Si nous entendons des phrases du style « Je n’arrive pas à suivre le rythme », « Encore une journée à tirer, je n’ai pas envie », « Je n’arrive plus à manager efficacement », « J’en ai marre, ils me fatiguent tous », nous devons, managers comme collaborateurs, nous poser la question de l’état de fatigue psychique et physique de la personne qui les formule. D’autant plus que dans le contexte actuel qualifié de « VICA » (Volatile, Incertain, Complexe, Ambigu), où le stress et l’anxiété sont fortement présents, la fatigue émotionnelle génère de la fatigue physique qui génère de la fatigue émotionnelle. Il est responsable, de la part de chacun, de se questionner sur cet équilibre pour éviter une rigidification, puis une dégradation de son efficacité, de l’image de soi-même, de ses relations, voire de sa santé.
Être attentif aux signaux faibles
Or, la prise de conscience et l’acceptation de l’état de fatigue ne sont pas toujours évidentes. Pour ce faire, chacun doit être attentif aux signaux faibles, c’est-à-dire aux petits changements par rapport à d’habitude, qui commencent à durer : des oublis, de la désorganisation, des erreurs, de l’irritabilité, de l’isolement, de la démotivation, des tensions relationnelles, de l’insomnie, un mal de tête…Mais chacun doit également s’obliger à prendre du recul. En effet, l’émotion peut nous empêcher d’être objectifs sur la situation. Souvent, plus on est fatigué, plus on le dit, mais plus on continue à faire la même chose, sous couvert de « Je n’ai pas le choix », « Il faut que je tienne », « Je ne dois pas être absent », « C’est dans mon rôle ». Notre cerveau biaise notre analyse, on s’accroche à des pensées en mode « tout ou rien » piégé par des croyances. Le fantasme du « sauveur », le mythe du « super-héros », le poids du regard de l’autre sont des pièges coriaces. Or, il est humainement normal que notre corps ait besoin de se ressourcer, que notre esprit ait besoin de s’aérer.
De bonne habitudes au quotidien
Pour reprendre un peu d’air, la première action est de réorganiser son agenda. S’arrêter ne veut pas forcément dire prendre une semaine, cela veut dire arrêter de dire oui à tout et s’autoriser à imposer dans son agenda des moments pour soi (comme la séance de sport à laquelle on ne va plus ou un vrai temps de pause du déjeuner), des temps pour s’engager dans des « projets plaisir ». C’est tenir compte de son chronotype personnel (certains sont « du soir », d’autres « du matin »). C’est aussi bloquer des plages longues de concentration pour traiter les dossiers de fond, et d’autres plages pour traiter les mails. C’est, face aux sollicitations externes, aux réunions imposées, questionner la pertinence de sa présence, le sens de la sollicitation, son délai. Y arriver suppose de s’y préparer. C’est une décision de prendre le temps de planifier. L’agenda doit devenir un allié.
La deuxième action pour reprendre de l’air est de sortir de l’isolement et d’oser communiquer sa difficulté, son besoin. C’est dans le collectif qu’on trouve des leviers de ressources et de créativité. Manager quand on est fatigué nécessite donc d’oser prendre le temps de s’arrêter et « d’arrêter de faire toujours de la même chose ». Reconnaître et adresser la fatigue, c’est l’occasion de s’interroger, de s’ouvrir et d’installer des nouveaux modes de fonctionnement que l’on soit concerné ou observateur, manager ou collaborateur.
Pour approfondir, écoutez le podcast « Pratiques du management » dans lequel Frédérique Roseau, rédactrice en chef de La Revue Fiduciaire, interviewe Aurélie Durand.