Management

Le management agile rend -il les salariés plus heureux ?

 

Privilégier le bien-être au travail pour une meilleure efficacité des collaborateurs est devenu l’un des principaux objectifs des entreprises aujourd’hui. Elles sont de plus en plus nombreuses à miser sur les méthodes issues du management agile. Échanges entre Aurore Haas, professeur en stratégie et en gestion de management à la Skema Business School, et François Dupuy, sociologue des organisations.

 

Quand on on parle de “management agile” aujourd’hui, qu’entend-on exactement ?

Aurore Haas : On se réfère souvent à un type de management d’équipe où l’on va s’assurer qu’elles sont responsabilisées. Ce phénomène est très à la mode aujourd’hui, mais n’est pas nouveau. Dans l’industrie automobile, par exemple, dans les années 1970-1980, on réfléchissait déjà à créer des équipes autonomes, réactives et qui s’auto-géraient. Aujourd’hui, c’est mis davantage en avant tout simplement parce qu’il y a une pression au niveau de la temporalité des entreprises : on s’attend à ce qu’elles répondent rapidement aux demandes des clients notamment.
 
François Dupuy : Effectivement, il y a une dimension qui n’est jamais assez rappelée lorsque l’on parle du management agile c’est que ce sont des notions du management que l’on retrouve de façon récurrente à travers les âges. Par exemple, la coopération et le bonheur au travail sont deux aspects cruciaux du management agile. Nous retrouvons ces idées chez des auteurs du XIXe siècle, puis de manière fréquente ensuite.

 

Comment expliquer l’essor du management agile aujourd’hui ? Est-ce dû à la multiplication des start-ups qui se veulent libérées ?

F.D : Il faut avoir en tête que les start-ups se veulent libérées uniquement dans la phase où elles démarrent. Toutes les études ont montré que dès qu’elles se développent un peu, elle se bureaucratisent comme le reste des entreprises. Cela a une explication : depuis vingt ans, le management s’est essentiellement développé autour de la coercition. Même si les entreprises ont horreur de ce terme. Concrètement, cela signifie qu’elles mettent en place des outils, avec la multiplication des process, des indicateurs de performance etc., qui permettent la mise sous contrôle des salariés, cadres compris. Or, les entreprises constatent que ce système provoque les effets inverses à ceux qui étaient souhaités au départ. Il est donc tout à fait normal, qu’aujourd’hui, les entreprises recherchent des méthodes alternatives qui vont effectivement débarrasser les salariés de ces contraintes.
 
A.H : L’essor du management agile part effectivement d’un constat d’échec de la part des entreprises. Mais aussi parce qu’en parallèle, de nouvelles formes de management ont émergé. Vu d’Europe, les succès des entreprises de la Sillicon Valley, ont amené les entreprises françaises à s’interroger sur la réussite de ces acteurs (Google, Amazon, E-bay…) mais également pourquoi, en France, on n’y parvenait pas. L’une des réponses apportées a été de dire, outre l’écosystème de la Sillicon Valley, qu’il y avait des modes de management sur lesquels on pouvait s’appuyer dans nos entreprises.

 

Instaurer du management agile est-ce forcément un gage de bonheur et de bien-être pour les salariés ?

A.H : La question qu’il faut se poser c’est “qu’est-ce qui créé le bien-être ou le bonheur au travail” ? C’est le fait de travailler sur des sujets qui vous intéressent avec des gens que vous aimez. Quand l’entreprise arrive à mettre en place ce type d’équation, alors oui, le management agile peut fonctionner et apporter un mieux-être. On se rend compte que l’un des facteurs qui va à l’encontre du bien-être au travail reste la proximité d’un manager et qu’en laissant plus d’autonomie aux équipes, plus de pouvoir de décisions, effectivement on va dans le sens d’un mieux-être. Puis, je pense sincèrement que les entreprises ont intérêt à promouvoir le collectif, de façon plus poussée. Car depuis quelques années, on est beaucoup plus sur l’épanouissement individuel. Finalement, on a pris conscience que pour que les salariés se sentent bien sur leur lieu de travail, il faut qu’il y ait ce tissu relationnel. C’est ce qui fera qu’ils seront heureux au travail.
 
F.D : Il ne faut pas oublier une dimension, qui est celle de l’efficacité. La recherche des entreprises aujourd’hui, et c’est normal, c’est de trouver des modes de fonctionnement qui accroissent l’efficacité. Aujourd’hui on est dans une phase qui montre que l’engagement des salariés – c’est à dire mettre dans son travail plus d’énergie, de temps que ce qui est écrit sur son contrat – est en phase de décroissance. Il est donc naturel que les entreprises fassent le lien entre amélioration de la performance et des salariés mieux engagés. C’est, à mon sens, une question plus cruciale que celle du bonheur. Parce que l’entreprise n’a pas forcément vocation à être le lieu du bonheur. Quelque part, en essayant de créer du bonheur en entreprise, vous mettez le travail au même niveau que votre vie personnelle et vous dévalorisez cette notion. Quand on regarde les millenials, ils n’intègrent pas une entreprise pour trouver le bonheur mais pour les ressources qui leur permettront de vivre.
 

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