Management

Management : comment s’inspirer du rugby pour booster le collectif ?

Quelles leçons managers et collaborateurs peuvent-ils tirer du rugby ? Découvrez les témoignages de joueurs et le regard d'experts sur les enseignements transférables du ballon ovale au monde de l'entreprise.

Une des images marquantes de la dernière Coupe du monde de rugby, qui se déroulait en France en 2023, a été la présence dans les tribunes de Romain NTamack pour encourager ses coéquipiers, alors qu’une blessure l’a écarté de la sélection tricolore. « Ceux qui ne jouent pas sont là en soutien des autres, cela montre qu’ils sont tous motivés par un projet commun très fort. Ils le préparent depuis des mois ensemble et la réussite de l’équipe passe avant les individualités », souligne Aurélien Rothstein, cofondateur avec Benoît Campargue d’Engagement et Performance.

Un fort sentiment d’appartenance à l’équipe

Loin d’être anecdotique, ce soutien incarne à lui seul une des premières leçons inspirantes du rugby : savoir fédérer autour d’une aventure collective et cultiver un vrai sentiment d’appartenance, au-delà des ego qui restent au vestiaire. « On parle beaucoup dans les entreprises de l’esprit d’équipe, mais cette expression a quelque chose de vaporeux, d’abstrait, regrette Aurélien Rothstein. Au rugby, ce n’est pas un concept théorique, mais bien une réalité sur le terrain ! A chacun son rôle dans l’équipe pour faire réussir le collectif ! Et ce avec une diversité en termes de physiques, de compétences, de personnalités… Collaborer ne suffit pas, le rugby montre le besoin d’entraide. Les joueurs viennent au soutien de celui qui a le ballon, aident celui qui est en difficulté… Le rugby concentre ainsi un certain nombre de valeurs dont les entreprises ont besoin aujourd’hui plus que jamais en modèle hybride et en période de crise : le collectif, la solidarité, le contact humain… C’est LE sport qui incarne le collectif par excellence. »

Un projet fédérateur qui dépasse les individualités

Une analyse qui rejoint celle du sélectionneur Fabien Galthié, interviewé cet été par le philosophe Charles Pépin : « Les joueurs ont compris qu’ils atteindraient leurs objectifs seulement s’ils sont une belle équipe. Je leur dis alors : “Servez le projet et le projet va vous servir” ». Et ce peu importe les motivations individuelles de chacun. Au gré des résultats, c’est en effet l’équipe, et pas seulement un joueur, qui est mise en avant et fait la différence. Même si, bien sûr, le sélectionneur ou encore le capitaine peuvent influencer le cours d’un match. « J’ai le même discours de transparence aujourd’hui avec mes salariés qu’à l’époque avec mes coéquipiers sur le terrain, témoigne Imanol Harinordoquy, ancien international du XV de France, à la tête des « Contrebandiers » et fondateur d’une académie de rugby pour les jeunes. Cette transparence est indispensable pour embarquer et fédérer. L’important est que chacun se sente investi dans le projet. Le sentiment d’appartenance est déterminant. J’aime travailler avec des personnes fidèles, avec un vrai lien humain. Au moment du recrutement, la personnalité et l’état d’esprit des candidats comptent beaucoup pour moi. »

À chacun son rôle !

Mais le capitaine, aussi déterminant soit-il, n’est pas le seul à avoir un rôle à jouer. « Il est essentiel d’avoir des objectifs communs, mais j’aime ensuite laisser à chacun la possibilité de prendre des initiatives, à chacun son rôle ! Et c’est d’autant plus important que si un maillon est défaillant, c’est toute l’équipe qui en pâtit. », souligne Sylvain Marconnet, ancien pilier du XV de France, qui a évolué au Stade Français et au Biarritz olympique, aujourd’hui à la tête de L’Agencerie à Anglet. « Le leader décide et tranche, mais tous les membres de l’équipe sont acteurs, cela permet de répartir la pression et de faire face ensemble », insiste de son côté Aurélien Rothstein. Il en va de même dans le staff. « Même du côté des entraîneurs, il s’agit d’un collectif, même si le grand public connaît surtout Fabien Galthié, il n’est pas seul, note Benoît Campargue, ancien coach de Teddy Riner. Il y a des experts pour chaque poste, une équipe médicale, etc. Vous noterez aussi sa posture d’humilité, il est assez en retrait pendant les matchs. » Une humilité souvent mise en avant également sur le terrain : les joueurs acceptent les décisions de l’arbitre, ne discutent pas les sanctions, contrairement à d’autres sports.

