Tribune – La dimension relationnelle est de plus en plus présente dans la législation sur la sécurité, la santé, l’égalité, la non-discrimination, le harcèlement, le stress au travail. Cela devient d’autant plus important que le législateur a intégré dans le traitement de ces questions une forte obligation en matière de prévention. Cette évolution n’est pas sans créer de la confusion sur les rôles des uns et des autres dans l’entreprise. Par Jean-Louis Lascoux, Henri Sendros-Mila et Fabien Eon, auteurs de “Pratique de l’ingénierie relationnelle – La médiation professionnelle au service des entreprises”.*
La responsabilisation croissante de l’employeur s’accompagne d’une déresponsabilisation symétrique du salarié. D’un autre côté, le niveau de formation des salariés ne cesse de s’élever et avec lui les aspirations des personnes à plus d’autonomie et de responsabilités.
Ce paradoxe est générateur de situations de tensions relationnelles. De toute évidence, la réponse juridique à ces situations ne peut donner entière satisfaction. Il convient de chercher ailleurs, dans des formes plus implicatives, des modes de résolution qui, sans priver les personnes des voies de recours habituelles, leur permettent, avant, pendant ou après le conflit, d’exprimer leur propre recherche de solutions.
Outre leur obligation de respecter la loi, les entreprises du 21ème siècle sont confrontées à de nouveaux enjeux : Il s’agit de faire preuve d’agilité face à un environnement plus que jamais changeant, de démontrer sa responsabilité sociétale, d’observer des principes de gouvernance responsable et durable.
Les femmes et les hommes qui font l’entreprise ont un rôle essentiel à jouer pour faire face à ces défis. Les organisations ne peuvent faire l’impasse sur un instrument efficace de prise en compte de la dimension relationnelle de l’entreprise, en particulier la médiation professionnelle.
Les enjeux pour l’entreprise
Il existe deux approches de l’humain au travail. Il y a celle visant la soumission et celle visant la liberté de décision. La première consiste à s’en référer ou s’en remettre à un référentiel surplombant ; la seconde fait appel à la réflexion et à l’éthique. Cette dichotomie existe évidemment dans tous les domaines où s’exercent les activités humaines. Nous allons l’aborder dans le contexte qui nous intéresse ici, celui de l’entreprise. Avant d’aller plus loin, une question s’impose : Qu’est-ce qu’une entreprise ? Ou à tout le moins, qu’est-ce qu’une entreprise du point de vue de la dimension relationnelle ?
Aborder de façon rationnelle la définition de l’entreprise nous conduit à la représenter selon trois axes. Le premier, c’est ce qui fait l’entreprise. C’est la législation du travail, les statuts de l’organisation, ses règlements et procédures internes. Le second, c’est ce que fait l’entreprise. Ce sont ses produits, ses services, ses actions commerciales et sociétales. Le troisième axe, ce sont ceux qui font l’entreprise, c’est-à-dire les personnes qui la composent et qui agissent en son nom.
Nous garderons cependant à l’esprit que derrière ce qui fait l’entreprise et ce que fait l’entreprise, il y a aussi des personnes.
La survie en jeu
Les entreprises sont soumises à des changements permanents dans leurs trois dimensions : des évolutions juridiques ou réglementaires, de nouvelles techniques de production ou une évolution technologique, une réorganisation ou une fusion d’entreprises. Dans tous les cas, ce sont des personnes qui accompagnent ces changements par leur créativité, leur esprit d’analyse, leur désir de bien faire ou encore leur sentiment d’être partie prenante de la transformation. Quelquefois, aussi, c’est par leurs réticences, par la crainte de se trouver confrontés à des difficultés nouvelles, de rencontrer des limites à leur compétence ou à leur capacité d’adaptation que ces changements sont vécus.
Les enjeux sont importants. Il y va de la bonne marche de l’organisation, parfois même de sa survie. L’ingénierie relationnelle concerne tous les acteurs de l’entreprise, les dirigeants comme les managers ou les salariés dans la diversité de leur approche ou de leurs responsabilités. Elle concerne aussi les parties prenantes de l’organisation, tant que cette dernière exerce une responsabilité sociétale et environnementale au sein de la société dans son ensemble.
* ESF Editeur