« Nous les confondons souvent avec les routines organisationnelles telles que la réunion d’équipe ou le café, or il y a une vraie distinction de sens et de forme », insiste Makeba Chamry, créatrice de rituels en entreprise et autrice de l’ouvrage Les rituels en entreprise, la nouvelle énergie de transformation (Éditions Eyrolles). En effet, le rituel trouve son origine dans le latin « ritus », signifiant ordonnancement. C’est donc une structure intentionnelle qui confère du sens à l’activité. L’ordre des actions, également appelé « protocole », s’oppose à la routine qui reste mécanique. « Les deux se complètent pour assurer le bon fonctionnement organisationnel. Cependant, le rituel permet une (re)connexion à soi, aux autres et à son écosystème. »
Selon Makeba Chamry, les rituels sont des piliers existentiels : ils marquent les transitions et les changements à la fois personnels et professionnels. Les bénéfices attendus ? « Ils renforcent la cohésion, le sens et le sentiment d’appartenance des collectifs parfois chahutés par le changement. Ces rituels apaisent également les incertitudes en fournissant des moments d’ancrage et de partage émotionnel. Enfin, ces pratiques rétablissent une temporalité en harmonie avec les rythmes naturels tels que les saisons ou les solstices », explique-t-elle.
5 idées de rituels à tester pour dynamiser ses équipes
- Rituels de cohésion : mieux collaborer
Ignition Program est un cabinet RH qui pratique notamment les rituels de cohésion et n’hésite pas à les faire évoluer en fonction des enjeux de l’entreprise. « Nous avons mis en place le format “ask me anything” (AMA) durant la période Covid : un échange pendant lequel les collaborateurs posent toutes leurs questions directement au CODIR. Aujourd’hui, il a été introduit dans un autre rituel : le “36 15”, un point hebdomadaire qui rassemble toutes les équipes. L’objectif étant de partager les résultats et les enjeux de chacune d’elles », explique Albane Mollier, formatrice et coach chez Ignition Program. Trimestriellement, tous les salariés se rassemblent également lors du “Captain Dollar”, un temps d’échange rétrospectif sur les réussites et les échecs de la période. « Cela crée de la confiance avec l’équipe dirigeante : on se sent reconnu et embarqué dans une aventure collective. »
- Rituels de consultation : élargir les prises de décision
Ignition Program a également instauré « l’atelier 2,3,1 » (ou Tête, Coeur, Tripes), un outil qui permet de faciliter les prises de décision. « Nous l’utilisons lors d’orientations stratégiques où un groupe de salariés est réuni pour donner son avis et prendre une décision », décrit Albane Mollier. Il s’articule autour de trois dimensions : sur le sujet en question, les salariés livrent d’abord leurs ressentis (corporel), puis la cohérence ou non avec leurs valeurs (émotionnel) et enfin ce qu’ils en pensent (rationnel). Le plus ? Cette approche permet de prendre le pouls des salariés, de recueillir leurs conseils et d’engager l’adhésion autour d’un projet en invoquant différents leviers (émotionnel, rationnel…).
- Rituels de passage : donner des repères dans la transformation
Les événements marquants tels que les fusions-acquisitions, le début et la fin d’un projet ou encore les changements sont souvent négligés. « L’organisation d’un rituel de passage favorise la création de symboles temporels et soutient les individus lors de moments de transformation, agissant comme des stabilisateurs émotionnels », souligne Makeba Chamry. À titre d’exemple, une équipe de commerciaux ayant perdu tout son business suite au COVID a organisé une cérémonie de clôture symbolique de cette période difficile pour partir sur une nouvelle dynamique : « Les personnes ont enterré symboliquement cette période afin de libérer de l’espace et envisager de nouvelles opportunités. »
Autre pratique partagée par Makeba Chamry : la synchronisation naturelle. Au sein d’une équipe de managers, une fois par trimestre, les personnes se livrent à un rituel de connexion aux saisons. Chaque saison étant investie d’une symbolique distincte : l’automne représente la récolte des projets, l’hiver incarne le bilan et le vide créateur, le printemps signifie l’éclosion…
- Rituels métiers : s’écouter et s’entraider
Afin de créer du soutien au sein de l’équipe managériale d’Ignition Program, un temps dédié a été imaginé, le « Forum Team Lead ». « Tous les team leaders, à savoir les managers intermédiaires, se retrouvent de manière bimensuelle. Une partie du rituel consiste à recevoir les informations descendantes du CODIR. Inversement, une météo des équipes leur est demandée », explique Albane Mollier. Puis le reste du temps est dédié à l’entraide sous la forme d’un codev. Les managers peuvent partager une problématique rencontrée afin d’invoquer des conseils de la part de leurs pairs.
- Rituels en face-à-face : nourrir la qualité relationnelle
Dernier format de rituel recensé au sein du cabinet RH : « Le guide pour une relation managériale durable ». « Tous les 6 mois, le manager et son collaborateur se retrouvent en face-à-face afin de poser et de questionner le cadre relationnel : chacun expose la manière dont il ou elle travaille, ses attentes, ses motivations ou encore ses leviers de stress », décrit Albane Mollier. C’est un format complémentaire avec les « one-to-one » hebdomadaires, plus opérationnels, qui rythment déjà la collaboration.
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Trois idées reçues sur les rituels à lever
- Cela prend trop de temps à mettre en place : « Il est possible de transformer des routines en rituels afin de ne pas ajouter du temps en plus. Pour cela, il faut introduire un protocole précis ainsi qu’une intention », explique Makeba Chamry.
- Mon équipe est hybride, cela ne peut pas fonctionner : les rituels, pour la plupart, sont réalisables en distanciel. C’est parfois plus facile pour les personnes dites introverties, notamment.
- Encore une tâche qui incombe aux managers ! « Le manager impulse les rituels. Ensuite, il ou elle doit déléguer pour laisser la place à de la facilitation tournante avec ses collaborateurs. C’est ainsi que la confiance et l’autonomie s’installent au sein de l’équipe», conclut Makeba Chamry.