Management

Le vrai visage de l’innovation RH

Le monde des RH ne déroge pas à la règle. Partout, son ubérisation est annoncée (voire dénoncée) : big data, recrutement prédictif, générations Y ou Z… autant de mots magiques qui cachent une réalité souvent peu aboutie mais parfois des innovations bien réelles (et bien plus discrètes). Par Emmanuel Stanislas, fondateur de Clémentine, cabinet de recrutement spécialiste du digital et de l’IT.

Il est loin le temps du recrutement à l’ancienne où, pour trouver un job, le candidat épluchait les offres d’emploi de son journal favori, le recruteur compulsait des centaines de pages d’annuaires d’anciens pour trouver la perle rare. Au cours des vingt dernières années, le monde du recrutement a ainsi connu 3 ruptures marquantes.

 

Le recrutement 1.0

L’émergence massive de l’Internet et de jobboards comme Monster, Cadremploi ou Keljob, a permis d’accélérer et de fluidifier le marché, de mettre à disposition une technologie et des outils donnant un accès facilité et gratuit aux candidats ; accéléré, pertinent et… payant aux seuls recruteurs.

 

Le recrutement 2.0

Au milieu des années 2000 apparaissent les réseaux sociaux professionnels (RSP), Viadeo en France, LinkedIn aux USA. Ceux-ci vont participer grandement à la révolution des médias sociaux. Une révolution qui n’est en réalité qu’un retour à l’essence même du web : une vaste agora où chacun est libre de s’exprimer, de produire du contenu, d’échanger, surtout de se mettre en scène et d’assurer son marketing personnalisé : la fameuse e-reputation était née.
La rupture est brutale et les RSP bougent les lignes en apportant une transparence inconnue jusqu’alors. Une transparence impliquant une redéfinition du rapport de force entre le recruteur et le candidat, ce dernier disposant désormais des mêmes outils pour identifier celui qui l’approche et pourrait devenir son manager, ou celui qu’il s’apprête à remplacer ! Une transparence qui met enfin à jour un “marché caché”, celui des professionnels en poste ET à l’écoute. On imagine bien l’impact d’un tel phénomène sur les métiers des ressources humaines !

 

Le recrutement mobile

Né il y a peu, ce marché n’en est encore qu’à ses balbutiements. Néanmoins, on entrevoit aisément ce qu’il induit en s’appuyant sur le triptyque “Permanence/Continuité/Pertinence” :
– le mobinaute reste joignable
– ce canal est intégré en parallèle à tous les autres
– grâce à la localisation

Ces ruptures successives ont profondément changé le monde des RH et particulièrement celui du recrutement, en sortant ce dernier de son schéma classique, de sa “Sainte Trinité” : CV, parcours académique, réseau personnel.  Désormais, tout recruteur qui se respecte a tout loisir de s’appuyer sur des outils lui permettant de se forger une opinion beaucoup plus précise, fidèle et approfondie du candidat, de faire un choix basé sur des critères plus nombreux et pertinents.

Loin d’effacer ou d’appauvrir son rôle, ces ruptures ont bien au contraire permis au recruteur de renforcer sa place en se consacrant à ce qui fait sa valeur ajoutée : l’identification et le recrutement des talents.

Mais ces ruptures ne sont-elles que les signes avant-coureurs d’une prochaine révolution, ubérisation des ressources humaines ? S’il est vrai que les concepts d’ubérisation ou encore de génération Y provoquent chez certains – dont je fais partie – une réaction agacée, il n’en demeure pas moins que certains changements engendrés sont incontestables.
Ultra connectée, baignée dans le web depuis sa naissance, la génération Y a provoqué de par ses caractéristiques et ses aspirations, un rapport inédit au travail et à l’entreprise. De ces changements sont nés toute une série de produits et services RH innovants : l’intégration de la vidéo dans les processus de recrutement (EasyRecrue/Sonru/Visio4People), la prise en compte du canal mobile chez les principaux ATS (Applicant Tracking System). Des entreprises utilisatrices qui se doivent aussi d’entendre les aspirations long terme de leurs collaborateurs en proposant à chacun les moyens ad’hoc pour se former en continu, et développer par la même occasion, leur employabilité.

 

Exit le modèle classique

Last but not least, l’innovation RH peut aussi se glisser, plus simplement, dans des initiatives un peu plus underground comme l’organisation d’#HRackathon pendant lequel des équipes d’étudiants, de développeurs et de salariés s’affrontent pour développer une application mobile capable de changer la relation entre recruteurs et candidats.
Mais quid de l’ubérisation ? Peut-être viendra-t-elle du recrutement prédictif, c’est-à-dire d’algorithmes capables de brasser de grandes quantités de données et d’en déduire des profils adaptés, idéaux sur la base de critères de sélection nouveaux. Graal ou Arlésienne ? L’avenir nous le dira.

Pendant ce temps, le monde des RH et du recrutement, lui, continue d’avancer. Et l’innovation se situe parfois là où on ne l’attend pas. C’est en tous cas l’opinion d’experts des organisations pour lesquels le changement vient plus d’une nouvelle façon d’appréhender l’entreprise. L’entreprise libérée, l’Holacracy, … : des mouvements qui revendiquent une meilleure prise en compte des compétences, des potentiels et des envies de collaborateurs responsables, libérés d’un modèle d’organisation hiérarchique classique (et souvent défaillant).
Cela étant dit, même dans cet environnement en mouvement, le recruteur reste maître du jeu. Il reste seul capable de vraiment identifier les talents et potentiels cachés. Difficile en effet de reproduire la perception humaine avec une suite de 0 et de 1… Néanmoins, son métier change et doit évoluer. Fini le confort des spécialités et des enclaves.
Car l’innovation RH en 2016, c’est avant tout savoir :
– valoriser la pluridisciplinarité dans l’entreprise
– encourager les démarches multigénérationnelles
– comprendre que l’enjeu du recrutement des talents ne se situe plus seulement à l’intérieur d’un territoire identifié mais désormais à une échelle planétaire
– créer un environnement favorable à l’innovation encourageant la prise de risque, l’émergence de l’itératif collectif au détriment du modèle du visionnaire.

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