Ce mercredi 8 février se tient le Maddy Keynote 2023, le festival d’innovation et de prospective de Maddyness, média des start-up et entrepreneurs. Lors de la conférence sur les dirigeantes, Elodie Andriot, autrice du livre « Patronnes », paru fin 2022 chez Albin Michel, a interrogé Stéphane Pallez, présidente directrice générale de la Française des Jeux-FDJ sur le manque de femmes à la tête des entreprises : 3 pour l’ensemble du CAC 40, 18 pour les 120 plus grandes sociétés françaises et 14 pour le même nombre de start-up de la French Tech 120. Extraits des échanges entre deux leadeuses d’opinion.
Vous avez un prénom mixte : est-ce que c’est une opportunité ou un challenge ?
Mon prénom épicène, c’est-à-dire qui est employé au féminin comme au masculin, a constitué une opportunité pour moi car cela a joué en ma faveur et m’a éduquée au sujet des représentations, au fait que les gens s’attendent à ce que je sois un homme car occupant un poste de pouvoir. Aujourd’hui encore, cela me permet de faire un tri rapide des messages que je reçois : je peux effacer d’emblée ceux où l’on m’appelle monsieur en prétendant bien me connaître ! Quand j’ai été nommée à la tête de la Caisse centrale de réassurance, c’était en tant que président et j’ai féminisé mon titre. Comme il y a peu de femmes PDG, il faut absolument dire présidente directrice générale pour faire savoir qu’il existe des dirigeantes !
L’antichambre du pouvoir, est-ce le fait d’avoir la mainmise sur la caisse ?
L’argent fait partie du pouvoir et, historiquement, les directions financières sont dévolues aux hommes. En effet, ce sont des métiers de pouvoir et d’exposition qui permettent de discuter avec les marchés ou les investisseurs et de progresser ensuite aux niveaux hiérarchiques supérieurs. Il est donc essentiel que des femmes occupent aussi ces fonctions. Il est traditionnellement plus fréquent de les trouver à la tête des directions de la communication ou des ressources humaines, places très importantes en entreprise. Mais je pense qu’il faut éviter de genrer les postes.
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Que pensez-vous du fait que, si près d’un quart des start-up de la tech sont fondées par une femme, elles représentent seulement 12 % des fonds levés chaque année ?
Beaucoup de femmes se lancent dans l’entrepreneuriat mais peu arrivent à faire financer leur projet, en raison de la manière dont elles sont accueillies par les fonds d’investissement. Une question classique qu’on leur pose c’est « qu’en pense votre mari ? »… C’est insupportable et invraisemblable !
Je fais partie du collectif Sista qui a pour but de faire émerger des leaders diversifiés. Nous publions chaque année des chiffres pour mesurer et donner des objectifs afin de corriger la situation. Nous avons aussi rédigé, en 2019, une charte contre les inégalités que nous faisons signer à des fonds d’investissement car il faut absolument qu’ils accueillent plus de femmes dans leurs équipes afin qu’il y ait un vrai changement.
Concernant les conseils d’administration, j’ai souvent entendu des patrons me dire qu’ils aimeraient bien y intégrer plus de femmes mais qu’ils n’en trouvent pas. En les obligeant, je peux vous assurer qu’ils en trouvent ! Le vivier de femmes talentueuses est immense.
Les femmes sont une majorité traitée comme une minorité et l’égalité des chances est votre bataille. Comment cela se manifeste-t-il ?
Etre une femme donne une sensibilité plus globale par rapport à l’égalité des chances. À la FDJ, nous avons créé une fondation en ce sens, pour soutenir les projets d’insertion sociale. Et, parmi nos collaborateurs, il existe des mentors auprès de jeunes, afin de leur montrer qu’il n’y a pas de barrières pour accéder à certains postes. Mais la problématique de la diversité dépasse largement l’entreprise…