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Le Test and Learn : une règle d’or qui bouscule notre besoin de performance

Retour d’expérience – “If you’re not embarrassed by the first version of your product, you’ve launched too late.” (Reid Hoffman, fondateur de LinkedIn). Se lancer sans se sentir encore prêt serait une règle d’or qui vient heurter, bien souvent, notre désir de perfection. Mais aussi notre peur du regard de l’autre, notre crainte de l’erreur… et plus encore notre redoutable phobie de l’échec. Dans ce contexte, la méthode du “Test and Learn” est un moyen de passer à l’action, de lutter contre l’immobilisme. Voici quelques pistes pour lever nos blocages. Par Jérôme Adam, Conférencier-Entrepreneur.

 

Éviter la recherche du mouton à 5 pattes

“La méthode de gestion de projet dite de ‘Test And Learn’ consiste à mettre en place des projets sous-jacents au projet global, les chantiers, et de mesurer rapidement leurs efficacités afin d’évaluer la pertinence du projet. Chaque retour d’expérience, feedback, établi à un rythme régulier et relativement court permet de corriger les points faibles et de déterminer des actions à mener pour optimiser le chantier.” (Wikipedia)

Je m’y suis risqué lors du lancement de ma nouvelle conférence “Libérer son pouvoir de décision” au sein d’une société au cœur de l’innovation : U Change. Dès le début, quand j’ai proposé cette première conférence, je savais que je ne serai pas totalement prêt, que tout ne serait pas parfait. Mais je voulais me lancer sans trop attendre, je voulais tester certaines parties, certains enchaînements. J’envisageais cette première comme un test pour recueillir les impressions et les avis des participants. Pas comme un show dont je sortirais forcément sous les applaudissements.

Depuis ma 1ère entreprise où j’avais connu des ingénieurs enclins à repousser la sortie de nos produits en raison d’un effet de bord redouté ou d’une imperfection quelconque, j’ai compris qu’à force de rechercher le produit parfait, on finit par trop attendre au risque de rester bloqué. Une observation nullement incompatible avec le souci d’exigence.

 

Sortir de sa zone de confort via un panel critique et constructif

Étape 1 du Test and Learn : “Dans un premier temps les chantiers sont souvent déployés à une échelle réduite (échantillon représentatif…) afin de détecter rapidement les problèmes à rectifier.”   

Pour tester son projet et ses idées, il faut bien sûr choisir des personnes dans lesquelles on peut placer sa confiance. Mais placer sa confiance n’impose pas de choisir des personnes qui nous ressemblent. Ni d’aller sur des terrains où nous sommes sûrs de réussir, de plaire, de recueillir l’assentiment.

Dans le cas de ma conférence, je me suis adressé à des chefs d’entreprise, des entrepreneurs, des managers, artistes, personnes engagées. Un panel d’une vingtaine de personnes, un mix entre celles  qui me connaissaient à titre professionnel ou personnel, et celles qui ne m’avaient croisé qu’une ou deux fois. Il m’avait semblé intéressant de voir comment ces personnes accueilleraient des thématiques sur lesquelles je n’étais pas identifié et de sentir comment leur perception serait biaisée ou non en fonction de ce qu’elles connaissaient de moi.

 

Envisager la critique et l’erreur comme un moyen d’avancer

Étape 2 : “Ensuite interviennent plusieurs phases de correction par mode de Feedback.”

Se prêter au jeu des critiques peut être déstabilisant, c’est vrai. L’exercice invite à l’humilité et à ne jamais oublier que les remarques reçues concernent avant tout une idée, un projet. Il faut éviter à tout prix de prendre à titre personnel les retours, les corrections suggérées. Se tromper ou à tout le moins ajuster le tir doit avant tout être perçu comme le moyen d’avancer.

Dès la fin de la conférence, j’ai demandé des réactions à chaud. La nuit qui a suivi a été difficile, j’ai eu du mal à dormir. Mais avec un peu de recul et de nouveaux commentaires reçus par écrit, j’ai mieux mesuré ce qui fonctionnait et ce qui devait être amélioré.