Ainsi, chaque corps de l’équipe possède son propre référent manager : les avants et les 3/4. Il existe par ailleurs des experts de la défense, de l’attaque, de la conquête, de la touche, de la mêlée. Et chacun est responsable d’une compétence, ce qui permet au manager général de déléguer et de responsabiliser son groupe. Un mode de management qui rejoint celui de Thomas Castaignède, ancien international du XV de France, qui est aujourd’hui associé dans l’agence d’assurance Axa de la ville d’Anglet, après avoir travaillé pour la Société Générale. Celui qui incarnait le French Flair (cette capacité d’intuition à prendre des initiatives imprévues) pendant les matchs précise : « En entreprise comme sur un terrain, je suis quelqu’un de créatif. J’ai dans mon équipe des collaborateurs qui savent faire mieux que moi certaines choses. Je délègue donc, et je leur apporte autre chose. Par exemple, dans la gestion de projet. Le sport de haut niveau m’a appris que face à un objectif de grande envergure, il est essentiel de bien se préparer, d’être honnête avec soi-même, mais aussi de le découper en étapes pour arriver au sommet. Ces points de passage sont nécessaires, sinon l’objectif paraît trop gros. Cela demande aussi d’avoir une vision, un cap, pour embarquer l’équipe sur le long terme. »

Des objectifs intermédiaires

Comme il l’explique dans plusieurs interviews, Fabien Galthié a ainsi défini la vision de sa mission autour de trois grands axes : rassembler, fédérer et partager. Son staff l’a déclinée en objectifs mesurables : gagner des matchs, rentrer dans le top 3 mondial et gagner des titres. Après plusieurs années de travail, le XV de France de Fabien Galthié affiche un pourcentage de plus de 90 % de victoires sur les deux dernières années de compétition, a remporté le Grand Chelem du Tournoi des Six Nations en 2022 et s’est hissé à la troisième place du classement mondial masculin du World Rugby. L’ingrédient clé du succès ? La combativité ! « Le rugby vous apprend la persévérance, la ténacité, explique Imanol Harinordoquy, aujourd’hui entrepreneur menant plusieurs activités en parallèle, entre autres dans l’immobilier et le vin. J’ai gardé de mes années de rugby l’idée qu’il faut travailler dur pour mener à bien un projet et réussir. Ce sport apprend la résistance et la résilience. Il faut aussi savoir parfois prendre du recul pour gérer la pression et savoir aussi prendre des risques. » Savoir rebondir après des échecs, « mais aussi après des succès, ce qui n’est pas forcément facile » souligne Thomas Castaignède ! Et d’ajouter : « J’aime travailler dans la bonne humeur, on a le droit de faire des erreurs, de se louper… Il faut comprendre ce qui a coincé pour ensuite avancer. Mais on nous a appris dans notre éducation qu’il fallait avoir de bonnes notes, être le meilleur individuellement, etc. Ce n’est donc pas forcément facile d’accepter ses échecs et de savoir travailler en groupe. » Une posture partagée par Fabien Galthié qui expliquait dans l’émission « Sous le soleil de Platon » : « La copie parfaite, elle ne m’intéresse pas. C’est proche d’un système scolaire où on donne trop d’importance à la bonne note. Ce qui m’intéresse, c’est la mission donc gagner des matchs ». 

L’art de célébrer

Et qui dit victoire, dit 3ème mi-temps festive ! Et donc convivialité. « La troisième mi-temps permet de célébrer, ce sont des moments partagés avec le staff et l’équipe au sens large », précise Aurélien Rothstein. « J’en ai gardé l’envie de fêter les petites et grandes victoires dès que cela est possible, raconte Sylvain Marconnet, qui affiche plus de 80 sélections avec le XV de France. Je tiens à ce que mon entreprise reste à taille humaine, pour moi les liens humains sont essentiels. » Et ce n’est pas Imanol Harinordoquy, deux fois champion de France et vainqueur à 5 reprises du Tournoi des VI Nations, dont trois Grands Chelems, qui le contredira : « La cohésion d’un groupe se joue en dehors du travail, les moments informels partagés ensemble sont importants. J’aime aussi valoriser mon équipe, via, notamment, une reconnaissance financière avec des primes. Cela engage et responsabilise. C’est une stratégie gagnant-gagnant. » Encourager, féliciter, célébrer, valoriser… Autant d’actions concrètes à favoriser tout au long de l’année au bureau et en dehors. Et si vous retrouviez votre équipe pour regarder ensemble le prochain match des Bleus ? De quoi découvrir vos collaborateurs autrement et tisser de nouveaux liens.

Article actualisé le 07/10/2023.

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