Plus encore que le marché des véhicules particuliers, celui des utilitaires dépend de l’activité. Depuis 2017, il profite pleinement de la reprise mais reste encore frileux en ce qui concerne les motorisations vertes.
S’il fallait trouver un nouvel indicateur de la reprise économique française, les derniers chiffres des ventes d’utilitaires en constituent un sans équivoque. Après une très belle année 2017 (3,8 % de hausse des ventes), les immatriculations sont à nouveau à la hausse au premier trimestre de cette année : de janvier à mars, l’Observatoire des Véhicules d’Entreprises annonce 2,7 % de progression avec 86 582 véhicules utilitaires légers écoulés. Une bonne nouvelle qui fait suite à des années de disette : “On n’avait jamais vu ça depuis la crise de 2008”, affirme Guillaume Geneste, journaliste spécialisé. Le phénomène profite largement aux constructeurs hexagonaux qui dominent le marché.
Sur les dix premières ventes de 2017, huit étaient françaises avec les indéboulonnables Renault Kangoo et Master aux avant-postes. Les trois marques nationales monopolisent 75 % du total ! Cette belle santé coïncide avec une période de renouvellement des modèles : l’année dernière, les fourgonnettes Peugeot Expert et Citroën Jumpy ont été intégralement refondues. En 2018, c’est au tour du Partner et du Berlingo de muer et le Kangoo ne devrait pas tarder à suivre. Des événements d’autant plus notables que les cycles de produits sont beaucoup plus longs pour les utilitaires que pour les voitures particulières : ils durent entre 8 et 10 ans contre 5 à 10 ans pour ces dernières.
L’électrique encore timide
Comme toujours, les utilitaires suivent avec un peu de retard les évolutions technologiques des voitures particulières. Si leur équipement est toujours à la hausse avec l’arrivée d’aides à la conduite, il n’est pas encore question de conduite autonome. Même constat du côté des motorisations : on remarque certes une progression de l’essence mais le Diesel reste outrageusement dominant avec 94 % des immatriculations, toujours selon l’OVE. Quant aux modes de propulsion alternatifs, on note une absence totale d’offre hybride et une timidité certaine des ventes d’électriques, qui représentent 1,93 % du marché au premier trimestre. “Il y a un vrai problème de coût”, explique Guillaume Geneste.
“Les tarifs élevés des utilitaires électriques découragent beaucoup de vocations. Par exemple il faut compter 46 700 euros hors taxes pour le nouveau Renault Master Z.E. alors que la gamme thermique démarre à 24 900 euros ! Et encore, les professionnels doivent ajouter à ce prix le coût de location des batteries”. Un écart d’autant plus flagrant que les utilitaires ne sont pas concernés par le malus écologique. Autant dire que le bonus de 6 000 euros attribués aux électriques ne suffit pas à renverser la vapeur. L’autonomie reste un frein à l’achat. “Certes, certains usages de véhicules utilitaires, notamment les tournées, permettent de mieux anticiper les kilométrages et d’éviter la panne. Mais les progrès importants d’autonomie accomplis sur les véhicules particuliers n’ont été répercutés qu’avec retard : cela ne fait que quelques mois que des utilitaires vraiment performants en la matière sont disponibles”, conclut Guillaume Geneste.
Pour autant l’épée de Damoclès qui pèse sur les Diesel en ville pourrait changer la donne. La volonté de la maire de Paris, Anne Hidalgo, d’interdire ces motorisations dans la capitale à l’horizon 2024 encourage ainsi de nombreuses entreprises franciliennes à considérer l’électrique, d’autant que l’offre va considérablement s’étoffer à partir de cette année : Mercedes annonce le e-Vito, Nissan vient de présenter son e-NV200 doté d’une batterie de 40 kWh et Volkswagen proposera à partir de septembre son fourgon e-Crafter.
Une fiscalité toujours aussi avantageuse
Si le contexte fiscal de la voiture particulière en entreprise est particulièrement corsé, c’est tout l’inverse pour les utilitaires, considérés comme des outils de travail à part entière. En tant que tels, ils bénéficient de la récupération de TVA, de l’amortissement déductible du résultat sans plafond et sont exonérés de la TVS et du malus écologique, des mesures s’appliquant également aux locations longue durée. En ce qui concerne les dépenses de carburant, les règles sont également un peu plus favorables : la TVA est récupérable à 100 % sur le gazole.
Pour l’essence en revanche, seule 20 % de la TVA est concernée, le taux montant peu à peu à 100 % jusqu’en 2022. C’est d’ailleurs là le seul changement de fiscalité notable intervenu ces dernières années. On le voit, en matière d’utilitaire, la stabilité des usages est de mise. Certes, les carburants alternatifs, l’électrique et l’autopartage commencent à entrer dans les mœurs sur la pointe des pieds, mais le grand chambardement n’est pas encore d’actualité. Ce qui n’est pas une raison pour ne pas l’anticiper : les utilitaires n’échapperont pas à la transition écologique à venir.