 

Ajuster tout en faisant preuve de discernement

Dernière étape : “Une fois les tests concluants le projet pourra être déployé complètement.”

La difficulté est de réussir à faire le tri parmi tous les retours obtenus. Comment ne pas se noyer ? Pour cela, je m’impose trois règles :

  • Se nourrir de la parole des autres et de leurs remarques tout en conservant sa capacité de choix. Dans le cas de ma conférence, il m’appartient de décider ce que je veux aborder ou pas, de savoir ce qui me correspond… On me suggère «“plus d’émotion”, je dis “OK sans aller dans le pathos”.
  • Écouter toutes les idées et ne conserver que celles qui sont utiles. Forcément, chacun a son avis, sa façon d’envisager les choses… Mais certaines idées sont inévitablement hors sujet. Cela ne signifie pas qu’elles sont inintéressantes ou mauvaises, juste qu’elles ne correspondent pas au projet visé. Projet dont je serai le premier responsable quant à sa clarté, sa présentation, sa pertinence, sa cohérence…
  • Être ouvert à tous sans jamais perdre de vue l’objectif à atteindre. Quels sont les retours qui servent les buts que je poursuis ? Pour ma conférence, un objectif était de rompre avec certaines images qui me collaient à la peau, alors forcément le déroulé proposé a pu surprendre ceux qui me connaissaient sous un certain angle.

Au final, cette 1ère conférence sous forme de test m’a permis de voir à quels moments ajouter de l’interactivité, quels exemples conserver… Me voilà prêt à me jeter dans le grand bain.

 

L’auteur

Jerome_Adam-Courrier-Cadres2Jérôme Adam décide, à 23 ans, de créer sa première entreprise (Visual Friendly -15 salariés), puis 5 ans après sa 2ème (Easylife conseil). En 2010, avec Guillaume Buffet il lance sa 3ème société : JCPMY. Une entreprise de production audiovisuelle qui aborde avec humour la diversité et le vivre ensemble dans une web-série qui sera diffusée au sein d’un grand nombre d’entreprises, sur W9 et vue plus de 2 millions de fois sur le Net.

Jérôme Adam a également créé à Sciences-Po avec Xavier Monmarché, l’enseignement “être entrepreneur aujourd’hui”. En 2014, il devient trésorier du Think tank Renaissance Numérique regroupant les principaux universitaires et dirigeants de l’internet français pour réfléchir sur la transformation de la société à l’ère du numérique. Administrateur de plusieurs associations et co-auteur avec Patrick Blanchet du livre “Entreprendre avec sa différence”, il est aujourd’hui Conférencier professionnel.

 

Le “Test and Learn” : une question de culture ?

Si la démarche “Test and Learn” peut sembler exigeante, elle est pourtant prisée chez les start-up et les organisations agiles. Guillaume Buffet, président de U Change, y voit un lien avec l’ouverture de ces organisations au numérique :

“La génération numérique ne peut pas imaginer lancer un service ‘qui marche du premier coup’. Se confronter à la critique, au bug, voire à l’échec fait partie intégrante de son mode de fonctionnement. Avec le succès que l’on connait. Sur la puissance et l’efficacité des modèles. Sur la capacité à rebondir, sur l’agilité. Sur l’envie de faire mieux tous les jours surtout. Des leçons à en tirer pour les générations précédentes ! Pour beaucoup de dirigeants actuels chez qui le mot même d’échec ou d’erreur est considéré encore aujourd’hui comme la pire des obscénités – et je pèse mes mots. Avec pour premier corolaire, la novlangue qui a gangréné beaucoup de grandes organisations. Un vrai monde de Bisounours dans lequel tout n’est que succès et victoires… Mais quand on creuse un peu… Et pour second corolaire la peur viscérale de l’expérimentation non maîtrisée, source d’immobilisme. Une ligne de code qui ne ‘bug’ pas au premier essai, c’est rare, très rare. Tous les développeurs le savent. Pas étonnant que cette génération numérique apprenne beaucoup mieux que les autres à se confronter à la difficulté, à l’erreur, à l’échec.”

 

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