant tout pour des questions managériales. Et cela implique le plus souvent d’aménager les espaces, de décloisonner certaines pièces, de créer plus de salles de réunions dans des formats plus petits… La cafétéria devient un espace central, un mieu de vie, donc c’est quelque chose qu’on réfléchit quasiment immédiatement quand on travaille sur de nouveaux bureaux. Aussi, le mobilier est forcément impacté : on a des bureaux moins grands par exemple, mais on embarque plus d’écrans et de matériel connecté pour faciliter les installations lors des jours de présence.
Quels sont les apports du flex office pour les salariés, mais aussi pour l’entreprise ?
Le premier bénéfice c’est le réengagement des collaborateurs, l’image qu’ils ont de leur entreprise qui prend en compte leur télétravail et les nouvelles dynamiques de la vie au bureau. Cela répond aux besoins de rétention et d’attraction des talents. Cela apporte aussi plus de fluidité dans la communication, grâce à l’importance des lieux de réunions et d’échanges. Avec le télétravail, on a perdu cela, le hasard créatif, les échanges spontanés. Les réaménagements en flex office doivent recréer tout ça d’une certaine manière.
Le flex office a-t-il au contraire des désavantages ?
Le flex office peut faire peur. Pour les collaborateurs, cela peut laisser craindre une sorte d’open space bruyant où ils n’auront pas l’espace nécessaire. Il faut donc établir le flex office si les équipes y sont favorables, et l’adapter à leur manière de travailler et à la culture d’entreprise. Ce n’est pas une solution miracle mais un levier de flexibilité du travail qui doit être travaillée au cas par cas.
La réflexion poussée autour de l’aménagement des espaces de travail est donc désormais indispensable ?
Le télétravail, le flex office et le design des locaux ne sont pas apparus avec le Covid, mais la dynamique s’est accélérée. Il y a une prise de conscience des entreprises, quasi obligatoire, de la nécessité de revoir leur aménagement et la manière de travailler. Avoir un bureau individuel fermé alors que vous passez les 2/3 de votre temps en déplacement ou en réunion n’a pas de sens. Le Covid a été l’accélérateur de ces réorganisations.
* Source : Baromètre Parella mené en 2021, dédié aux nouveaux modes et espaces de travail.