C’est sur le thème de l’intelligence artificielle et ses apports aux métiers du chiffre et du droit que François-Michel Lambert, ancien député, fondateur de l’institut national de l’économie circulaire, a invité ses invités à débattre lors de la conférence du Cercle des Entreprises Engagées (CDEE) du 18 juin dernier à la Maison de l’Industrie à Paris.
Le Groupe Revue Fiduciaire (GRF), éditeur juridique, travaille depuis déjà 2020 à son projet d’IA générative AlterEgo, assistant juridique capable de répondre aux questions des professionnels.
En guise de préambule, Yves de La Villeguérin, président de GRF, a partagé sa vision de l’IA en laquelle il voit avant tout une aide à la décision. Le dirigeant se dit très optimiste quant aux apports de l’IA, car si elle a certes un impact croissant en termes d’empreinte carbone, elle va contribuer, selon lui, à régler une grande partie des problèmes de viabilité de notre planète, notamment parce qu’elle rend possible l’analyse de nombreuses données.
AlterEgo, une IA juridique sourcée
En tant qu’éditeur juridique, GRF oeuvre à la structuration de données de manière à apporter des résultats concrets par métiers.
« Avec AlterEgo, on apporte des réponses non seulement hyper fiables, ce qui est primordial dans le domaine juridique, mais aussi personnalisées, aux gestionnaires de la paye, aux directions des ressources humaines, aux directeurs financiers, bêtatesteurs de cette solution, a poursuivi Yves de La Villeguérin. La fiabilité d’AlterEgo repose sur une base de données vérifiées, constamment mises à jour, et sur des réponses sourcées. »
L’IA a la faculté de lier des éléments, a enchainé Pierre-Alain Raphan, auteur de la thèse « IA et démocratie ». Elle ne date pas d’hier, puisqu’elle faisait l’objet d’un premier papier scientifique dès 1943 avec la machine de Turing qui simule les réseaux de neurones. Depuis, on a assisté à deux grandes révolutions : il y a eu tout d’abord la puissance informatique, avec l’apparition, il y a 70 ans, de l’ordinateur, capable de traiter une opération à la seconde. Puis est venu le temps de la profusion de données avec 80 Mds d’objets connectés actuellement en circulation.
Attention à ce qu’on développe et autorise
« Selon l’université de Stanford, un « like » sur les réseaux sociaux permettrait à un algorithme de mieux nous connaitre que nos collègues. Nos goûts, préférences, comportements sexuels, politiques, tout est tracé sur le net », a poursuivi l’expert.
Sans compter les tendances transhumanistes : « Elon Musk a par exemple pour projet d’implanter des puces Neuralink dans le cerveau humain afin qu’il puisse communiquer directement avec un ordinateur. En Chine, il existe un contrôle de la population avec des crédits de points sur le visage, le fameux scoring… »
Avec des questions à la clé : il y a tout d’abord un impact écologique avec déjà 4% d’émission de gaz à effet de serre, un impact social sur l’emploi, y compris en termes de compétences : « le savoir numérique dure deux ans aujourd’hui. »
Un impact également politique : « plus on connait les personnes, plus on peut les manipuler. »
Tout cela implique une attention collective sur ce qu’on développe et autorise, a-t-il conclu.
L’IA en campagne
Juliette de Causans, spécialiste des réseaux sociaux et candidate Europe Egalité Ecologie a pris la parole à son tour pour témoigner de son usage de l’IA au service de sa campagne électorale.
Déplorant un temps de parole quasi-nul, elle étudie d’abord avec attention le code électoral afin que l’usage qu’elle compte faire de l’IA n’y contrevienne pas.
Le texte interdit l’utilisation de l’identité d’un autre. Il ne faut pas non plus porter atteinte aux bonnes mœurs, ni être injurieux à l’égard de ses concurrents, « ce qui est en revanche permis aux USA », souligne-t-elle au passage. En revanche, on a le droit de se caricaturer soi-même.
Ainsi au fait des limites à ne pas dépasser, lors des européennes de 2024, elle utilise une photo d’elle modifiée pour un coût de 40 euros. L’affiche fait scandale. Elle y figure de profil, avec une poitrine de taille « exagérée », vêtue d’un pull moulant, tête tournée vers la droite, « pour symboliser l’avenir », sourire aux lèvres, « signe qu’elle a quelque chose à proposer », vêtue de rouge afin de suggérer la séduction. Juliette de Causans qui se définit comme une personne d’un naturel réservé, juriste de métier, se félicite d’avoir eu le courage de faire cet usage de l’IA qui pose la question de la technologie au service de l’humain, et en l’occurrence de l’écologie.
Un bêtatesteur convaincu
Avocat spécialiste du RGPD (règlement général de protection des données), Romain Mirabile, boucle ce tour de table en évoquant une réglementation qui évolue avec un train de retard tant la technologie avance rapidement.
L’IA Act européen interdit notamment le scoring des personnes. La CNIL est quant à elle vigilante quant au respect de la non-diffusion de données personnelles dans le domaine public.
L’IA interroge la responsabilité professionnelle et la nécessité de vérifier les résultats obtenus par le biais de l’IA qui, de fait, peut produire des hallucinations comme, par exemple, de fausses jurisprudences.
Bêtatesteur d’AlterEgo, Romain Mirabile juge la Revue fiduciaire « très intelligente dans l’utilisation de l’IA » car d’une part, AlterEgo repose sur une base de données constituée du fonds documentaire de GRF, ce qui évite hallucinations et erreurs. D’autre part, le dispositif sectorise par univers, par métier : « les éléments de contexte du prompt initial sont plus précis sans qu’on les voie, note-t-il. Enfin, les sources (articles de loi…) sont précisées, ce qui permet de gagner du temps aux utilisateurs qui souhaitent les vérifier.