Fixer des KPI aux membres de son équipe est essentiel pour suivre l’avancée des projets. Avec le contexte sanitaire, nombre d’entreprises se sont lancées dans une course à l’équipement en se focalisant sur le meilleur outil dans le cloud. Si tout intégrer dans des tableaux de bord permet d’avoir un aperçu visuel du travail accompli, le risque est de ne baser ses décisions que sur les données du tableau et d’oublier l’aspect humain de la collaboration. Quelques conseils pour éviter de tomber dans le piège de la gouvernance par la statistique. Par Hugues Trogan, directeur Infobip France et Belgique.
Le management par la statistique. C’est ce que nous pourrions considérer comme un effet pervers de l’utilisation d’un outil numérique. Ce concept renvoie à la technologie qui va gouverner la relation managériale car, si l’outil est là pour aider le collaborateur à mieux travailler et le manager à avoir une vision du travail accomplie, le risque est d’en devenir l’esclave.
Il ne faut pas confondre le management avec la production et/ou la lecture d’un document de reporting. Grâce aux outils, il y a plus interactions entre les équipes, mais elles ne sont pas pour autant plus qualitatives qu’avant leur mise en place. Automatiser des parties de la relation managériale y a ajouté de la complexité et accru le risque que s’installe une logique d’influence des statistiques. Par exemple, cela peut peut-être prendre du temps pour intégrer dans l’outil des informations et des documents, dont on sait pertinemment qu’ils ne sont pas stratégiques à la prise de décision, mais qui servent uniquement à montrer qu’il y a de l’activité. Le business se met alors au service de l’outil et non au service de l’efficacité. Dès lors on ne travaille plus pour atteindre ses objectifs mais pour démontrer à sa hiérarchie que l’on travaille et la finalité de ce dernier se perd.
A travers le prisme de son tableau de bord, si le manager ne considère que les indicateurs chiffrés qu’il voit pour prendre des décisions et ne juge plus de la qualité du travail qui est fait mais de sa quantité, il tombe dans le piège de la gouvernance par la statistique.
Cela prouve alors que ces types de cadres, responsables d’une équipe, ont perdu de vue leur mission première et dénote une certaine forme de lâcheté lorsqu’ils se cachent derrière les chiffres après avoir constaté que les résultats ne sont pas au rendez-vous. Mais la vie est pleine de surprises et l’inattendu peuvent arriver. Il y a souvent un manque de partage de bonnes pratiques de la part de l’entreprise à l’occasion de l’adoption d’un nouvel outil afin justement d’éviter les dérives.
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Apprécier les collaborateurs dans leur individualité
La Symétrie des Attentions* est un concept déjà bien intégré par les grandes entreprises. En effet, la façon dont on traite ses collaborateurs est aussi importante que la façon dont on traite ses clients. Lorsque le télétravail était une directive gouvernementale, les canaux digitaux ont permis de garder le lien aussi bien avec les clients qu’avec les collaborateurs. Désormais, certains collaborateurs veulent revenir sur site à temps plein, d’autres préfèrent rester dans une forme hybride, et d’autres encore préfèreraient rester complètement en télétravail. Satisfaire tout le monde est presque mission impossible, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas être à l’écoute de ces demandes. Si les tableaux de bord indiquent que les collaborateurs sont plus efficaces au bureau, ou à l’inverse en télétravail, faut-il leur imposer l’une ou l’autre localisation alors qu’ils formulent individuellement une demande contraire ?
Le présentiel est important pour créer du lien et il permet des échanges informels dont il ne faut pas sous-estimer l’efficacité. Ceux-ci permettent de débloquer certaines situations et facilitent l’émergence de nouvelles idées. Et ce sont des moments qu’il est difficile de monitorer dans un tableau de bord. La technologie peut servir aussi bien l’efficacité de l’humain que son bien-être au travail, à condition qu’elle ne crée pas une frontière entre le management et les collaborateurs. Mais à condition aussi que les managers ne se laissent pas guider par la tyrannie des chiffres.
