Après un ralentissement forcé, la dynamique des expatriations de cadres reprend à la hausse. Expérience de vie, enrichissement personnel et professionnel, opportunités pour booster une carrière… La démarche attire, mais n’est pas sans risques. Pour en tirer le meilleur, l’accompagnement et la préparation sont incontournables.
Plus d’1,6 million de Français étaient installés à l’étranger au 1er janvier 2022. « Un total important, mais largement sous-estimé« , selon Alix Carnot directrice générale d’Expat Communication, qui prépare et accompagne les projets internationaux des cadres et des entreprises. Et pour cause, l’inscription sur les registres consulaires reste volontaire, et le ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères estime à 2,5 millions le total de Français présents à l’international. Comme le rapporte Alix Carnot, « les expatriations ont repris depuis la période Covid, et nous sommes au milieu d’un effet de rattrapage, avec un gros boom vers les Etats-Unis, Dubaï et les Emirats, et un très fort ralentissement des projets vers la Chine et la Russie. Ce qui a changé, c’est que les expatriés ont repris conscience que la démarche comporte des risques et la distance est devenue plus tangible. Nous avons une expatriée qui nous a, par exemple, dit qu’avant elle habitait à 6h de Paris, maintenant à 2 000 kms, en termes de perception ce n’est pas la même chose« . Autre constat : le rajeunissement des Français de l’étranger, dont 64 % sont des actifs de 49 ans en moyenne. 79 % travaillent pour une entreprise locale, le reste étant des retraités.
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Une aventure humaine et professionnelle
Chaque année, Expat Communication publie son baromètre des raisons et des freins à l’expatriation. Le dernier en date, publié en janvier 2023, met en avant l’aventure humaine et familiale (39 %), la meilleure qualité de vie (28 %), la progression de carrière (21 %), l’expérience professionnelle et interculturelle (19 %) parmi les principaux motifs de départ. « Quand on s’expatrie, ce n’est pas tant pour des raisons professionnelles, analyse la directrice générale Alix Carnot. Si vous partez exclusivement pour booster votre carrière vous risquez d’être déçu. » Si l’expatriation reste dans beaucoup de cas un accélérateur de carrière, et pour certains parcours un « must have » si l’on souhaite pouvoir prétendre à des postes à hautes responsabilités ou intégrer un Comex, l’expérience est avant tout enrichissante sur le plan personnel.
D’un point de vue professionnel, les projets d’expatriation sont importants pour les entreprises françaises à l’étranger, et être en poste dans un pays étranger a un impact certain sur l’organisation du travail. A ce propos, le baromètre d’Expat Communication cite la dynamique de travail (65 %), la connaissance des méthodes de travail (67 %) et du marché local (68 %) comme enjeux qui bénéficient d’une présence sur place par rapport au distanciel, souvent incompatible avec l’expatriation. « Le plus grand apport, c’est de comprendre à quel point l’autre peut être différent, d’avoir une vision globale du marché en travaillant dans un contexte international. Par rapport au travail à distance, si une entreprise lance des coûts importants pour envoyer un collaborateur, c’est qu’elle attend quelque chose souvent incompatible avec le 100% virtuel. Sans parler des enjeux de décalage horaire et de management« , complète Alix Carnot.
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Se préparer pour limiter les risques
En amont de tout projet de départ, il est important d’en mesurer les difficultés potentielles. Selon la directrice générale d’Expat Communication, « il y a deux grands risques pour la carrière. D’abord, le réseau : on risque d’être moins au courant des codes et des mœurs de son marché d’origine. Ensuite, ce que les expatriés oublient beaucoup, c’est la question des compétences. Les cadres partent souvent pour développer leurs soft skills (résilience, ouverture d’esprit, connaissances interculturelles…), mais s’agissant des hard skills, ils sont souvent plus là pour transmettre que pour apprendre. Et leur expertise peut s’en retrouver dégradée au moment du retour« . Mieux vaut donc en avoir conscience, préparer son retour et la suite de sa carrière, anticipés comme difficiles par 70 % des cadres expatriés, pour des raisons familiales (30 %) et professionnelles (34 %).
De fait, un autre point de vigilance est la question familiale. Dans beaucoup de couples, le conjoint de la personne qui part se retrouve dans une situation professionnelle difficile une fois sur place. D’après le baromètre, 41 % ont conservé une activité pendant que beaucoup ont choisi de ne pas travailler pour s’occuper des enfants et de la famille (36 %) ou par impossibilité de poursuivre dans le même secteur ou métier (19 %). « Notre leitmotiv, c’est qu’une expatriation réussie et maîtrisée, c’est une expatriation préparée. Le succès du retour se joue avant même le départ. Il s’agit de se préparer professionnellement mais aussi en anticipant l’impact sur son couple et sa vie de famille. Et surtout de savoir pourquoi on part. Celles et ceux partant pour une aventure humaine sont rarement déçus« , affirme Alix Carnot. D’autant plus que, si la moyenne des expatriations est estimée à 3 ans, beaucoup de cadres n’ont pas une claire visibilité sur la durée de leur expérience. Certains décidant même de s’installer définitivement à l’étranger…