C’est le constat qui s’est imposé à nous tandis que nous réunissions, pour notre Cahier de tendances RH 2025, les données, analyses et témoignages relatifs aux grandes évolutions RH en cours. Je rassemblerais l’impact RH de l’IA en 3 grands thèmes transversaux :
- L’IA comme risque RH ;
- L’IA comme vecteur de productivité RH ;
- L’IA comme accélérateur du développement durable.
La fonction RH au défi de l’IA
Toute technologie en émergence génère autour d’elle un nuage d’inquiétudes variées. Les détracteurs du train à vapeur, puis de l’automobile, craignaient la violence des accidents, les conséquences de la vitesse sur le corps humain, la disparition du métier de cocher. La première de ces craintes était légitime. La seconde était une prédiction juste, mais une crainte injustifiée. La dernière était un fantasme. De même, nous pouvons distinguer plusieurs types de risques liés au déploiement d’outils IA dans les RH :
- Le risque de confidentialité : c’est un sujet technico-juridique, particulièrement sensible en recrutement, gestion administrative, gestion des carrières. Solution : les éditeurs et la fonction RH doivent monter en compétences sur le sujet.
- Les risques industriels : discrimination à l’embauche, erreurs de gestion, indicateurs inexacts, fuites de données, etc. Là encore, la réponse passe par la formation des professionnels RH et le progrès des solutions.
- Les risques liés à l’acceptation des outils : des collaborateurs et candidats peuvent redouter la déshumanisation liée à l’IA. La solution est ici spécifiquement RH. Les agents conversationnels doivent savoir rester à leur place de robots et céder la place à leurs maîtres quand il le faut.
- Les risques pour l’emploi : les métiers de l’entreprise, y compris ceux des RH, sont susceptibles d’être transformés, voire remplacés, par l’IA. Selon Tomorrow Theory, cité dans notre Cahier, la plupart des métiers RH seront affectés à court terme. Prolongeant cette approche et l’étendant à tous les métiers, EY prédisait dans son rapport AIpocalypse ou AIvolution ? une « évolution des tâches plutôt qu’une destruction massive des emplois ». La réponse, là encore, est RH et organisationnelle.
L’IA, assistant RH à tout faire
Cette réponse RH passe par la recherche de vrais progrès de productivité grâce aux outils de l’IA. Mais qui dit productivité ne dit-il pas perte d’emplois ? Cela supposerait qu’en l’état, les professionnels RH font déjà pleinement leur travail. Or, comme le dit Nicolas Récapet, le DRH de Talan, dans les pages du Cahier de Tendances RH, « l’administratif devrait représenter 20 ou 30 % du travail des RH. Aujourd’hui nous sommes trop souvent autour de 90 %. » L’IA ne signifie donc pas seulement l’opportunité de faire plus vite ce que nous faisons déjà. Elle apporte surtout la possibilité de faire mieux et d’aller plus loin, en confiant à l’IA des tâches peu gratifiantes et pour lesquelles l’humain n’est pas le plus compétent.
Au long de nos 10 chapitres, nous allons ainsi retrouver l’IA en train de révolutionner le recrutement (analyse de poste et de compétences, prise de contact, présélection), l’expérience collaborateur (analyse des retours), le management (évaluation des équipes), le pilotage RH (data RH, prospective), la formation (personnalisation), l’organisation du travail (gestion des temps), le dialogue social (comptes rendus automatiques, indicateurs), la santé mentale (alertes, information), la diversité (non-discrimination). Dans tous ces domaines, nous pouvons ajouter la fonction « création de contenus » de l’IA générative. A chaque fois, c’est du temps gagné que le professionnel RH peut consacrer à l’accompagnement humain et à la réflexion stratégique.
L’IA pour dépasser les contradictions du développement durable
Qu’en est-il de la contribution de l’IA au développement durable ? D’emblée, elle apparaît lourdement handicapée par la question énergétique. Le seul entraînement initial de ChatGPT3 aurait consommé 700 000 litres d’eau douce et généré autant de carbone que 205 allers-retours Paris-New York, selon des chiffres cités par le rapport EY déjà évoqué. Il faudra trouver des solutions techniques et organisationnelles pour limiter cet impact. Mais dans le même temps, l’IA nous donne les moyens de mieux gérer l’énergie des bâtiments, d’optimiser les horaires et les déplacements, d’améliorer l’adéquation entre compétences et tâches, de donner un meilleur accès à l’information et à la formation…
Surtout, l’IA est bien meilleure que nous en analyse multifactorielle. Notre cerveau se perd vite quand s’accroît le nombre de variables, et nous tendons souvent à privilégier un facteur pour des raisons idéologiques ou émotionnelles. L’IA, sur le long terme, peut nous aider à prendre de manière informée les meilleures décisions. Elle peut nous permettre d’optimiser les impacts de nos actions sur les différentes dimensions du développement durable – sociale, économique, environnementale – qui souvent entrent en compétition, voire en conflit. L’intelligence artificielle vient ainsi augmenter l’intelligence RH, et plus globalement notre capacité à résoudre des problèmes complexes et à gérer les contradictions. Mais il faut nous en donner les moyens, cognitifs autant que financiers.