Intégrer les indicateurs humains
Si l’analyse des chiffres est importante, la numérisation des échanges n’est pas toujours source de fluidité. Quant aux indicateurs chiffrés, il n’est pas difficile de les définir. Là où les choses se compliquent, c’est sur les indicateurs humains, ceux qui permettent de ne pas perdre de vue le bien être des collaborateurs. En voici quelques-uns assez parlants. En effet, s’il est important d’analyser le taux d’absentéisme et de comprendre les raisons qui poussent un collaborateur à quitter l’entreprise (turnover), ce ne sont pas les seuls indicateurs.
Chaque génération en activité aujourd’hui fonctionne de manière différente. Le manager doit donc prendre en compte leur mode de fonctionnement pour que les membres de son équipe adhèrent au projet et l’aide à atteindre ses objectifs à lui. Les questions à poser sont donc : est-ce que ce collaborateur a compris le sens derrière notre objectif ? Et si non, comment, en tant que manager, puis-je emporter son adhésion ? Le management motivationnel permet de prendre en compte cette dimension émotionnelle dans la relation au collaborateur. Cela notamment en lui donnant un cadre dans lequel il pourra exercer sa liberté et en sanctionnant positivement les comportements. L’erreur est de penser qu’il vaut mieux donner des outils que donner du sens.
La confiance des collaborateurs
Faire confiance a été un impératif pendant près de 18 mois et cela doit continuer. Pour les faire grandir, il faut que les managers donnent des clés à leurs collaborateurs. Cela passe par le fait d’estomper les contraintes hiérarchiques et surtout une remise en perspective de la responsabilité du collaborateur quel que soit son environnement de travail. En effet, le travail hybride présentiel/télétravail permet de nouveaux rythmes, une liberté qui n’est pas toujours vécue comme telle. Les questions à poser sont donc : Ai-je tout mis en place pour pouvoir valoriser et accorder ma confiance à ce collaborateur ? Et est-il lui-même assez en confiance pour grandir dans ce cadre ?
Se montrer présent sans être oppressant, avoir une écoute active mais en laissant parler, se proposer en mentor sans s’imposer, sont autant de bonnes pratiques qui participent à faire grandir la confiance au sein d’une relation de travail.
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Les enquêtes anonymes et impartiales
Au plus fort de la crise les services Rh ont été mis à rude épreuve et certaines entreprises, pour prendre le pouls des tendances ont donc lancé des enquêtes de satisfactions. Ce sont des mines d’or pour les managers qui souhaitent améliorer les performances de leurs équipes. Prendre connaissance des retours des collaborateurs, même si ce ne sont pas directement ceux avec qui nous travaillons, est indispensable pour savoir s’ils sont dans de bonnes dispositions et potentiellement expliquer certains résultats en provenance d’indicateurs chiffrés. Les questions à se poser : que faut-il changer en termes d’environnement et qui pourra améliorer les performances ? Ou éventuellement, qu’est-ce qui a été mis en place et qui favorise les performances des collaborateurs ?
Il ne faut pas oublier qu’en dépit de ce qu’il faut améliorer, de solides stratégies sont aussi en place, sans quoi toutes les entreprises auraient un turnover de plus de 50 %. Il faut donc capitaliser sur les points forts et améliorer ce qui doit l’être dans la mesure du possible. Rappelons également que la mesure des performances économiques d’un pays peut prendre en compte des indicateurs humains. Au-delà du PIB, cela fait plusieurs années que certains organismes indépendants, comme l’OCDE, parlent de mesurer la qualité de vie des pays et le bonheur intérieur brut. De même, les classements des « meilleurs employeurs » selon les salariés deviennent un véritable enjeu pour recruter les talents. De quoi inspirer les managers à considérer tous les facteurs qui font la richesse d’une entreprise.
*Concept de L’Académie du Service
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