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Les RH face au télétravail à longue distance

En parallèle du travail hybride, se développe dans plusieurs secteurs et postes pénuriques, un télétravail à longue distance. La crise ayant poussé de nombreux “talents”, notamment cadres, à déménager, tout en télétravaillant. Alexandre Morel, Senior Analyst chez Cooptalis, qui a réalisé une étude sur le sujet, nous apporte son éclairage.

Selon votre enquête menée en avril-mai 2021, le télétravail longue distance est une vraie tendance…

Ce phénomène existait déjà avant la crise, mais dans un cadre exceptionnel. C’est la mise en place du télétravail forcé en 2020, combinée à la mise en œuvre du haut débit et de la 5G, et à la tension sur certains talents rares, qui tend à en faire une réelle option contractuelle. Sur les 513 DRH, cadres supérieurs et CEO interrogés par Cooptalis, 86 % ont reçu des demandes de télétravail longue distance au cours des derniers mois.

La crise a incité à la réflexion une partie des cadres, en quête d’un environnement plus agréable. En 2020, 59 % d’entre eux ont opté pour une autre région, par exemple le sud-ouest et la région Centre. Mais 41 % ont décidé d’aller plus loin, à l’international ; dans des pays frontaliers (Benelux, Suisse), mais aussi en Egypte, à Dubaï et en Amérique latine.

Au delà de ces mouvements, dont les objectifs sont très personnels, on constate que le télétravail depuis l’étranger ne semble plus aussi problématique qu’il ne l’était avant la crise. Tous ceux qui l’ont testé, après l’avoir demandé à titre exceptionnel, considèrent aujourd’hui que la situation s’est bien déroulée, et que le télétravail est le même, qu’il soit à 10 ou 1000 kilomètres du lieu de travail. Selon notre étude, nombre de ceux qui ont testé le télétravail longue distance ont réitéré leur demande pour l’après-Covid. Car ils y voient l’occasion d’avoir une vie nouvelle.

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Quels défis le télétravail longue distance pose-t-il pour les DRH ?

L’éloignement via le télétravail longue distance va devenir une pratique courante, que les DRH doivent apprendre à encadrer et utiliser au mieux dans leur stratégie. Les défis sont le rassemblement, l’incentive et la vérification de la qualité de l’environnement de travail. Le premier consiste à créer un esprit d’équipe, du lien, des temps forts (1 fois par mois, ou par trimestre ?), destinés à donner de l’énergie et de la motivation. Le second, c’est l’accompagnement du télétravailleur, de manière à lui permettre d’évoluer dans un bon environnement / de bonnes conditions de travail. Certaines entreprises regardent à peine si le salarié a ce qu’il lui faut, d’autres vont très loin dans le suivi du collaborateur. En les aidant dans leur déménagement, par exemple. Et la majorité (93,5 %) ne touchent pas non plus à leurs salaires. Car pour nombre d’entre elles, il s’agit avant tout de garder en leur sein des talents rares, qui pourraient trouver très facilement un autre emploi.

Selon notre étude, le format longue distance impose aussi d’accorder une plus grande confiance et une autonomie plus importante aux télétravailleurs concernés. Ainsi, 71 % des entreprises qui testent ce système n’imposent pas à leurs collaborateurs une présence sur site obligatoire. En effet, toutes les entreprises ne disposent pas de bureaux dans tous les pays permettant un rapprochement “simple” sièges et agences. Reste le besoin / la possibilité d’être présent au sein des équipes physiquement : le type de poste (cadre, manager, industrie) va souvent imposer un présentiel, là ou des rôles plus “opérationnels” ou “services” (développeurs, graphiques) peuvent se passer de tout présentiel.

Une grande partie des demandes accordées (58 %) ont une période déterminée, avec des périodes probatoires ; pour vérifier la pertinence du projet et l’efficacité du nouveau “rapport gagnant / gagnant”. Mais dans le temps et avec le succès, le nombre de période indéterminées devrait augmenter. Car le télétravail longue distance constitue un levier pour appuyer un recrutement. Pour les DRH,  le télétravail longue distance pourrait ainsi représenter un indéniable atout pour la marque employeur, et de nouveaux gisements de talents possibles.

Il existe actuellement un grand manque de talents sur des niveaux cadres dans de nombreux pays du monde, et la France commence à être concernée. On constate ainsi que la majorité des entreprises (74 %) donnent une réponse favorable aux demandes de télétravail longue distance, tout simplement parce qu’elles peuvent difficilement le refuser. La pression sur le marché de l’emploi, en particulier sur les postes hautement pénuriques pèsent, même si la distance est importante. De manière générale, les employeurs cherchent à trouver le compromis pour éviter la perte des talents. Tout est bon pour les garder. Leur proximité géographiques devient très secondaire face au risque de manquer de ressources critiques. Et les talents le savent.

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Quels postes ou quels secteurs sont concernés par ce phénomène ?

Ces profils sont “en position de force” face aux employeurs, qui ne représentent que 5 à 10 % des salariés souhaitant télétravailler, au total. Il s’agit en majorité de talents rares qui évoluent dans l’informatique, les services, les biotechnologies et la e-santé, des secteurs déjà confrontés à de grandes difficultés pour recruter avant la crise. Ce n’est pas le Covid-19 qui est au centre de cette tendance : c’est la crise des talents.

On retrouve pratiquement tous les métiers de l’informatique / IT. Mais aussi les radiologues, les médecins en téléconsultation, les consultants en stratégie, les analystes, les coach en management… Tous ceux qui peuvent se permettre une relation client dématérialisée et à distance, sans besoin de se rendre au bureau, sont concernés.

Finalement, une convergence s’opère avec le free-lancing : de nombreux cadres souhaitent devenir indépendants, également à longue distance. L’enjeu étant pour les entreprises de fidéliser les talents rares qu’elles souhaitent conserver en tant que salariés “exclusifs”.

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