Avec la transformation numérique des entreprises, les entretiens annuels auraient peut-être tendance à être ringardisés. Différentes écoles s’affrontent sur ce sujet. Pourtant, ils sont encore souvent attendus avec anxiété par les salariés.
Dans un environnement professionnel qui va de plus en vite, qui fonctionne souvent en mode projet, voire agile, certains DRH auraient tendance à multiplier les moments de rencontre permettant d’améliorer l’évaluation de la performance. Adieu donc l’entretien unique ? “Certaines entreprises de divers secteurs (Mazars, Aéroport de Paris, Google) abandonnent ce sacrosaint entretien annuel, au motif que s’il n’est effectué qu’une fois dans l’année, il est jugé inefficace et inadapté. Je considère pour ma part que le format est dépassé”, lâche Thierry Jouzier, directeur des ressources humaines chez Sixt. Et ce dernier de poursuivre : “Nous avons mis en place, depuis quelque temps déjà, des rendez-vous managériaux réguliers tout au long de l’année avec les équipes ainsi que des entretiens trimestriels dont les sujets d’échange varient à chaque fois.”
C’est une constante chez les DRH interrogés. La majorité estime que d’autres formes d’entretiens, plus informels, doivent permettre, tout au long de l’année, de préparer le grand oral. “La pratique du feedback au fil de l’eau est devenue indispensable car on ne peut pas attendre un an pour dire à un collaborateur qu’on est satisfait de son travail ou qu’on attend des améliorations”, explique Rabia Lamsouber.
Et la responsable de la stratégie et de la transformation RH pour BNP Paribas d’ajouter : “Ces feedbacks au fil de l’eau peuvent être rapides et informels. Il est tout à fait imaginable de les prodiguer à chaud à la sortie d’une réunion ou d’un atelier de travail, pendant un point d’équipe ou suite à un échange d’e-mails.” Même constat au sein du cabinet d’audit PwC. “On peut d’ailleurs s’interroger sur le rythme de ces échanges. Nous sommes, chez nous, en faveur d’entretiens plusieurs fois par an”, remarque Valérie Vezinhet, DRH chez PwC France et Afrique francophone.
Un outil pour augmenter l’engagement
On le voit si certains DRH remettent en cause la forme de l’entretien, le fond reste toujours plébiscité. L’enjeu de ces rendez-vous demeure aussi une priorité à bien verbaliser. “C’est en effet un levier concret et efficace pour augmenter l’engagement des collaborateurs à travers un échange transparent et constructif avec leurs managers”, remarque Rabia Lamsouber. L’entretien reste donc une source de mobilisation des salariés. Il ne faut donc pas s’enferrer dans les non-dits. “L’entretien annuel fait de plus en plus l’objet d’un 360° (évaluation multidimensionnelle), notamment dans les grands groupes. Il s’agit ainsi de mettre en miroir le bilan de l’intéressé, l’appréciation de sa hiérarchie et la perception de ses pairs et de ses équipes”, explique Pierre-Yves Grangier, directeur associé chez Page Executive.
Le meilleur moyen d’investir les cadres de haut niveau est de donner du sens à cet entretien annuel. Il n’est pas inutile de le rappeler. “Il faut que les cadres le voient comme un outil de gestion de carrière positif et constructif. C’est également un moment privilégié pour relayer une stratégie auprès de ces derniers. Mais à mon sens, la récompense financière devrait faire l’objet d’un autre entretien !”, note Jean-Baptiste Lebelle, DRH du cabinet Allen & Overy Paris.
Une préparation bien en amont
Pourtant, les cadres restent encore souvent anxieux à l’idée de passer sur le grill. Sans surprise, l’un des moyens d’éviter l’anxiété, reste la préparation bien en amont. “Il est important de fixer le rendez-vous suffisamment à l’avance pour que chacun puisse le préparer sereinement. La portée et la pertinence de l’entretien annuel dépend avant tout du temps de préparation et de l’engagement que chaque participant saura y consacrer”, remarque Pierre-Yves Grangier. Et le directeur associé chez Page Executive de poursuivre : “Il s’agit aussi de se montrer parfaitement disponible en réservant un créneau où personne ne saura se laisser déranger par des obligations ou urgences extérieures. Il est également très important de préparer tous les sujets de satisfaction pour ne pas entrer uniquement dans les axes d’amélioration. Il vaut mieux s’inscrire dans une continuité et ne pas adopter forcément une posture de rupture.” Ce dernier estime également qu’un entretien annuel bien préparé inclut un questionnaire adressé par l’intéressé à des pairs et collègues. Les feedbacks de ces tiers viennent enrichir ce rendez-vous et le rendre encore plus constructif.
Bien entendu, comme tout échange, le top management doit être investi. “La chose la plus importante est l’implication de la direction dans les entretiens pour que ce moment soit vécu comme une discussion privilégiée. En conséquence, le manager doit l’avoir suffisamment bien préparé en amont. Il doit se montrer à l’écoute durant l’entretien pour amorcer, en concertation avec le collaborateur, des actions pour le futur”, précise Jean-Baptiste Lebelle.