Actualités

Le made in France pour une industrie plus verte

C’est très symboliquement dans les locaux de la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale que le Cercle des Entreprises Engagées a tenu sa première conférence de l’année, le 6 février dernier, et y a convié Arnaud Montebourg à s’exprimer sur le rôle du made in France dans l’accélération de la décarbonation de notre industrie.

Animée comme à l’accoutumée par François-Michel Lambert, ancien député, fondateur de l’institut national de l’économie circulaire, la première réunion du Cercle des Entreprises Engagées (CDEE) de cette nouvelle année était consacrée au rôle du made in France dans la décarbonation de l’industrie. Et c’est tout naturellement Arnaud Montebourg qui y a été invité à prendre la parole sur ce sujet. De fait l’ancien ministre de l’Economie et du Redressement productif au sein du gouvernement de François Hollande, aujourd’hui chef d’entreprise et fondateur des Equipes du Made in France, en est l’ambassadeur et l’ardent défenseur. Pour illustration, en 2018, il créait l’entreprise productrice de miel « Bleu Blanc Ruche », puis « la Compagnie des Amandes » en 2022, avant de lancer en 2023 un équipementier du nucléaire, Alfeor .

Sortir de la dépendance

Après avoir rappelé les raisons de son choix de passer de l’action publique, « grande, mais compliquée », à l’engagement entrepreneurial, action de terrain « plus efficace », l’ancien ministre a pointé la situation de dépendance de la France à l’égard de ses créanciers. A l’appui, il a brandi les chiffres de la balance commerciale et notamment le plus bas niveau historique atteint en 2022 (-162,7 Md€). Si le rapport 2024 sur le commerce extérieur de la France publié début février affiche un solde commercial en biens de -99,6 Md€ en 2023, marquant ainsi une amélioration, celle-ci est majoritairement portée par la baisse de la facture énergétique. Et selon l’analyse des économistes du CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales), « le déficit reste important, bien supérieur à celui affiché par nos voisins européens ».

« On a tout laisser partir à l’étranger, nous plaçant dans une dépendance totale et conduisant à une dégradation de notre économie », a regretté Arnaud Montebourg. Autre indice de cette situation critique, le taux d’emploi de la population en âge de travailler en France était de 68 % en 2022, contre 77 % en Allemagne, ce que l’ex-ministre attribue à une moindre activité dans l’Hexagone. « Pour remonter la pente, il faut en passer par la micro-économie et créer des entreprises, a-t-il exhorté le public présent. Les ministres passent, les patrons restent… »

Place à la créativité

Arnaud Montebourg en appelle à une « mobilisation nationale » : « Pour contrecarrer la dépression collective, les Français doivent prendre en mains leur propre destin ». Décarboner l’industrie suppose, selon lui, une révolution industrielle se traduisant par une croissance verte et une décroissance brune. Cela nécessite l’intervention de l’Etat, des choix politiques, car appauvris, les gens sont actuellement dans l’impossibilité de changer de voiture, de chaudière… « La décarbonation est incompatible avec les règles budgétaires européennes, estime Arnaud Montebourg, mais la France est un pays de créateurs et on aurait tort de mépriser les ressources humaines dont elle dispose. »

Et de citer le projet de ferromobile porté par la Société d’Ingénierie, de Construction et d’Exploitation de la Ferromobile (SICEF) dont il est président. Cette automobile rail-route, électrique, autonome et partagée entend « répondre aux problématiques des fermetures des lignes de desserte qui entrainent l’enclavement des territoires et l’isolement de nos campagnes Elle offre la possibilité de reconnecter les territoires via un service de mobilité flexible et décarboné, accessible par tous et économique. Elle a en outre le mérite de réutiliser des infrastructures ferroviaires abandonnées ou fermées en limitant les coûts de remise en état et maintenance. » La Ferromobile bénéficie notamment d’un système de freinage sur 30 m soit 20 fois moins long qu’un train à même vitesse, a argumenté l’orateur convaincu.

Soutenu par de nombreux acteurs (Akkodis, filiale de Adecco, Les Équipes du Made in France, Alstom, SYSTRA, filiale de la SNCF et RATP, La Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée, Stellantis, Entropy, ou encore l’université Gustave Eiffel), le projet de ferromobile a obtenu du Plan de Relance gouvernemental, après instruction de l’ADEME, un soutien de 10M€.

Protéger le marché vert

« La Chine et les USA sont ultra protectionnistes, a également souligné Arnaud Montebourg, et l’Europe serait bien inspirée de faire de même : la France, en particulier, est vertueuse sur le plan écologique, mais il faut protéger le marché vert, autrement dit pratiquer un protectionnisme écologique, sans quoi nous risquons de faire les frais d’une forme de concurrence déloyale notamment de la part des Chinois. Evitons un suicide politique des Européens », a-t-il mis en garde. L’ex-ministre estime qu’il faudrait entre autres augmenter le prix de l’alimentation, qui rémunère le travail de la terre, et baisser celui du logement.

Enfin, interrogé sur le rôle des normes, il a dénoncé une saturation de celles-ci, les comparant au « lierre autour du tronc », à élaguer.

Ajouter un commentaire

Votre adresse IP ne sera pas collectée Vous pouvez renseigner votre prénom ou votre pseudo si vous êtes un humain. (Votre commentaire sera soumis à une modération)