Ce sont des tire-au-flanc quasiment professionnels. Ils sont passés maîtres dans l’art de faire semblant de travailler. Toujours débordés, sont-ils sur plusieurs projets ? Bien entendu ! Ces planqués des open-space parviennent même dans ces bureaux ouverts à donner le change. Courrier cadres a mené l’enquête.
Sans surprise, les groupes restent leur territoire favori. Plus l’organisation est grande, plus il est possible de se planquer. Car la hiérarchie mettra un peu plus de temps à se rendre compte de l’imposture. “J’ai rencontré dans mon activité de consultant des personnes aux fonctions invraisemblables. Un responsable support à l’animation multifonctionnelle d’appui à la transversalité. J’exagère à peine. Mais quand on a du mal soi-même à définir ce pour quoi on est payé, il est difficile de se mobiliser au travail”, note Benjamin Fabre, auteur de Comment devenir un parfait fayot au bureau et fondateur du cabinet Artix conseil.
Des effets démobilisateurs
Vous-mêmes, vous les connaissez. Ils sont passés champions dans l’art de se contorsionner pour passer entre les gouttes. Ils ne prennent jamais aucune initiative mais sont toujours sous l’eau. Ils ne critiquent jamais rien et sont globalement à chaque fois placés dans le bon sens du courant. Très peu appréciés des vrais bosseurs, ils ont été très vite identifiés et attendent que le temps passe sans forcer leur talent. Ces planqués espèrent donc que cela dure le plus longtemps possible tandis que le vendredi après-midi reste leur journée préférée. La retraite semble être un âge d’or.
“Dans certains grands groupes, ce sont les process qui font tourner l’entreprise. Ce type de comportement passe largement inaperçu et sous les radars de la direction au contraire des PME qui tiennent souvent par l’initiative personnelle des uns et des autres. Le commercial d’une TPE est en repos forcé et le chiffre d’affaires de la société s’en trouvera rapidement impacté”, remarque Benjamin Fabre. Et ce dernier de poursuivre : “Je pense néanmoins qu’il est possible de se prendre en main, y compris dans les grands groupes. Vous pouvez prendre des initiatives, proposer des choses avec enthousiasme et aller au-delà de votre simple fiche de poste. C’est aussi à vous d’inventer du sens !”
Une position que nuancera néanmoins le sociologue François Sarfati pour qui ce sont les organisations qui favoriseraient ces planqués d’un nouveau genre. “Quand ces fameux tire-au-flanc ont commencé à travailler dans l’entreprise, ils ont eu envie et à cœur de montrer qu’ils pouvaient faire du bon boulot. C’était un élément de satisfaction au même titre que la confrontation ou l’émulation entre eux et leurs autres collègues. Mais certains phénomènes organisationnels ont eu sur eux, à mon sens, de vrais effets démobilisateurs”, explique l’auteur de Du côté des vainqueurs.
Une vision courtermiste
Le sociologue fait en effet un parallèle entre l’école et le monde de l’entreprise. Le déni de reconnaissance conduit certains élèves comme certains salariés à se retirer peu à peu pour se ranger dans une posture au premier abord sans conséquence : celle du partisan du moindre effort.
“La mesure de la performance en entreprise donne une vision courtermiste des salariés. Il existe, à mon sens, plusieurs types de performance. Un indicateur entièrement basé sur la performance productiviste ne pourra que fabriquer du désengagement chez certains salariés. Il faut donc être très vigilant sur ces calculs”, ajoute François Sarfati. Et le chercheur de mentionner d’autres indicateurs de mesure basés, eux, sur le collectif au travail ou bien encore sur la solidarité. “On ne naît pas tire-au-flanc. Il n’existe pas de génération spontanée qui aurait envie d’en faire le moins possible. Ce serait complétement caricatural”, conclut le sociologue.
Un constat également partagé par Benjamin Fabre : “Arriver à ce niveau de démobilisation peut vous faire perdre toute forme d’élan vital. Lorsque vous ne vous sentez plus à votre place, il est alors difficile de trouver un sens quelconque à votre travail.”