Parce qu’ils répondent aux besoins des professionnels comme à ceux des entreprises, en matière de flexibilité et d’apport pédagogique concret, les Moocs renforcent l’employabilité de ceux qui les pratiquent. Par Jean-Marc Tassetto, co-fondateur de Coorpacademy.
Les robots menacent-ils notre emploi ? La question pourrait paraître triviale si elle n’émanait d’un récent rapport de la très sérieuse Bank of America Merrill Lynch mettant en garde contre le développement de la robotique et de l’intelligence artificielle. 35 % des Britanniques pourraient ainsi perdre leur emploi. Un taux qui monterait jusqu’à 47 % aux États-Unis. Inquiétant voire carrément anxiogène pour toute personne qui évolue sur le marché de l’emploi.
Personal branding
Pourtant, au-delà du folklore des prévisions futuristes, ce constat surprenant nous renvoie à une question plus immédiate à laquelle nous sommes tous en permanence confrontés : alors que des métiers disparaissent et que d’autres émergent, les salariés comme les demandeurs d’emploi adoptent-ils la bonne stratégie pour développer leur attractivité sur le marché de l’emploi ? Une question majeure dans la perspective du développement d’une marque personnelle ou “personal branding”. De leur côté, les entreprises mettent-elles à disposition des salariés les solutions adaptées et les bons outils ?
La clé tiendrait en un mot, répété à tout va par les DRH, mais qui, dans un contexte de plus en plus mouvant et compétitif, laisse encore perplexe la plupart des salariés : employabilité. Pour un salarié, l’enjeu est celui d’un emploi mieux garanti, d’une reconnaissance accrue dans son poste et de possibilités d’évolution considérables. Pour une entreprise, il ne s’agit rien de moins que de se donner les moyens de se réinventer en continu, en gérant au mieux les talents qui constituent sa richesse première. Dans tous les cas, la solution doit être centrée sur l’apprenant et non sur les outils en eux-mêmes.
Mais en quoi l’employabilité consiste-t-elle réellement ?
Spontanément, les regards s’orientent vers les compétences techniques. Développer son employabilité reviendrait à poursuivre l’acquisition de connaissances parfois abordées furtivement le temps des études, parfois éludées, d’où la nécessité de rattraper ce qui s’apparenterait à un retard.
En raisonnant ainsi, on oublie pourtant l’essentiel. L’employabilité est avant tout affaire de comportement. L’université de Berkeley a récemment annoncé que les compétences comportementales contribueraient désormais pour 50 % de la note dans l’obtention de son MBA. Ce qui fait la vraie différence aujourd’hui entre deux individus présentant des profils similaires, à niveau de diplôme équivalent, c’est bien leur capacité à se démarquer en développant un comportement approprié et efficace en entreprise. Cela comprend, par exemple, la capacité à s’adapter, à accueillir un client, à se présenter, à convaincre, à résoudre les problèmes ou encore, à comprendre et maitriser les outils digitaux désormais essentiels dans notre vie professionnelle, bref, à évoluer dans une organisation en donnant le meilleur de soi-même. Savoir travailler en groupe ou en mode collaboratif est aussi un élément différentiateur très important : on parle aujourd’hui d’horizontalité.
Comme souvent, le terme anglais pour désigner ces compétences liées au comportement sonne mieux à l’oreille qu’en français. On parle de “soft skills”. Pourtant, qu’elles soient appelées “douces” ou “souples”, il faut bien comprendre que ces compétences méritent aujourd’hui toute notre attention, au risque de passer à côté de l’essentiel de ce qui est attendu par les recruteurs et les entreprises. Entendons-nous. Maîtriser un savoir technique est utile et apprécié en entreprise. Mais qui me dit que d’ici quelques années, ce savoir ne sera pas tout simplement devenu obsolète ? A contrario, les connaissances liées au comportement semblent quant à elles plus pérennes.
Et c’est là que les Moocs entrent en jeu
Car quoi de plus adapté qu’un Mooc, Cooc ou Spoc pour permettre l’acquisition des savoirs ? Quelle que soit la terminologie, les plate-formes de formation massive et collaborative en ligne de dernière génération apparaissent comme un moyen souple et puissant, porté par les nouvelles technologies. À une condition cependant. Qu’elles aient été élaborées par des professionnels et aient fait l’objet d’une véritable réflexion sur le fond comme sur la forme. Car dès qu’il s’agit de Moocs, autant l’avouer, cela recouvre des réalités très différentes. Et pour toute personne déjà contrainte par un agenda surchargé, la potion peut être parfois indigeste.
Les scientifiques de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne ont montré que la vidéo seule n’a que peu d’impact, surtout lorsqu’elle se contente de reprendre un cours que l’on devine déjà ennuyeux à sa conception. Sous couvert d’innovation technologique et de terminologie dans l’air du temps, on nous ressert parfois un contenu qui n’a pas fait l’effort de s’adapter. Or il est clair que la réussite du Mooc provient de sa capacité à s’adapter aux attentes des individus, à leur emploi du temps, à leur rythme d’apprentissage, en particulier dans le monde de l’entreprise. Un Mooc réussi remet l’apprenant au centre de sa formation et suscite sa curiosité comme son engagement. Plus une personne est active dans sa démarche d’acquisition des savoirs, plus elle en tire profit. On estime qu’un taux d’engagement des apprenants de 70 % témoigne du succès du Mooc.
Régénérer le rôle des DRH
Si le Mooc doit être considéré comme un outil privilégié de l’acquisition des savoirs et de l’employabilité, il ne peut donc faire l’économie d’une réflexion pédagogique de fond. Aujourd’hui, un Mooc qui fonctionne est collaboratif, gamifié, flexible et s’appuie sur la pédagogie inversée. Il doit être pensé en termes d’efficacité pour être à la hauteur de l’enjeu de la montée en compétences des salariés. La certification, quant à elle permet de garantir le sérieux de la démarche. Cette exigence se justifie d’autant plus que les progrès réalisés en la matière ces dernières années sont considérables.
Progressivement, les Moocs prennent leur place dans l’entreprise après avoir changé la donne dans l’enseignement supérieur ; outils de formation, ils offrent désormais des opportunités insoupçonnées au service de l’employabilité, sans pour autant remettre en cause l’utilité des formations présentielles. À condition de consentir un effort conséquent dans leur confection. De nombreuses entreprises l’ont d’ailleurs compris. Elles investissent d’ores et déjà dans le développement d’outils sophistiqués au service de la formation de leurs salariés. De quoi régénérer le rôle des DRH qui se retrouvent désormais à la manœuvre d’un nouvel outil majeur pour le développement des salariés comme de l’entreprise.