Téléphone greffé à la main, emploi du temps surchargé, course effrénée d’un aéroport à l’autre… Lola Périer vivait la vie de la “Parisienne pure souche”, plaisante-t-elle. Âgée d’une vingtaine d’années, son métier d’agente de stars l’a amenée à côtoyer de nombreux artistes, à fouler les marches du tapis rouge à Cannes, ou encore à voyager aux quatre coins du globe pendant une dizaine d’années. Son rôle ? Négocier des contrats, s’assurer que les artistes travaillent dans de bonnes conditions, et soient payés en temps et en heure. Cependant, en 2018, elle craque ! “J’étais passionnée par mon métier. J’ai notamment travaillé avec Elisabeth Tanner qui a inspiré Andréa Martel, le personnage de Camille Cottin dans la série à succès Dix pour cent. Mais une remise en question concernant la vie que je souhaitais mener s’est imposée lorsque la surcharge de travail a entraîné de la fatigue, ainsi qu’une perte de plaisir”, raconte la trentenaire.
En dépit des doutes, elle décide de se lancer dans une aventure aux antipodes de la parisian life. “Je voulais travailler à mon compte, ne plus sacrifier ma vie personnelle, ni mon sommeil. Ce changement était effrayant. J’ai dû complètement sortir de ma zone de confort. J’ai toujours eu un fort intérêt pour les restaurants et la nourriture. Mais j’ai vite réalisé que je ne savais rien sur les plantes nourricières que je mettais dans mon assiette”, poursuit-elle. Si elle ne connaissait rien au monde rural, la citadine enchaîne les formations afin de devenir maraîchère, aussi appelée food gardener, plus poétique selon elle. Puis, la jeune femme réalise des stages qui la confortent dans son choix : “J’ai tout de suite adoré. C’est fascinant de planter une graine, de la voir grandir, avec pour finalité de nourrir les autres. Je ne savais pas si j’en serais capable, surtout physiquement. Mais j’y suis arrivée !”, indique l’ex-agente de stars. En 2020, elle finit par décrocher son diplôme BPREA (brevet professionnel responsable exploitation agricole) qui permet d’obtenir une capacité agricole, et ainsi de demander des aides financières.
Où s’installer ?
Lola doit ensuite relever un défi de taille : trouver un terrain agricole. Si la food gardener avait intérêt à en dénicher un dans le Sud de la France, ou en Italie, car “ils sont quatre fois moins chers en moyenne qu’ailleurs”, elle a préféré rester proche de la capitale. “C’est la ville qui compte le plus de restaurateurs et où il est possible de générer des marges intéressantes pour être rentable. De plus, je voulais rester à proximité de ma famille et de mes amis, ainsi qu’anticiper les conséquences du réchauffement climatique. Dans le Sud, je redoutais des épisodes de sécheresse”, développe-t-elle. Acheter une exploitation en Île-de-France peut toutefois s’avérer “long, fastidieux et surtout hors de prix”, d’après l’entrepreneuse. Mais, elle a “eu de la chance. Plutôt qu’acheter, j’ai signé un bail agricole sur les terres d’un agriculteur pratiquant également le maraîchage ».
Après s’être occupée de la paperasse administrative, elle devient ainsi, en juin 2022, l’heureuse locataire d’une exploitation de 8 000m2 près de Dourban (Yvelines). Elle troque définitivement son téléphone portable contre des bottes, des gants et une pelle afin de cultiver des légumes estivaux rares. Et les demandes ne se font pas attendre ! Deux semaines après le démarrage de son activité, Lola collabore avec une quinzaine de clients, grâce au bouche à oreille entre chefs ainsi qu’à une bonne visibilité sur les réseaux sociaux, afin de leur vendre tomates, poivrons, navets, haricots, ou encore aubergines.
Succès immédiat
Le premier restaurateur à lui faire confiance ? Les enfants du marché, situé dans le IIIe arrondissement de Paris. “Au fil du temps, j’ai tissé un lien fort avec eux. Ils sont devenus des clients fidèles. Ils raffolent de la fraîcheur de mes produits récoltés le jour de la livraison. Je les vois régulièrement pour m’adapter à l’évolution de leur cuisine, se réjouit Lola. Je n’exclus pas pour autant les nouveaux clients, mais tout dépend du stock qu’il me reste. Les ventes ont lieu principalement entre juillet et novembre, chaque année.”
À horizon 2025, la néo-maraîchère aimerait travailler avec une dizaine de clients supplémentaires. Mais ne pourra pas “aller au-delà de 25”, dit-elle, car cela nécessiterait de changer de stratégie financière. Pour l’heure, sa capacité de travail lui permet d’exploiter 2 000m2 de surface, sur laquelle se trouvent trois serres. Elle espère, par ailleurs, recruter une personne à temps partiel pour l’épauler. En parallèle, la cheffe d’entreprise se concentre sur d’autres projets : elle a notamment publié le livre pédagogique, Un potager haut en couleur*, aux éditions Marabout en février 2024, afin de partager ses bonnes pratiques, et participe à l’émission Les potagers de Julie présentée par Julie Andrieu sur France 3. Si cette activité professionnelle reste prenante, Lola ne regrette en rien sa vie d’avant : “Je suis fière du chemin parcouru. J’ai gagné confiance en moi, retrouvé du sens et de la joie dans mon travail au quotidien !”